- 10 mai 2014
- Gilles Rolland
- CRITIQUES
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Titre original : The Truth about Emanuel
Note:
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Francesca Gregorini
Distribution : Kaya Scodelario, Jessica Biel, Alfred Molina, Frances O’Connor, Aneurin Barnard, Jimmi Simpson, Sam Jaeger…
Genre : Drame
Date de sortie : mai 2014 sur OCS
Le Pitch :
Emanuel, une jeune fille un peu déphasée, a beaucoup de mal à accepter la nouvelle amie de son père. Quand une jeune mère célibataire emménage dans la maison d’à côté, Emanuel décide de proposer ses services pour faire du babysitting. Rapidement, elle éprouve de l’affection pour cette voisine qui ressemble étrangement à sa défunte mère. À son contact, Emanuel commence à reprendre goût à la vie. Mais l’équilibre est fragile…
La Critique :
La tendance se répand de plus en plus en ce qui concerne ces petits films indépendants qui n’intéressent plus les grands circuits traditionnels. Alors qu’il n’est pas encore sorti en vidéo à l’heure où nous publions cet article et qu’il n’a donc pas été programmé dans les cinémas, The Truth about Emanuel est diffusé en exclusivité sur le réseau OCS.
Sorti début janvier 2013 sur les écrans américains, le film de Francesca Gregorini met en scène Kaya Scodelario, la star britannique de la série Skins, dans un rôle qu’elle maîtrise à la perfection.
Torturée, à la fois taciturne et mutine, la superbe jeune femme ne sort pas de sa zone de confort et au fond ce n’est pas ce qu’on lui demande ici. Incarnant un mélange de force et de faiblesse, Kaya Scodelario habite une détresse palpable dès les premières minutes. Seule, Emanuel, son personnage, s’est peu à peu fabriqué une carapace qu’elle n’autorise personne à percer. Ni son père, ni la nouvelle amie de ce dernier. Enfermée dans un deuil qui la coupe du monde extérieur, Emanuel voit pourtant une lumière vaciller quand arrive Linda et son bébé, dans la maison d’à côté.
Linda, elle non plus, n’est pas dans les meilleures dispositions, même si les apparences suggèrent le contraire. Les lois du spoiler étant ce qu’elles sont, pas de révélations ici, mais sachez que cette jeune maman cache un lourd secret qui constitue le twist d’un film, qui devient dès lors un peu étrange, voire peut-être un poil bancal.
Car à partir de cet instant, l’onirisme s’invite et fait de The Truth about Emanuel une espèce de jeux de faux-semblants pas vraiment maîtrisé dans ses ressorts et qui surtout, n’évite pas toujours le ridicule.
Les intentions de Francesca Gregorini, également au scénario, sont bien entendu louables. Œuvre difficile sur le deuil et sur la nécessité de trouver un moyen de se reconstruire pour avancer, The Truth about Emanuel prend des chemins de traverses, sans pour autant atteindre son but, comme peut en témoigner ce dénouement certes optimiste, mais pas non plus entièrement convainquant.
Reste cette belle relation qu’arrivent à incarner Kaya Scodelario et Jessica Biel. La première, on le répète, est parfaite. Charismatique, à l’aise, elle insuffle même une certaine sensualité à son rôle, qui pourtant, au départ, semblait justement condamné à une totale austérité. Jessica Biel par contre, n’arrive jamais à vraiment sortir d’un état semi-catatonique, censé traduire une certaine mélancolie. Loin d’être mauvaise, elle souffre de la proximité avec sa jeune collègue et ne trouve pas vraiment la bonne tonalité pour conférer cette authenticité qui aurait empêché son personnage de ne pas sombrer dans un excès un peu pathétique. Du coup, on n’y croit pas vraiment et c’est regrettable.
De son côté, la cinéaste met en place une ambiance douce-amère, parfois proche du thriller, à grand renfort d’une belle photographie tout à fait raccord avec la mélancolie dégagée par l’histoire. Juste et pertinente, la mise en scène de Gregorini s’adapte aux tourments de la jeune héroïne, et évolue au fil de ses errances existentielles, offrant un bel écrin à cette fable sur la jeunesse, sur la perte d’un être cher et sur la maternité.
Touchant et même carrément pénétrant, malgré ses défauts, The Truth about Emanuel aurait quoi qu’il en soit mérité une exposition plus large, histoire d’être vu par le plus grand nombre. Il propose quelque chose d’original et d’osé et même si il ne fait pas mouche tout le temps, l’audace est à saluer. Et quoi qu’il en soit, rien que pour Kaya Scodelario, il faut voir ce long-métrage. Force brute de cette nouvelle génération d’acteurs qui n’ont pas peur de se sortir les tripes, elle illumine de sa présence un film atypique et recommandable.
@ Gilles Rolland