Dans son rapport annuel 2014, Bill Gates a plaidé contre l’idée selon laquelle l'aide étrangère est un gaspillage total. Il a soutenu que l’argument selon lequel l’aide génère la dépendance est fausse si l’on observe des pays comme le Botswana, le Mexique, le Maroc, la Thaïlande, Singapour que l’on qualifie pourtant de dépendants à l'aide. Bill Gates n'a pas manqué de souligner que des pays comme la Corée du Sud et la Chine sont maintenant des pourvoyeurs d’aide. Dans son rapport, il a reconnu qu’aucun programme n'est parfait, en soulignant qu'il existe des moyens par lesquels l'aide peut être rendue plus efficace.
Un cliché peu flatteur répandu autour de l'Afrique est que le montant cumulé détourné par les gouvernements africains dépasse celui qui a été reçu via l'aide. À tous points de vue, cette triste réalité interpelle naturellement sur l'essence de l'aide en Afrique. Il ne semble pas tout à fait logique de dire que l'aide étrangère est totalement un gâchis. En matière de santé par exemple, l'aide étrangère a été profondément bénéfique pour la plupart des Africains en particulier lorsque l'on considère les énormes fonds qui ont été dépensés dans les vaccins, la planification familiale, et bien sûr les ARV (antirétroviral), ce qui a aidé à garder en vie des gens touchés par le VIH.
Selon la Banque mondiale, le volume des pertes alimentaires en Afrique, pour toutes les mauvaises raisons que vous pouvez imaginer, pourrait nourrir 48 millions de personnes. Toujours dans le même rapport de la Banque mondiale, entre 1998 et 2008, il a été observé que la perte alimentaire en Afrique dépasse l'aide alimentaire reçue. Cela permet à nouveau de montrer que le manque d'aide n'est pas le véritable obstacle à la prospérité de l'Afrique. Un autre rapport de la Banque mondiale publié en 2012 a révélé que les agriculteurs en Afrique peuvent éventuellement produire assez de nourriture qui pourrait faire le tour de l'Afrique. Mais cela supposerait que les pays africains lèvent les restrictions transfrontalières sur le commerce alimentaire. Cette initiative, à elle seule, ferait gagner au continent 20 milliards de dollars par an. Tout cela en acceptant simplement de lever les barrières commerciales et les politiques faisant obstruction au libre-échange.
Cet accord multilatéral entre les dirigeants africains permettrait une meilleure circulation de la nourriture des zones d’abondance vers celles où les gens se couchent le ventre vide. Un tel accord permettrait de réviser et lever les interdictions à l'exportation et à l'importation de produits agricoles, les règles d'origine restrictives et d'autres facteurs attribués au contrôle des prix du marché, qui ne facilite pas une concurrence saine sur le marché. La création d'un marché concurrentiel demeure toujours un défi aussi longtemps que les prix sont contrôlés. En outre, obtenir de la nourriture à des prix abordables serait hors de portée.
Pour que la faim et la malnutrition deviennent des souvenirs du passé pour des millions d'Africains, plus d'attention doit être accordée à l'agriculture. Assurer la disponibilité de la nourriture nécessite des fonds, de meilleures semences qui produiront des cultures saines, de la mobilisation technologique pour transmettre des informations aux agriculteurs (sous forme de services de vulgarisation agricole), de manière à tenir au courant les agriculteurs des nouvelles semences et des moyens intelligents de commercialiser leurs récoltes. Les agriculteurs ont aussi besoin d'un accès facile à la terre, la plupart des petits agriculteurs, en particulier les femmes qui sont les plus concernées quand il s'agit de la production alimentaire en Afrique. Ce dont ont besoin ces femmes ce sont des investisseurs qui leur offrent facilement des prêts afin d’augmenter leur production agricole car beaucoup d'entre elles sont incapables de payer les engrais, les pesticides et les semences à haut rendement.
La pénurie alimentaire devrait interpeller les dirigeants africains, compte tenu des prévisions évaluant à 9 milliards le nombre de bouches à nourrir en 2050. Cela suppose que la production agricole devrait augmenter de 70%, ce qui dans tous les cas exige des pays en développement de jouer des rôles gargantuesques. Si la moitié de tous les Africains ont actuellement moins de 20 ans, plus de la moitié de la croissance de la population mondiale d'ici à 2050 proviendra de l’Afrique, alors celle-ci n'a pas besoin qu’on lui dise d’impliquer davantage ses jeunes dans l'agriculture. Mais le défi est que l'agriculture doit d'abord être perçue comme une entreprise rentable, ce qui demeure un tournant pour l'économie africaine moderne.
L'exode rural des jeunes devrait permettre une agriculture innovante et fondée sur la connaissance. Ils sont maintenant à la recherche de pâturages plus verts, ce qui explique qu’un grand nombre d'agriculteurs africains appartient à la population adulte. La masse importante de jeunes migrant vers les villes reste tous les jours une menace pour la production alimentaire sur le continent. Par conséquent, les jeunes africains ont besoin d'être motivés pour voir l'agriculture comme une entreprise rentable et utile dont ils peuvent être fiers.
Lanre Olagunju journaliste indépendant - Article initialement publié en anglais par Africanliberty.org - Traduction réalisée par Libre Afrique - le 29 avril 2014