Madame est "rat"

Publié le 10 mai 2014 par Dubruel

LE PARAPLUIE (d'après Maupassant)

Le ménage Ducret habitait Nantes.

Albertine était regardante.

Elle avait horreur de dépenser.

Depuis des années,

René, son mari, se rendait au bureau

Avec un parapluie rapiécé.

Tous ses collègues se gaussaient !

Un jour, exaspéré, il demanda à Albertine

D’en acheter un nouveau,

Et en soie fine !

…Elle se procura une fin de série !

Au bureau, on se moqua encore de René.

Il demanda à sa femme de trouver

Un parapluie de qualité

Même si elle devait le payer

Vingt francs.

Albertine en trouva un à dix-huit francs.

-« Avec celui-là, tu en as pour cinq ans. »

Au bureau, cette fois-ci Ducret

Obtint un franc succès.

Il en fut très content.

En fin d’après-midi,

Quand il rentra chez lui,

Albertine jeta un regard sur le parapluie :

-« Il faut ôter l’élastique, tu vois

Sinon il va couper la soie.

Veilles-y,

Car tu n’en auras pas un autre de sitôt ! »

Elle prit le pépin, dégrafa l’anneau,

Secoua les plis,

…Et demeura saisie :

Elle vit un trou

Gros comme un sou

En plein milieu du riflard :

Une brûlure de cigare !

Elle balbutia :

-« Qu’est-ce que cela ?

Tu…tu l’as brûlé.

Mais tu es cinglé !

Tu veux nous ruiner ! »

-« Je te jure ; je n’ai rien fait. »

Le lendemain matin,

Ducret partait

Avec un instrument… raccommodé.

Au soir, à peine était-il rentré chez lui

Qu’Albertine saisit le pépin

Et l’ouvrit…

Il était criblé de petites brûlures.

René le reçut en pleine figure !

-« Puisque nous sommes assurés

Contre l’incendie,

Eh bien, demain, j’irai

À la compagnie

Me faire rembourser ! »

Le lendemain, d’un pas pressé,

Albertine se rendit rue de Rivoli

Au siège de la Compagnie :

-« Je viens pour ceci… :

Ce parapluie

M’a coûté vingt-six francs. »

-« Tant que ça, vraiment ? »

-« Constatez son état.

Il est brûlé, regardez ! »

-« Ce type de sinistre ne nous concerne pas. »

-« Je viens vous réclamer le prix de ce dégât. »

Et dans la crainte d’un refus, elle ajouta :

-« Vous pouvez simplement le faire recouvrir… »

-« Je voudrais bien répondre à votre désir

Mais nous ne sommes pas marchands de parapluies. »

-« Alors, pour une réparation,

Quel serait votre prix ? »

-« Je ne sais pas, non. »

-« J’accepte même

D’effectuer le raccommodage moi-même ? »

-« Nous ne remboursons pas les accidents

Si peu importants. »

-« Voulez-vous savoir comment ça s’est passé ?... »

L’assureur voulant en finir, demanda :

-« Vous estimez

À combien ce dégât ? »

-« Je m’en rapporte à vous…

Je ne veux pas gagner sur vous… »

-« Tenez, puisque vous insistez

Voici un mot pour notre caissier.

Vous n’aurez qu’à lui apporter la facture. »

Albertine saisit le parapluie

Remercia, se leva, et sortit

Sans un murmure,

Ayant hâte d’être à l’extérieur

De crainte que l’assureur

Ne change d’avis.

…Et elle se précipita

Chez le premier marchand de parapluies

Qu’en chemin elle trouva.