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La vie devant soi de Romain Gary (Emile Ajar)

Par Kllouche
La vie devant soi de Romain Gary (Emile Ajar)
Editions Folio - Paru le 16 mars 1982 - 273 pages - 7.40€ - Pour l'acheter 
  • Résumé:
Histoire d'amour d'un petit garçon arabe pour une très vieille femme juive : Momo se débat contre les six étages que Madame Rosa ne veut plus monter et contre la vie parce que «ça ne pardonne pas» et parce qu'il n'est «pas nécessaire d'avoir des raisons pour avoir peur». Le petit garçon l'aidera à se cacher dans son «trou juif», elle n'ira pas mourir à l'hôpital et pourra ainsi bénéficier du droit sacré «des peuples à disposer d'eux-mêmes» qui n'est pas respecté par l'Ordre des médecins. Il lui tiendra compagnie jusqu'à ce qu'elle meure et même au-delà de la mort.
  • Mon avis :
Pour des raisons totalement obscures, je m'imaginais Romain Gary écrivant à la manière de Proust. Je le voyais comme un grand auteur classique au style bien tordu et aux idées nébuleuses. Pas très engageant donc. Le fait d'en avoir entendu parler encore et encore en cours, le fait de le voir partout en librairie pour la commémoration du centenaire de sa naissance ont eu raison de moi. J'ai fait fi de mes préjugés pendant quelques secondes au détour d'un rayon de librairie et j'ai commencé à parcourir les premières pages de La vie devant soi. Encore une fois, j'avais des a priori sortis d'on ne sait où concernant ce roman. Je pensais qu'il s'agissait d'une autobiographie à la 3ème personne à la manière d'A la recherche du temps perdu. En gros, j'avais tout faux. En gros, j'ai failli passer à côté d'un des meilleurs auteurs qu'il m'ait jamais été donné de lire!
Il n'a pas fallu plus du premier paragraphe de La vie devant soi pour me convaincre d'aller plus loin. Momo (Mohammed, c'est trop long) est un petit garçon de 10 ans vivant dans un quartier misérable de Paris, élevé par la vieille madame Rosa en mauvaise santé qui récupère les enfants de putes en attendant qu'elles puissent trouver une autre solution. Mais contrairement à ses petits camarades, Momo n'a pas de mère qui va revenir le chercher. Tout simplement parce qu'il n'a pas de parents du tout. Il se fait donc "adopter" par Madame Rosa, une juive avec de vrais faux papiers. Pendant 273 pages, il nous raconte son enfance: ses bêtises et sa relation avec la vieille dame. 

Ce roman aborde en profondeur à travers les yeux d'un enfant non éduqué par les règles édictées par le gouvernement des thèmes aussi variés que la religion, les sans-papiers, la quête d'identité, la maternité, la prostitution, la misère, l'amitié, la vieillesse, le sens de la vie, l'abandon, etc. C'est à la fois une plongée romanesque dans une autre catégorie sociale un autre monde et une mine inépuisable d'informations sur ce milieu. Beaucoup de lecteurs ont qualifié l'intrigue de "basique", je ne suis pas d'accord. Je situerais ce roman entre le roman d'apprentissage et l'essai, mélange quand même pas facile à obtenir surtout pour un résultat de cette qualité.

D'autant plus que l'histoire nous est racontée par la bouche de Momo. Le style très oral n'a pas dû être une mince affaire à travailler. Il est parfois difficile de le suivre étant donné que le petit gars utilise des expressions bien à lui, qu'il a entendu dans la bouche d'adultes et qu'il répète avec un sens différent (mention spéciale aux putes qui "se défendent"). Cette façon très particulière de raconter donne toute sa force au roman. Elle lui fait raconter une histoire qui passe pour vraie, authentique au point d'en en oublier son caractère fictionnel. Sans les expressions de Momo, La vie devant soi n'aurait rien été d'autre qu'une énième histoire de misère humaine. Ici, c'est la vision naïve mais pas pour autant innocent qui s'exprime. C'est impressionnant!
Ce roman est plein d'anecdotes autour de sa publication:

> Romain Gary a publié ce roman sous le pseudonyme d'Emile Ajar. Il ne dévoila sa véritable identité qu'à sa mort. A cette période de sa vie, il était un auteur assez controversé dans la presse. Il aspirait ainsi à retrouver une certaine liberté d'écriture. Un critique du magazine Lire n'hésita pas dans un article à vilipender l'œuvre de Gary, avant de conclure « Ajar, c'est quand même un autre talent. » Comme on dit maintenant : MDR !

> Ce roman reçut le prix Goncourt en 1975. Ce prix ne peut normalement être décerné qu'une unique fois par auteur. Or Gary l'avait déjà reçu en 1956 pour Les racines du ciel. S'il voulut dans un premier temps le refuser, il lui fut tout de même remis puisque le prix récompense davantage l'œuvre que son auteur. Et c'était tellement mérité !
En conclusion, j'ajoute Romain Gary à ma liste d'auteurs dont je veux lire toute la bibliographie (même si c'est impossible vu le nombre de livres qu'il a écrit tous pseudos confondus). J'ai adoré, cette lecture a été la plus belle découverte de cette année ! 

J'ai écrit un petit article sur l'auteur si ça vous intéresse. Enfin, Babelio organise un club de lecture consacré ce mois-ci à La promesse de l'aube. Joignez-vous à nous !


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