Dans ce nouveau dossier, nous allons nous intéresser à l'un des compositeurs de musiques électroniques les plus novateurs. De la techno à l'ambiant en passant par l’expérimental, Cristian Vogel se cache derrière une quinzaine d'albums toujours en avance sur leur temps ainsi que derrière plusieurs remixes pour Thom Yorke, Maxïmo Park et plus encore. Nous verrons que la diversité proposée dans sa musique n'a rien d'un hasard pour un homme cosmopolite comme lui.
Cristian Vogel: La genèse
Avant de parler de sa musique parlons de l'homme. Même si il a su rester discret tout au long de sa carrière, Cristian Vogel a laissé quelques indices par ci est par là. Attention, je ne vais pas vous parler de sa vie privée ! Seulement de quelques faits marquants qui permettent de comprendre mieux l'homme a travers sa musique.
Né en 1972 au Chili, le petit Cristian quitte très vite son pays natal pour l'Europe, fuyant le gouvernement Pinochet. Installé en Angleterre, il part quelques années plus tard (fin des années 80) à l'université de Sussex pour y étudier la musique contemporaine. Sa fascination pour la musique électronique se fait déjà sentir et il apprend beaucoup de ses professeurs, Martin Butler et Jonathan Harvey (tous les deux compositeurs de musique classique). L'élève Vogel est donc studieux est obtient son diplôme sans grand problème. En parallèle des études, il rejoint brièvement le collectif Cabbage Head (avec dans leurs rangs le Dj Si Begg). On commence déjà à percevoir deux facettes chez le personnage. D'un coté un élève doué et attentif, de l'autre un jeune Dj underground.
1994-1996: La découverte
Après quelques ep's sortis sur des labels anglais plus ou moins underground, Cristian Vogel fait ses valises pour l'Allemagne où il sortira son premier album en 1994 sous le prestigieux label Mille Plateaux (Jamie Liddell, Alec Empire, Dj Vadim...). "Begininng To Understand" fait sensation grâce à des boucles house agrémentées de sons très fouillés voire expérimentaux. Le morceau "Scorpio" est un bel exemple du nouveau son que vient de créer le jeune compositeur. Pour la petite anecdote, l'artwork de l'album a été réalisé par son ami Si Begg (ami de jeunesse dans le collectif Cabbage Head).
Cristian Vogel ne chaume pas et sort dès l'année suivante (1995) son deuxième album "Absolute Time". Le côté techno prend le dessus sur les expérimentations sonores. Cela s'explique peut être par le fait que l'album est signé sur le label Berlinois Tresor Records, réputé pour avoir signé Jeff Mills ou encore Surgeon.
Mais c'est en 1996 que Cristian Vogel se fera plus amplement remarquer. Il ne sort pas un mais, deux albums ! Et pas des moindres. Chaque album reflète une facette de la musique de l'artiste. "Specific Momentific" pousse encore plus loin les innovations sonores. Le morceau "Cancion Sintecta" est vraiment sublime et prouve sans conteste le talent de Vogel pour la création d'ambiance singulière.
L'autre gros album de 1996 est "Body Mapping" qui fait ressortir l'aspect underground du compositeur. Les kicks sont plus assumés, le style techno également. Cela n'empêche pas Cristian Vogel d'effectuer une recherche très poussée au niveau de ses sonorités.
Après un début aussi glorieux ainsi que deux album mémorables comment le jeune artiste, alors âgé de 24 ans, va t-il envisager la suite de sa carrière ?
1997-2007: La boucle qui se répète
"Qui se répète", c'est peut être un peu exagéré car Cristian Vogel aura eu beaucoup de projet pendant cette dizaine d'années. Il sortira sept albums solo de bonnes factures. Mention spéciale à "Busca Invisibles", "All Music Has Come To An End" et "Station 55". Malheureusement, le reste de sa discographie solo aura tendance à répéter les mêmes gimmicks ainsi que le même mélange de musique techno et ambiant. Ce n'est pas pendant ces dix ans qu'il séduit avec ses efforts solitaires mais il marquera les esprits du monde électronique pour son duo avec Jamie Liddell.
Super Collider est donc le groupe de Cristian Vogel (Instrumentaux) et Jamie Liddell (chant). Le son de Vogel évolue encore en ajoutant la touche soul de la voix de Jamie Liddell. Le groupe sortira deux albums avant de se séparer en 2002. Une chose est sûre, Vogel a encore surpris tout le monde.
L'effet de surprise est encore de mise quand Cristian Vogel annonce sa collaboration avec le chorégraphe Suisse Gilles Jobin pour composer les musiques de pièces de danses contemporaines. Un album sortira même en 2009, où le compositeur revisite le "Lac des signes" à sa sauce. Il crée même son propre label à Barcelone pour pouvoir composer ses musiques de danses tranquillement.
2012: Le Renouveau
"The Inertials" sort en 2012 et annonce un nouveau tournant dans la carrière de Vogel. Sa musique si caractéristique est désormais saupoudrée de musique dub, se rapprochant du Dubstep slow tempo et sombre de Burial. Ce mélange inattendu marche à merveille et permet au Dj de revenir en force sur le devant de la scène.
Comme à son habitude, il ne traîne pas pour sortir un nouvel album. En 2013 sort l’imprononçable "Eselsbrücke". La complexité du titre se retrouve également dans la musique qu'il propose. Il s'agit très certainement de l'album le moins accessible de la discographie de l'artiste. Quasiment uniquement ambiant. Vogel n'hésite pas a ajouter des instruments organiques comme des violons pour ajouter de la tension dans ses compositions.
Cristian Vogel fait encore évoluer sa musique et propose des sonorités novatrices. On se pose alors la question: jusqu’où va t-il aller ? En attendant ses prochaines sorties on ne peut que reconnaître le talent indéniable de cet homme discret qui, mine de rien, a grandement contribué à l'éssort de la musique électronique. On peut facilement le mettre dans la catégorie des pères fondateurs de la musique électronique moderne avec Aphex Twin et Burial. Après Franckfort, Berlin, Brighton, Londres, Sussex et Barcelone ou va t-il poser ses valises pour son prochain album ?