LA dmire infininement le travail de Stian Hole

Publié le 08 mai 2014 par Lucie Cauwe @LucieCauwe
Toujours aussi graphiquement éblouissant, le nouvel album de Stian Hole, le merveilleux "Le Ciel d'Anna" (traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud, Albin Michel Jeunesse, 48 pages), commence par une réflexion sur les palindromes, ces mots qui se lisent à l'endroit comme à l'envers. "Rêver" et "ressasser", propose Anna. "Anna", réplique son père.On ne le sait pas encore, mais tout est dit avec ces trois mots. Elle rêve, lui ressasse. Anna le ramènera à la vie.
Tout au long des pages, Stian Hole sème plein d'indices et de repères dans son texte et dans ses somptueuses illustrations. A chacun d'y être attentif et de se régaler de son dessin hyperréaliste. Les illustrations sont toujours d'une virtuosité éblouissante et d'une beauté soufflante. Très réfléchies, très mises en scène, elles sont accessibles à tous les enfants. Mélange de photos, de collages, de dessin et de peinture, elles lancent leurs belles couleurs posées sur papier mat.
Tout de suite, on append qu'Anna et son père vont à un rendez-vous. Lui est vêtu de noir et porte un gros bouquet de fleurs, des roses rouges. Il est nerveux, fébrile même. Sa fille le ressent. Comme lui, elle a les cheveux électriques. Mais elle, c'est une incroyable longue chevelure rousse qu'elle arbore, mise en valeur par sa robe jaune à pois blancs. L'air de rien, Anna fait tout pour arrêter le temps, pour ne pas entendre les cloches de l'église qui sonnent, appel venu de l'autre côté du fjord.
C'est à la quatrième double page de l'album que l'auteur-illustrateur norvégien révèle le sujet du livre. "Maman disait que les oiseaux sont des fleurs qui volent et que le tournesol est le petit frère du soleil. Regarde, papa! Les hirondelles..." Cet imparfait qui dit l'absence, qui dit la mort.
Le père se montre triste, désespéré. Sa fille va renverser ses sentiments en le faisant pénétrer à sa suite dans un monde où ils interrogeront Dieu, où l'imaginaire fera claquer ses couleurs, où le quotidien se transformera avec féerie en scènes somptueuses.
"Si seulement maman pouvait revenir pour me faire des tresses...", dit Anna. "Oui, si seulement...", répond papa.
Tant de douleur, et pas une once de sentimentalisme.
Père et fille décident alors d'aller voir de l'autre côté du miroir. Ils sautent dans l'eau du fjord, Anna la première.

Les chaussures ont été laissées au bord de l'eau. (c) Albin Michel Jeunesse.


Ils suivent les poissons volants, écoutent les voix de l'océan.

Flottant sur l'eau, des roses rouges. (c) Albin Michel Jeunesse.


Ils découvrent où habitent les invisibles, reconnaissent certains de leurs disparus. Pas maman. Mais Anna trouve vite des raisons à son absence des lieux qu'ils ont visités... Elle doit revivre ailleurs là-bas les bons moments de son existence sur terre.

Maman aiderait-elle Dieu à faire son jardin? (c) Albin Michel Jeunesse.


Une formidable complicité unit la fille et le père durant ce voyage où ils volent et nagent. "Je n'étais jamais allé dans les endroits que tu viens de me montrer", dit le père. "Merci de m'y avoir emmené", ajoute-t-il.
Une nouvelle réplique d'Anne le fait enfin sourire. Moment où elle est à son tour prête à se rendre à l'église... et où son père se laisse aller à être lui-même. Et quelle superbe image finale en écho à celle qui a ouvert l'album!
Stian Hole est un merveilleux artiste, on le savait déjà grâce à ses précédents titres. On ne peut que le remercier pour ce qu'il nous donne dans "Le Ciel d'Anna", un album sur la mort sensible, poétique, et finalement optimiste, dont l'atmosphère rappelle celle créée par Kitty Crowther dans "Moi et Rien" (L'école des loisirs, Pastel, 2000). Le rythme en doubles pages, prodigieusement illustrées, permet de partager réellement cette histoire de deuil sans tristesse ni sensiblerie. Un ouvrage qui mérite immédiatement l'appellation d'indispensable et qu'il est urgent de partager au maximum tant il est beau et qu'il fait du bien.
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Stian Hole.

