366ème semaine politique: Hollande veut croire au retour de "Pépère"

Publié le 10 mai 2014 par Juan

Est-ce comme un sursaut ? Le coup de pied que l'on donne quand on sent qu'il faut remonter ? François Hollande s'est jeté dans l'arène avec un plaisir non dissimulé. 

Son second anniversaire à l'Elysée a même provoqué une confrontation qu'on avait oubliée après deux ans de Hollande-Bashing. l'heure des bougies, des bilans et des incantations politiques...


L'heure des bilans...
A gauche et à droite, les bilans forcément mauvais, critiques et détestables se sont multipliés. Prenons la droite. Comme la gauche sous Sarko, la droite sous Hollande gagne sans victoire et par défaut. Sa mauvaise foi était si évidente qu'elle fait rougir au-delà de ses rangs. Sur nombre de sujets, Hollande fait "mieux" et plus rapidement que Chirac, Sarkozy et consorts: malgré une situation économique générale toujours difficile, le redressement des comptes publics est clairement à l'oeuvre. Hollande promet 50 milliards de coupes budgétaires pour financer des exonérations de charges.
Qui dit mieux ?
A gauche, il n'y a pas forcément de l'impatience: la vrauche se fiche du bilan de Hollande, le passif a déjà été constaté, le divorce consommé. Les critiques sont multiples: certains n'ont jamais digéré que le redressement des comptes publics soit la boussole de ce quinquennat (le déficit budgétaire français a vraiment baissé de 3 milliards à fin mars). D'autres se sont ajoutés quand l'absence de rupture franche avec les anciennes mauvaises pratiques se sont fait sentir (e.g. les outrances verbales de Valls sur l'immigration ou les Roms). D'autres encore sont partis quand Hollande a décidé d'aggraver les exonérations de cotisations sociales. Nous aussi avons ici, finalement, dressé la troisième addition du quinquennat Hollande. La première était positive, la seconde inquiète, la troisième critique. La quatrième sera peut-être détestable. Il n'y a plus d'impatience.
Pour l'heure, on a pu également lire des bilans positifs d'un quinquennat fatigué. C'est notable pour être noté. Du temps de l'ancien monarque, la droitosphère avait rapidement déserté le terrain malgré les efforts parfois rémunérés de la troupe sarkozyste. Les soutiens, mêmes critiques, de l'actuel remplaçant sont encore actifs, malgré les difficultés.
Le changement est en cours, nous promet-on. 
Certes, mais lequel ?
... ou des bougies
Mardi, François Hollande s'est presque excusé: il a confirmé qu'il n'a pas suffisamment "expliqué" à ses "amis" combien la France avait un retard de compétitivité qu'il fallait résoudre. La belle affaire ! C'était donc cela, le candidat devenu président ne pense qu'au chômage et à sa "solution", la baisse du coût du travail. Cette double préoccupation, qui place Hollande dans la lignée des Blair, Schröder et autres sociaux-libéraux qui, à droite, ont gouverné longuement en Europe, évacue tous les autres sujets de l'agenda élyséen. Même le plan pauvreté a failli passer à la trappe le 8 avril dernier.
Le patronat encourage. Mercredi, les Echos barrent leur une d'un prétendu rapport d'expert sur ces efforts supplémentaires de dérégulation qu'il faudrait faire pour "créer un million d'emplois".
Pour prouver sa "détermination", Hollande accélère, voici la réforme territoriale avancée de quelques années. Le 8 avril, Manuel valls proposait une concertation pour supprimer les conseils généraux et la moitié des régions entre 2017 et 2021. Moins d'un mois plus tard, son patron suggère donc de reculer d'un an le scrutin régional prévu en 2015 pour achever ce bouleversement plus rapidement. A droite, on hurle, couine et geint. Fillon parle de "totalitarisme", Copé réclame un référendum, Pécresse fustige une "République bananière"...  La disqualification durable de la parole politique à droite est une autre des caractéristiques du moment.
Pour relancer son quinquennat, ou reprendre la main contre un Valls qu'il surveille, Hollande réactive le droit de vote des étrangers. Il sait pourtant que cette promesse est désormais vaine. Le Sénat rebasculera à droite en septembre prochain, à cause de la déroute municipale de mars. Et adieu toute perspective de majorité parlementaire des 3/5èmes.
"Je n'ai rien à perdre". François Hollande, 6 mai 2014
Et nous ?
