Comme à chaque vacances scolaires, votre serviteur tente de faire baisser ses grandes piles de lectures en retard (vous aussi, vous avez ça ?). Forcément, dans le lot, on trouve quelques tomes 1 qui valent le coup et d’autres séries qui confirment ce qu’on pensait déjà d’elles. La sélection comporte pas mal de manga historique d’habitude mais cette fois-ci, ce sera 1 shônen pur jus et 3 seinens qui naviguent entre science-fiction, écologie et anticipation. Il s’agit de Monster Soul de Hiro Mashima, avec l’intégrale en 1 tome chez Pika, deux nouveautés qui démarrent avec un scénario bien ficelé alias Evil Eater de Issei Eifuku et Kojino puis Tatami The Observer de Hiroto Ida, et enfin le troisième et dernier tome de HE, the Hunt for Energy de Boichi.
En route pour les chroniques ladies and gentlemen, et bonne lecture !
Monster Soul : mais c’est qu’il fait des mangas sympas Mashima !
Néanmoins, la première chose intéressante est que Monster Soul a été publié de 2006 à 2007, c’est à dire en même temps que les débuts de Fairy Tail, à quelques mois près. Donc, avant même de vous pitcher un peu cette mini-série, on comprend qu’il s’agit d’un must-have pour tous les fans de Fairy Tail, car on y retrouve quelques points communs avec sa série phare. Comme l’avoue d’ailleurs Mashima en postface de Monster Soul, il s’est beaucoup attaché à ses personnages et une suite était même prévue avant que le magazine Comic Bonbon ne mette finalement la clé sous la porte… de là à dire que le mangaka n’a pas voulu laisser mourir ses protagonistes en les réincorporant en partie dans Fairy Tail ou ailleurs, il n’y a donc qu’un pas.
Bref, de quoi ça parle Monster Soul ? Et bien nous voilà partis à Elveland, où une guerre a jadis eu lieu entre les humains et les monstres. Les humains ont finalement remporté la victoire mais durant cet affrontement un groupe de monstres s’est distingué, un commando d’attaque du nom de Black Airs. Leurs têtes sont mises à prix depuis ces évènements mais, à une époque où la paix entre humains et monstres reste très fragile, les méchants de l’histoire ne sont pas forcément ceux que l’on croit… Sous leur réputation effrayante, les 5 monstres pourraient bien dévoiler des âmes de justiciers !
Monster Soul nous présente donc des méchants mis à l’écart et craint mais ils se révèlent tout à fait sympathiques, et on tombe très rapidement sous le charme de ces créatures pas sanguinaires pour deux ronds. Il y a tout d’abord James, un Frankenstein au corps massif et d’une grande émotivité, qui lui fait régulièrement perdre la tête (littéralement, c’est même un running gag assez efficace). Vient ensuite Tooran, la jeune fille aux pouvoirs du sable et au cœur pur, intelligente mais un brin maladroite et superficielle quand ça lui prend. Mamie est, elle, la grande sœur de l’équipe. Elle est dotée du pouvoir de la momie et mélange un grand sens des responsabilités avec un coté femme fatale qui ne dirait pas non. Le petit Joba, une sorte d’oignon sur patte, est un peu la mascotte de l’équipe. Enfin n’oublions pas le chef de la bande, Aki, un jeune homme turbulent et parfait héros de shônen, dans la lignée des Sangoku et Luffy, capable de se transformer en loup garou à cornes d’une grande force… mais frappé de narcolepsie dès qu’il a usé de ses pouvoirs.
Une joyeuse bande très attachante donc, grâce à une auto-dérision permanente et le désir de toujours aider son prochain, réparer les injustices et ne jamais se laisser tomber les uns les autres. C’est gentil tout plein – gentillet par moment même – mais c’est fait avec du cœur, donc ça marche. Dans cette intégrale de 384 pages on suit avec plaisir les différentes aventures des Black Airs le long d’aventures simples mais bien construites et complètes. On retrouve en fait tout ce qu’on attend dans un récit de ce type : il y a la première partie dédiée à la présentation des personnages et de leur capacité, un chapitre sur leur croisade pacifiste dans les rapports humains-monstres pour leur psychologie, une lutte contre quelques ennemis du passé et juste ce qu’il faut de flashback pour dessiner les grandes lignes de leur background. La seconde moitié de l’histoire constitue la rencontre avec les grands ennemis de l’histoire et le fameux némésis. Les scènes d’action rappellent des œuvres de fantasy comme Dragon Quest / Fly ou Slayers, de quoi plaire aux amateurs de shônen un peu old school.
