Les prochaines élections
européennes s’annoncent catastrophiques. Catastrophiques pour la France et par
ricochet pour l’Europe.
C’est bien simple, parmi les trois premiers partis donnés en tête et qui
vont donc fournir l’essentiel des futurs députés européens, le seul qui a une
idée claire, nette et précise de ce qu’il veut pour l’Europe c’est le FN. Et ce
qu’il veut, c’est justement le moins possible d’Europe sinon pas du tout. Et
ceux qui pensent que le propos est exagéré n’ont qu’à réécouter les propos de
Le Pen père sur Europe
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Il y dit clairement qu’une fois élu au parlement européen (il est tête de
liste, il le sera) il n’y mettra pas les pieds. Ou du moins qu’il y assurera
une présence minimum histoire de toucher son indemnité à plein (ça c’est moi
qui le rajoute).
Les même qui pensent que j’exagère pourront également utilement se référer
au discours du 1er mai de Marine Le Pen.
Les seuls partis à avoir un discours sans ambigüité pour soutenir
ouvertement l’Europe, sont l’Alternative et (pour une fois) les
Verts.
Du coté de l’UMP comme de celui du PS, les voix les plus médiatisées sont
celles qui critiquent le plus ouvertement l’Europe. Quand aux autres, non
seulement ils n’osent pas exprimer ouvertement leur attachement à l’Europe mais
ils ne semblent pas avoir une vision claire sur la manière dont ils veulent la
faire évoluer. Il faut dire que les Alain Lamassoure (UMP) ou autres Pervenche
Berès (PS), en tête de leur liste respective qui ont une réelle influence au
Parlement européen et y représentent dignement la France sont de parfaits
inconnus pour l’essentiel des Français. Ils n’ont hélas, ni le poids
médiatique, ni la verve pour contrecarrer les discours grandiloquents, faciles
et souvent mensongers des nationalistes de tous poils qui prospèrent sur le
contexte difficile que connait la France.
Et ces discours on commence à les connaitre.
- L’Europe qui nous impose une insupportables rigueur, que dis-je, une
insupportable austérité !
- L’Europe qui nous impose de jouer le jeu de la concurrence, concept libéral
s’il en est.
- L’Europe qui nous impose ses normes ineptes et castratrices.
- L’Europe qui nous impose sa monnaie trop forte, responsable de la hausse
des prix au détriment des pauvres ménages français.
- L’Europe non démocratique, gouvernée par des technocrates libéraux et j’en
passe et des meilleures.
Voilà ce qu’on entend à longueur d’antennes, clamé haut et fort par
beaucoup, éructé par d’autres.
Et pourtant, dire que la Commission nous impose la rigueur n’est que
balivernes. La rigueur, elle nous est imposée par notre incapacité depuis 40
ans à voter un budget équilibré. On pouvait quand même bien se douter que ça ne
pourrait pas durer, surtout avec un taux d’imposition déjà au taquet. Quand à
la règle des 3%, elle n’est pas sortie du chapeau de la Commission Européenne,
mais des pays qui ont élaboré et voté le traité de Maastricht. Rappelons quand
même que la France en a été un des principaux initiateurs. En demandant à la
France de respecter ses engagements, la Commission ne fait que faire ce qu’on
lui a demandé de faire !
Mais il est évidemment plus facile de fustiger la Commission que de faire
face avec un tant soit peu de lucidité à notre propre incurie.
Le respect des règles de la concurrence est également une base essentielle
de l’Union Européenne. Tous les pays européens et notamment la France ont
besoin de permettre à leurs entreprises d’évoluer dans un environnement le plus
homogène possible, dans le cadre duquel les règles du jeu sont les mêmes pour
tous. Les entreprises françaises sont bien contentes de vendre au sein de
l’Union Européenne (environ 60% des exportations). Si on laisse chaque Etat
protéger ses entreprises d’une manière ou d’une autre, on retomberait
lourdement dans un protectionnisme généralisé dont personne ne sortirait
gagnant, et surtout pas la France.
En matière de normes, effectivement l’Europe impose ses directives aux
Etats. Néanmoins, toutes ces directives et autres règlements sont très
largement discutés avant leur validation à la fois par la Commission mais
surtout par le Conseil Européen composé de représentants des exécutifs des
Etats membre et par le Parlement Européen composé de députés élus. La France,
si elle s’en donne les moyens, et notamment si elle n’envoie pas des
branquignoles au parlement, a les moyens d’influer sur ces textes.
N’oublions pas non plus que c’est l’Europe qui a obligé les Etats à
l’application de lois et de réglementation environnementales et sanitaires
importantes : sur le traitement des déchets, sur la sauvegarde des espèces
d’animaux sauvages (pêche et chasse), sur l’eau (à propos de laquelle la France
s’est fait rappeler à l’ordre), sur les produits chimiques (Règlement REACH),
sur la protection du consommateur, sur le réchauffement climatique etc.
etc
N’oublions pas également que c’est l’Europe qui a mis en place un cadre
réglementaire qui s’impose à tous les pays, pour sécuriser un certain nombre
d’activités financières et qui oblige les établissements financiers à respecter
des règles en matière de protection et d’information des investisseurs, de
transparence des opérations de marché, de ratios prudentiels etc etc
Quand à l’Euro, la question mérite d’être posée mais pas à coup
d’affirmations péremptoires comme c’est le cas pour un certain nombre de ses
détracteurs.