Hollande fut évidemment interpelé, l'émission de RMC était une "libre-antenne". Une chômeuse livra au micro sa situation personnelle. Son intervention était à peine terminée qu'un préfet zélé s'empressa de publier un communiqué à charge contre la dite chômeuse. Que s'agissait-il de prouver si ce n'est décourager la contestation ? Une telle affaire, il y a 6 ans, aurait déclenché l'ire de la gauche et d'une belle part de nos médias.
Aujourd'hui, nos Pravda se taisent ou, pire, justifient.
  Confidences intimes
Pour achever de taire les critiques qui doutent de son énergie, Hollande s'est offert un déplacement en "banlieue", à Villers-le-Bel. Comme pendant la campagne de 2011, il se déplace encore là où l'ancien monarque pourtant bravache n'osait plus aller.
Hollande, ce 6 mai 2014, voulait effacer les comparaisons trop faciles d'avec Nicolas Sarkozy.
L'Adversaire réapparaît. Le 6 mai est aussi l'anniversaire de sa défaite. France Dimanche relatait ses vacances au Ritz, à New-York. Nicolas est en vacances avec Carla dans l'un des plus prestigieux hôtels du coin.
 Le Figaro pense qu'il "songe à s'exprimer" avant le scrutin européen de fin mai. Un "cadre anonyme de l'UMP", c'est-à-dire très probablement Brice Hortefeux, estime que "sa voix compterait dans la réflexion des Français".
A Paris, le Point prête à Bruno Le Maire de considérer Sarkozy comme ringardisé par Valls. Avant d'être ministre de Sarkozy, Le Maire fut directeur de cabinet de Villepin, lequel s'est mis aussi à la confidence/repentance: "j'ai sans doute été parfois injuste avec Nicolas Sarkozy".
Hollande s'emballe pour l'Europe
A l'Elysée, on s'inquiète. Contre un fiasco programmé pour être multiple aux prochaines élections européennes, le président de la République s'est décidé à entrer dans la campagne. Sa cible, les euro-sceptiques. Son adversaire, les "populistes", une vaste zone politique indéfinissable où l'éditocratie range tout ce que compte de mouvements opposés à l'Europe "telle qu'elle existe", ou plutôt, "telle qu'elle n'existe pas". Dans son édition du 9 mai, jour anniversaire de l'Europe, François Hollande consacre une longue tribune, la démarche est rare.
Il replace l'union européenne dans l'Histoire avec un grand H. "Nous devons nous souvenir ce que nous devons à l'Europe." Comme souvent en pareil cas, Hollande se réfugie dans le souvenir. "L'Europe, c'est la Paix !" Combien de fois avons-nous entendu cette antienne ? Devons-nous "détruire l'oeuvre de trois générations" se demande-t-il ? Il cite l'ex-Yougoslavie, les deux conflits mondiaux, et même l'Ukraine.
Justement, parlons-en, de cette Ukraine. 
L'Europe la laisse en guerre. Les combats se multiplient. La guerre civile n'est plus loin. Vendredi, Vladimir Poutine vient se faire ovationnée dans la Crimée annexée il y a trois semaines. L'Union européenne couine. Cela rappelle l'épisode géorgien, en août 2008. Poutine avait envoyé ses chars annexer deux provinces séparatistes de l'Etat voisin. Nicolas Sarkozy s'était envolé à Moscou, pour revenir... bredouille. Mais ces grands mots avaient fait illusion longtemps en France, on avait cru qu'il avait sauver la Géorgie. Les troupes russes sont toujours en Abkhazie et en Ossétie du Sud, près de 6 ans après. Poutine vient même d'y déployer de nouvelles forces blindées.
Il enfile les belles formules comme d'autres les perles: "l'Europe de la volonté" contre celle de la "dilution". Mais de ces formules on cherche la traduction concrète. Depuis 2008, la volonté européenne s'exprime pour fait plier l'Europe du Sud. Depuis des décennies, la volonté s'exprime à travers cet empilement techno-structurel auto-généré, ces institutions aussi grossissantes que la démocratie y est faible ou anémique (Cour de justice, commission, banque centrale).
"L'Union déçoit", reconnait Hollande. Mais "la fin de l'euro, c'est une austérité implacable, (...), c'est une monnaie livrée aux spéculateurs". La pirouette est facile. Au nom de la défense de cet euro, les Etats restent contraints d'emprunter sur les marchés, et non auprès de la BCE. L'euro-zone a délégué aux spéculateurs le soin de réguler nos politiques budgétaires nationales... Quelle union !
Lundi dernier, Michel Sapin, ministre des Finances, était encore à Bruxelles pour convaincre quémander. Bruxelles ne croit pas à l'atterrissage budgétaire promis pour 2015: au lieu des fameux 3% maastrichtiens, la Commission pense que le déficit français sera encore à 3,4%.
Hollande termine sa semaine en Allemagne, pour "fêter" l'Europe. Il visite Angela Merkel dans son "fief", curieux symbole. Il joue à Mitterrand, trente ans plus tard.
C'était la première semaine de l’an 3.
Crédit illustration: DoZone Parody