Avec un scénario bien construit, une narration maîtrisée et pleine d’humour et des personnages attachants, on passe un excellent moment à la lecture de Monster Soul, tout ça pour un prix raisonnable (10.90) grâce à ce double format qui contient même quelques pages en couleur. Je vous le recommande chaudement !
Tamami The Observer : dans la vie on ne fait pas toujours ce que l’on veut… quoique !
Dans ce manga de Hiroto Ida, le jeune Seiichirô est un jeune homme assez malin qui essaye de tromper son monde en intégrant la haute-société alors qu’il vient – et vit toujours – dans les bas-fonds. Durant l’une de ses arnaques, il devient le professeur particulier d’une jeune fille assez étrange qui peut prendre le paradoxe de Schrödinger à l’envers : sa volonté permet de faire apparaître ce qu’elle veut dans une boîte (ou tout autre contenant) à partir du moment où elle est intimement convaincue que cet objet y est. La jeune fille semble ignorer son propre pouvoir mais Seiichirô à bien l’intention d’en déterminer la nature et de s’en servir pour en finir de la misère et du désespoir qui le ronge.
Ce manga ne compte pas uniquement sur sa réinterprétation de ce principe scientifique mais aussi sur un personnage central, Seiichirô, torturé et essayant de trouver sa place dans un monde sans pitié. Il traine aussi un lourd passé et une mère qui n’est pas vraiment enviable. On comprend rapidement l’origine de son dégoût de l’humanité et, la fin justifiant les moyens, on accepte ses méthodes peu orthodoxes pour avancer dans son scénario. Son intelligence est bien mis en valeur grâce à une narration qui utilise souvent l’introspection, qu’il s’agisse des stratagèmes mis en place en amont ou de ses réactions face aux nombreux imprévus qui viennent compliquer ses plans. Un manga assez sombre et cérébral donc, bien pensé pour un lectorat aux affinités scientifiques ou amateurs de thriller remplis de subterfuges et de complots un poil tordus. A essayer !
Evil Eater : la mort n’est plus une fatalité… mais il reste toujours un bug
Malheureusement, comme toujours, les revenants ou returners sont souvent contaminés par un bug, une anomalie d’ordre psychologique qui a tendance à amplifier des sentiments comme la jalousie, la haine, la colère etc. Les returners sont donc soignés avant d’être remis en liberté. Cette mission n’est pas dévolue à n’importe qui : c’est le travail des Sorceristes. Ces derniers travaillent en duo, l’un plongeant dans l’esprit du returner pour extraire le bug, l’autre étant chargé d’anéantir ce dernier. Les agents Nagumo et Amagi sont deux sorceristes parmi les plus doués, et veillent au bon fonctionnement du système. Un système qui peut paraître extraordinaire mais, comme le dit avec sagesse Nagumo : « la perfection n’est pas de ce monde, surtout quand l’être humain est concerné.«
Evil Eater est donc un thriller fantastico-psychologique d’anticipation. Cela fait pas mal de genres et de thématiques différentes mais la mayonnaise prend très bien et très rapidement, grâce à une narration très carré et simple à suivre, axée sur les capacités de nos deux héros qui symbolisent parfaitement les deux phases de l’œuvre : la réflexion puis l’action. Nagumo est l’intellectuel posé, plein d’expérience mais aussi tout en maîtrise de soi et toujours très secret en ce qui le concerne. Il s’occupe du Soul Diving, l’entrée dans le monde intérieur du returner. Il navigue dans sa psyché pour y déceler le moment dramatique de sa mort – qu’il efface pour le bien du patient – mais il doit aussi fouiller plus profondément pour déceler le fameux bug, un trauma latent enfermé dans une partie de son cerveau. On se ballade donc dans les multiples blessures de l’âme humaine que Nagumo devra violemment inciser pour évacuer le bug avant qu’il ne gangrène le ressuscité et le transforme en sociopathe des plus dangereux.
De l’autre coté on a Amagi, une jeune recrue amicale et souriante qui va apprendre que le Sorcerisme n’est pas aussi parfait qu’on le prétend et qu’il ne vaut mieux pas s’attacher au returner, sous peine de compliquer nettement sa mission. Le rôle de cette première de promotion est de chasser le mal une fois qu’il est extirpé du returner. C’est donc elle qui donne son nom au manga, Evil Eater, car son pouvoir surpuissant, à l’allure monstrueuse, dévore littéralement le Mal à l’état pur. Il semble presque s’en régaler. Séparée de ses parents à l’âge de six ans, la demoiselle est encore un mystère pour son nouveau partenaire mais aussi pour elle-même car elle ne souvient jamais de ces phases d’extermination. De plus elle ne connait que peu de choses sur l’origine et la portée réelle de son pouvoir. C’est d’ailleurs ce point qui va donner le sel au récit, le petit plus essentiel, lorsqu’un returner énigmatique et non débuggé va aller à sa rencontre pour lui montrer une autre voie… Le coté obscur de la force en quelque sorte !