En tout état de cause, on ne peut pas dire que l’Euro est à la fois trop
fort, et qu’il est la cause d’une hypothétique hausse des prix comme le pensent
la majorité des français, c'est contradictoire !
Avec un Euro plus faible, tous les produits importés libellés en devises
autres que l’Euro seraient mécaniquement renchéris.
Même nos exportations, puisque 40% de leur valeur provient de produits
importés ! Quand à notre balance commerciale déjà mal en point, elle
serait encore plus lourdement déficitaire.
Enfin deux mots sur l’Europe des technocrates contre les peuples, l’Europe
non démocratique, critique répétée à l’envie par toute la classe
politique.
Il faut arrêter avec cette vieille lune. Il faut d’autant plus arrêter que
tous ceux qui la reprennent avec avidité ne connaissent pas le fonctionnement
des institutions européennes.
Il faut d’autant plus arrêter qu’un des objectifs du projet de constitutions
que les Français sont tellement fiers d’avoir rejeté était de renforcer le
pouvoir du Parlement notamment en lui donnant comme prérogative d’élire le
président de la Commission. Mais de toute façon, combien parmi les 55%
d’opposants avaient lu ce texte ?
Rappelons que la gouvernance de l’Europe s’articule autour de trois
instances :
La Commission, le Conseil (des chefs d’Etat et des ministres) et le
Parlement.
La Commission Européenne, puisque c’est principalement d’elle qu’il s’agit
lorsqu’on agite ce type d’anathèmes n’est certes pas composée d’élus mais son
président est lui-même élu par le Parlement et ses commissaires désignés par
les Etats membres avec un droit de véto du Président. Les membres de la
Commission sont donc tous nommés par des élus.
Le Conseil est lui-même composé des exécutifs nationaux (chefs d’Etat ou
ministres), en contester le caractère démocratique revient à contester la
légitimité des exécutifs nationaux.
Quand au Parlement, il est directement élu par les peuples et son pouvoir a
été élargi. Ce qui rend d’autant plus important le vote du 25 mai.
Toutes les directives ou réglementations européennes sont nécessairement
discutées, négociées, validées par ces trois instances !
Les institutions européennes ont un fonctionnement différent mais tout aussi
démocratique que celles de la France. Mais peu importe en fait, cette critique
n’est en fait qu’une fausse barbe pour camoufler le véritable motif de la
contestation, la perte de souveraineté inacceptable pour les
nationalistes.
Le plus grave dans les discours des nationalistes et populistes, c’est que
leur critique de l’Europe part systématiquement du présupposé qu’elle est la
cause de tous nos malheurs et que la France est plus maligne que les autres.
Plutôt que d’avouer que notre déclin nous le devons qu’à nous même, il est plus
facile d’utiliser l’Europe comme bouc émissaire et de prétendre qu’il suffit de
s’en débarrasser pour régler tous nos problèmes. C’est évidemment une absurdité
doublée d’une tromperie.
Les scores du Front National ne refléteront que l’état d’esprit pitoyable
dans lequel évolue la France. Celui dans lequel l’UMP et le PS l’ont plongé au
fil des années par manque de lucidité et de courage politique. Ce n’est
évidemment pas que le FN ait cette lucidité et ce courage, c’est simplement
qu’il se présente comme la seule alternative à une classe politique qui aurait
faillit.
D’une manière générale, il ne sert, hélas, pas à grand-chose d’argumenter.
On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Beaucoup de français ne voient
que la réalité qui les touche. Le chômage, les fins de mois difficiles et le
sentiment d’être de plus en plus contesté dans ses valeurs et ses
traditions.
Cette réalité ils en rendent responsables "l’establishment", ceux qui d’une
manière ou d’une autre ont un pouvoir ou une influence dont ils n’auraient pas
usé à bon escient. Ce sont, en vrac, les partis de gouvernement, les
« experts », les journalistes et bien entendu l’Europe.
Face à ce sentiment, et à l’argument fatal « voyez ou tous ces gens
nous ont mené », le combat est inégal.
Mais même si on conteste l’Europe telle qu’elle fonctionne, voter FN est une
erreur grossière. Il faut bien savoir qu’envoyer au Parlement européen des gens
qui n’ont qu’une obsession, saborder l’Europe, des gens qui sont pour la
plupart totalement incompétents en la matière, des gens qui n’y travailleront
pas, c’est à la fois diminuer fortement l’influence de la France au sein des
instances européennes et c’est, plus grave encore, abandonner l'idée de faire
évoluer l’Europe.
Voter FN ce n'est pas un vote de contestation, c'est un vote de destruction. Voter FN c’est voter contre les intérêts de la France. Ne les laissons pas faire, allons voter !