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Fanny Giniès : Pourriez-vous revenir sur votre parcours en quelques mots ?
Christian Rex van Minnen : Je suis né dans le Rhode Island et j’ai grandi dans le Colorado. Mes parents sont géniaux et excentriques et d’un grand soutien. Pour ce qui est de l’éducation, je me dois de mentionner en premier ma prof de lycée, Tish McFee, qui a été mon premier mentor. Elle m’a reconnu un talent pour le dessin et m’a guidé vers la peinture à l’huile à l’âge de 15 ans, j’ai tout de suite accroché. Plus tard, j’ai été élève dans une fac jésuite nommée Regis University, où j’ai passé une License d’arts plastiques en 2002, et c’était un très bon enseignement dans le style artistique libéral jésuite. J’ai eu quelques mentors là-bas et ai été en contact avec différents médiums et idées. J’ai aussi un Master en Management d’association à but non lucratif.
Plusieurs années après la fin de mes études, j’ai commencé à explorer les techniques des grands maîtres, ce qui a revigoré mon processus créatif. Depuis 2007, je me suis donné comme but de mener une carrière de peintre à plein temps.
Les œuvres de l’exposition donnent à voir des portraits grotesques tatoués d’un mélange de tattoos anciens et récents, des motifs psychédéliques recouvrant des formes chimériques et mutantes, et des dessins secrets intégrés dans les fleurs de natures mortes. Ces images présentent un enchevêtrement confusionniste de vérités entre des couches de peinture, le masque et le visage, le psychédélisme et la psychose, le cancer et le corps, l’inné et l’acquis, le profond et l’absurde.
En quoi ces tableaux diffèrent-ils de vos séries plus anciennes ?
Il y a une grande variété d’œuvres et de techniques dans l’expo. La différence la plus notable tient à la présence de natures mortes réalisées de manière inversée par rapport à ma technique traditionnelle, je pose les couches de couleurs très saturées avant de peindre autour. De plus, j’ai peint des dessins en noir et blanc entre les couches de peinture, de la même manière que les tatouages sur les portraits, ce qui crée une confusion dans l’imagerie.
Décrivez-nous votre processus de création et ses différentes étapes :
Je jongle entre deux techniques maintenant : la division traditionnelle des tâches, sous-couche/grisaille/glacis, et un nouveau processus qui inverse cet ordre, et où je place les couleurs en premier, avant de peindre la sous-couche et les glacis. C’est un travail très chronophage mais passionnant. La règle de l’économie des moyens n’a pas grand sens pour moi.
Mon atelier est assez minimaliste. Je n’ai pas de canapé ou de chaîne hifi ou quoi que ce soit du genre. Je m’assois sur une grosse malle de rangement en plastique. J’ai des douzaines de peintures accrochées aux murs, toutes en cours de réalisation, de manière à ce que je puisse passer de l’une à l’autre entre deux longs temps de séchage. J’arrive généralement à l’atelier à 9h30, après le petit déjeuner et avoir passé un peu de temps avec ma femme et mon fils. Je travaille jusqu’à 17h30 environ. Je fais tout mon possible pour maintenir cet équilibre. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Avant je travaillais beaucoup trop. Je veux que cela soit une pratique viable, mais je veux aussi avoir une vie équilibrée donc je fais de gros efforts pour ne pas laisser l’art dominer ma vie.
Si vous pouviez vous faufiler dans l’atelier d’un autre artiste, mort ou vivant, qui choisiriez-vous et pour quelle raison ?
Jan Davidsz de Heem ou Rachel Ruysch. J’adorerais voir de quelle manière ils peignent et observer leurs mains réaliser ces lignes et formes délicates.
Deux types classiques de peintures semblent vous attirer le plus : le portrait et la nature morte. Néanmoins, vous arrivez à les revisiter complètement, en vous focalisant davantage sur les textures, et donc l’abstraction, que sur le sujet en lui-même…
Oui, c’est assez juste. Je suis fasciné par les points communs, les conventions et les principes géométriques dans les deux genres. Ils peuvent être un peu banals tout en étant riches de sens et d’émotion. J’aime ça. Arrivera certainement le jour où je devrais divorcer de ces styles mais pour le moment je prends encore beaucoup de plaisir à évoluer sous leurs contraintes.
Plus généralement, quelles sont vos plus grandes influences visuelles ?
J’étais très fan de manuels illustrés de science et d’histoire naturelle dans mon enfance. Je crois que ça a déclenché quelque chose. Ensuite j’en suis venu à aimer la bande dessinée et le travail d’H.R. Giger. Cela m’a fait découvrir les Surréalistes, puis les autres grands mouvements artistiques et les maîtres de la Renaissance, de l’ère Baroque et de l’Age d’or flamand, qui est ma période préférée actuellement. De manière générale, j’ai toujours beaucoup aimé cette mince frontière qui peut exister entre le mystique et l’absurde. Des réalisateurs comme David Lynch ou Cronenberg ont été et sont toujours de grandes influences. J’aime aussi beaucoup les séries comiques absurdes comme The State, The Kids in the Hall, ou plus récemment, The Tim and Eric show.
Pour terminer, de quoi avez-vous envie pour le futur ?
Rester en vie, aimer plus, faire des tableaux plus grands et meilleurs, être moins stressé, être un bon mari et père, faire ma propre sauce, retourner à Hawaï, aller visiter plus de musées en Europe et peut-être venir te voir à Paris !!
Photos : © FG / Roughdreams.fr