Pour finir, comme le manga est très bien gratté, voici quelques planches :
HE : The Hunt for Energy, la fable écolo et pédago de m’ssieur Boichi
Un éditeur japonais, la Shueisha, a compris mon projet et m’a donné la chance de pouvoir le publier dans ses colonnes. J’ai donc commencé à travailler sur ce manga, qui s’est terminé début 2013.«
Comme ce témoignage l’indique, voici une œuvre qui veut sensibiliser le public au problème de l’énergie et répondre à de multiples questions sur les alternatives au nucléaire pour le Japon. Sur ce plan, HE est un succès et remplit parfaitement son rôle. On y suit l’aventure d’Hiro Narushima, employé d’une grande entreprise pétrolière. Il a la particularité de pouvoir visualiser les flux d’énergie et il se retrouve au cœur d’un projet de recherche pour trouver une énergie nouvelle génération, quelques mois après les catastrophes de Fukushima. La quête commence par un constat édifiant, celui de notre dépendance aux énergies fossiles et leur incroyable efficacité par rapport aux énergies propres. L’équipe emprunte ensuite les routes du Japon et part à la découverte des solutions à l’étude ou déjà en place avec le photovoltaïque et l’éolien comme sujets principaux.
On fait donc un tour quasi exhaustif de la question à travers des chapitres qui prennent parfois des allures de cours mais qui sont toujours limpides. Tous les aspects complexes sont très bien vulgarisés, nous permettant de comprendre les caractéristiques de chaque énergie. On découvre par exemple, dans le dernier tome, que la taille d’une éolienne compte plus que le nombre d’exemplaires, mais que le vitesse du vent est encore plus importante que la taille. Chaque énergie est comparée à une autre et replacée dans son contexte économique, scientifique, géographique et bien sûr écologique, et le tout est illustré par des scénettes et des schémas en tout genre dans lesquels on découvre un Boichi pédagogue et professeur très efficace. Bref, on ressort enrichi de quelques bonnes bases en la matière qui incitent à suivre cette compétitions entre nouvelles énergies dans le monde réel. Mission pédagogique et sensibilisation accomplies !
Autre problème : le côté « prenons nous tous par la main et allons sauver le monde » contraste trop violemment avec leur visage exalté et la narration dramatique de Boichi, plus habitué à de l’action et du combat qu’à des récits pacifiques. Boichi fait du Boichi mais dans un cadre qui n’est pas forcément le sien et le résultat est assez étrange. Un peu comme dans une pub pour de la nourriture congelée et bourrée d’additifs où tout le monde serait transporté de bonheur jusqu’aux larmes… Vous voyez le genre ?
Bref HE, the Hunt for Energy est au final un manga aussi original qu’utile, d’autant que peu de manga aussi directement nés du 11 mars arrivent chez nous. Les fans du mangaka pourront y trouver une nouvelle facette de cet auteur, celle d’un prof de sciences bien inspiré. Après si vous n’avez pas la fibre scientifico-écologique ou que Boichi ne vous fait ni chaud ni froid, vous pouvez vous en passer sans problème !
Et voilà, fin de cette sélection printanière. La semaine prochaine, une nouvelle interview éditeur et le concours du mois sont au programme, ce qui me laissera le temps de repartir pour de nouvelles lectures car, pendant que j’écrivais ces lignes, j’ai pu rajouter Le garçon d’à coté et Dusk Maiden Of Amnesia sur la pile, et j’attends de voir ce que vont donner le nouveau Dragon Quest chez Ki-oon, Crazy Zoo chez Delcourt et Mr Nobody chez Doki-Doki ! Et vous alors, des bonnes lectures à partager et des attentes pour mai-juin ?
Chroniques manga : les lectures du chocobo
Décembre – Janvier : Jeux d’enfants, Reversal, Fate-Zero, Gangsta, Eurêka.
Février-Mars : Le Chef de Nobunaga, Ad Astra, Haikyû, La Tour fantôme, Sans âme.
Mars-Avril : Monster Soul, Evil Eater, Tamami The Observer et HE