Stian Hole, né en Norvège en 1969, on le connaît chez nous depuis 2007, quand il a reçu le Bologna Ragazzi Award (meilleur album) pour l'éblouissant album "L'été de Garmann", son premier album jeunesse, qui sera traduit en français en 2008. Deux autres titres complètent la série, "La rue de Garmann" et "Le secret de Garmann".
En couverture de "L'été de Garmann", le premier album pour enfants de Stian Hole, (traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud, Albin Michel Jeunesse, 2008, 40 pages),  un blondinet à taches de rousseur, un pansement collé sur le torse, des bouées de natation orange enfilées aux bras, regarde le lecteur depuis la mer immense où il est plongé jusqu'à la taille.
Son regard impressionne.
Qu'a cet enfant dans la tête?
"L'été de Garmann" est un album en dehors de l'ordinaire, tant sur le plan littéraire que graphique, vivifiant, étonnant et terriblement intéressant. En un mot, rare. Il est construit autour des trouilles qui vous prennent au ventre, ces "papillons noirs" qui ne vous laissent pas en paix. Des peurs, grandes ou petites, raisonnées ou non, indéfectiblement liées à la vie. La vie d'un petit garçon de six ans comme Garmann qui s'apprête à rentrer à la grande école. Celle de Papa ou de Maman. Celle des trois vieilles tantes du gamin, qui, l'âge avançant, craignent, de ne plus pouvoir marcher, de mourir bientôt, ou rien du tout tant elle oublie les choses.
"L'été de Garmann", c'est plutôt une saison qui s'achève pour laisser la place à une autre. Le héros fait le compte des indices de ce changement. L'arrivée d'Augusta, Ruth et Iseline, les trois vieilles tantes, notamment, qui rendent visite plusieurs fois par an à sa famille, débarquant d'un bateau avec leurs rides et leur arthrose.

Augusta, Ruth et Iseline. (c) Albin Michel Jeunesse.


Scènes illustrées de façon hyperréaliste, détails amusants comme un jeu de croquet en décor, des bonnets tricotés équivalents au nombre de taches noires d'une coccinelle ou la tante montée sur un skate, les propos vont et viennent au fil de l'imagination, des conversations, des suppositions. L'album parle de la chute des dents de lait et des problèmes de dentier, du un futur métier et d'une enfance vécue il y a belle lurette, des prénoms anciens, de la confection d'un herbier, de la crainte de la mort ou du partage d'un gâteau meringué.
Entre ces divers épisodes relatifs aux peurs qui naissent ou s'estompent, c'est la vie, la vraie, qui bat dans cet album original et de toute beauté.
Dans "La rue de Garmann" de Stian Hole (traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud, Albin Michel Jeunesse, 48 pages, 2009), on retrouve le petit garçon. Il est aux prises avec Roy, un gamin qui fait la loi dans le quartier mais règne plus par la terreur et le mensonge que par autre chose.
Garmann saura dépasser ses peurs, on sait qu'il en le spécialiste, et prendre contact avec un mystérieux vieil homme, l'Homme aux timbres. A nouveau, Stian Hole nous offre un très beau travail, original et dehors de tous les courants artistiques, à la fois par son sujet et par son traitement du graphisme.

L'Homme aux timbres et Garmann. (c) Albin Michel Jeunesse.


"Le secret de Garmann", troisième épisode de la série due au Norvégien Stian Hole (traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud, Albin Michel Jeunesse, 48 pages, 2011), présente toujours la même puissance graphique. L'histoire commence dans la cour de l'école, avec les jumelles Hanne et Johanne. Parfaitement identiques en apparence, totalement différentes en réalité. En tout cas, selon Garmann qui raconte leurs démêlés.
Jusqu'au soir où Johanne entraîne le blondinet avec elle, dans le parc, pour lui montrer un secret.
La rêveuse y a repéré une sorte de capsule spatiale abandonnée. L'engin devient vite l'endroit où les deux enfants se retrouvent, en secret de tous. Ils ont tant de choses à se raconter, tant d'histoires à imaginer ensemble, tant d'aventures à rêver côte à côte, tant d'expériences à tenter sans personne d'autre. Garmann et Johanne partagent une imagination débridée et le goût de la nature.

Garmann et Johanna rêvent ensemble. (c) Albin Michel Jeunesse.


Leurs cachotteries n'ont pourtant échappé ni à la maman du garçon, qui y trouve une occasion de réfléchir avec lui aux secrets, ni à Hanne qui se fait alors enfin remettre à sa place par sa jumelle. Quant à eux-mêmes, ils s'y sentent bien.
Les illustrations du Norvégien, mêlant dessin, photos et collages, sont savamment composées, très remplies à une exception près. Elles nourrissent cet album à lire plusieurs fois, en le laissant doucement infuser, pour en apprécier toute la richesse.