par Maxime Combes
Ce vendredi 14 mars s’achève à Bruxelles le quatrième cycle de la négociation sur le commerce et les investissements entre l’Union européenne et les Etats-Unis, entamée à l’été 2013. Non-transparentes, ces négociations hypothèquent notre avenir en aggravant notre dépendance aux énergies fossiles.Que ce soit pour dénoncer le caractère « non-démocratique » des négociations UE – Etats-Unis, ou pour cibler les risques portant sur un secteur particulier (agriculture, services, marchés publics, environnement, droits de propriété intellectuelle, libertés etc.), les plateformes citoyennes regroupant associations, syndicats, ONG et organisations de consommateurs se multiplient en Europe, tant au niveau national qu’au niveau local. A l’occasion du quatrième round de négociations entre l’UE et les Etats-Unis cette semaine à Bruxelles, ils étaient nombreux à être présents pour « le lancement d’un cycle de mobilisations citoyennes ». Ainsi, ces 11 et 12 mars, une première réunion transatlantique des mouvements citoyens contre ce projet d’accord a été organisée afin d’adopter un agenda commun de mobilisation. Et ce jeudi 13 mars, c’est une manifestation qui s’est faite entendre sous les fenêtres de la direction générale du Commerce de l’Union européenne.Parmi les motifs d’inquiétudes, les menaces que font peser ces négociations sur la capacité des Etats et des collectivités à décider et mettre en oeuvre une véritable transition énergétique, figurent en bonne place. Il apparaît en effet extrêmement clairement que l’Union européenne utilise les négociations transatlantiques pour essayer d’éliminer toutes les restrictions aux importations d’énergies fossiles provenant des États-Unis et du Canada. Cet objectif était déjà mentionné dans un document qui a fuité en juillet 2013, au début des négociations. Il vient d’être confirmé par le commissaire européen au commerce en personne, Karel de Gucht qui a récemment affirmé que le futur accord devait « permettre aux entreprises européennes d’importer des ressources énergétiques et matières premières des États-Unis ». Plutôt que d’encourager des politiques de sobriété et d’efficacité énergétiques, la Commission européenne tente par tous les moyens de « sécuriser » les approvisionnements énergétiques de l’UE, quitte à importer les surplus américains provenant de l’exploitation sans limite et dévastatrice des hydrocarbures de schiste.Pour ce faire, les négociateurs européens ont trouvé des alliés de circonstance avec les lobbies du gaz et du pétrole américains qui rêvent de pouvoir exporter du gaz naturel liquéfié – vendu à un prix plus élevé en Europe – produit à l’aide de la fracturation hydraulique, mais aussi du pétrole raffiné issu des sables bitumineux d’Alberta au Canada, actuellement en manque de débouchés. En effet, grâce au très controversé projet de pipeline Keystone XL, une bonne part du pétrole issu des sables bitumineux canadien pourrait être raffiné dans les raffineries du Sud des États-Unis. En affirmant devant le Congrès vouloir faire valoir « les points de vue des raffineurs américains », le représentant au Commerce des États-Unis, Michael Froman, a clairement indiqué qu’il voulait lever toute restriction aux exportations de ces hydrocarbures extrêmement polluants en Europe.En rendant le droit commercial supérieur au droit de l’environnement et en étendant toujours plus les droits des investisseurs, les politiques de libéralisation du commerce et des investissements affaiblissent considérablement les normes écologiques et hypothèquent les politiques de transition énergétique. Ainsi, l’Ontario a du abandonner une politique ambitieuse en matière de développement d’énergies renouvelables bénéficiant à son économie locale après avoir été poursuivi par l’Union européenne et le Japon devant l’Organe des règlements des différends de l’OMC. Sur la base d’un mécanisme de règlement des différends investisseur – Etat se rapprochant de celui qui pourrait être intégré à l’accord UE – Etats-Unis, l’entreprise Lone Pine Resources poursuit le Canada suite au moratoire sur la fracturation hydraulique décidé par le Québec. Motif : le moratoire du Québec serait une « révocation arbitraire, capricieuse et illégale de [son] précieux droit d’extraire du pétrole et du gaz ».A travers ces deux exemples, ce sont l’ensemble des politiques de transition énergétique qui sont dans le viseur des investisseurs. L’inclusion de critères de localisation dans le cadre de la passation des marchés publics pourrait être rendue encore plus difficile qu’aujourd’hui. Alors que des politiques de transition énergétique et de relocalisation pourraient exiger de préférer des produits bas-carbone ou l’achat d’énergies renouvelables locales, de telles mesures pourraient être considérées comme des entraves au commerce et aux intérêts des investisseurs. Une telle logique s’oppose donc à toute politique de sobriété et de relocalisation des activités , pourtant absolument nécessaires. Elle fait de ces politiques des « fardeaux réglementaires » à supprimer. A travers les négociations UE - États-Unis, c’est un modèle énergétique non soutenable très fortement dépendant des énergies fossiles et des infrastructures d’extraction, de transformation et d’acheminement qui est promu et mis en œuvre.Si Barack Obama et François Hollande ont récemment publié une tribune commune annonçant fièrement leur « leadership en matière de lutte contre le changement climatique » et leurs « ambitions pour la conférence de Paris sur le climat », ce n’est rien au regard des efforts entrepris pour faire aboutir cet accord transatlantique, fondamentalement contraire à toute transition énergétique digne de ce nom. La preuve ? Le climat, la lutte contre les dérèglements climatiques ne sont mêmes pas mentionnés dans le mandat de négociations de la Commission européenne. Et les Etats-Unis refusent qu’il en soit fait mention dans un accord de même type en cours de négociations entre les pays du pourtour de l’océan pacifique.Alors, climat et transition ou marché transatlantique et dépendance aux énergies fossiles ?Maxime Combes, membre d’Attac France et de l’Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)@MaximCombes sur Twitter