« Ce que demande la démocratie c’est un débat public vigoureux. Et si elle a besoin d’information, le type d’information dont elle a besoin ne peut être produit que par le débat . Nous ne savons pas quelles choses nous avons besoin de savoir tant que nous n’avons pas posé les bonnes questions, et nous ne pouvons poser les bonnes questions qu’en soumettant nos idées sur le monde à l’épreuve de la controverse publique. » - Christopher Lasch dans « La révolte des élites et la trahison de la démocratie.
Congrès de la dissidence du 4 mai 2014 à Bruxelles par ERTV
Toutes les analyses convergent : c’est bien le professionnalisation du journalisme et de la politique qui a tué le débat ; des débats au moment des élections où ce sont les médias aux services de leurs actionnaires (industrie, banque et armement) et des annonceurs qui définissent les thèmes et déterminent les règles du jeu au désavantage de la démocratie.
Quant à la politique : elle se plaît à nous faire savoir que la plupart des questions sont trop complexes pour être soumises au jugement du peuple ; comprenez : les intérêts en jeu, carriéristes et économiques, ce qu’il est convenu d’appeler « le dessous des cartes », ne doivent sous aucun prétexte être exposés ; car, avec le politique, ce qui est n’est pas ; il s’agit toujours d’autre chose, autre part, et puis ailleurs aussi tant à un niveau local que national, européen et mondial : de la gestion de la commune aux grandes messes du G8 ou autre G2O.
Le politique est le client des médias, et les médias sont leur porte-voix : échange de bon procédé qui scelle la rupture des moyens de connaissance du public. Reste alors le divertissement et le faits divers - les stars, le sexe et la violence -, jetés en pâture à une audience et à des lecteurs d'une démocratie atone, d'une apathie confirmée à l’égard de la chose publique : qui fait quoi, à qui, pour(-)quoi, où, comment et pour le compte de qui.
Personne n’avait pourtant sérieusement demandé à la démocratie que le peuple puisse se gouverner lui-même. Le public était trop heureux de ne jouer qu’une part que l’on qualifiera de « procédurière », s'intéressant non pas tant à toutes les lois votées - par un Parlement uni quant au projet global et divisé seulement sur la répartition des places à occuper et à prendre d’assaut parfois aussi -, qu'au fait que la loi soit respectée par tous dans l’intérêt de tous : justice et égalité.
Pas de citoyen omni-présent donc ; pas de prises de décisions publiques non plus.
Les médias et la classe politique dominantes se sont alors engouffrés dans cette brèche ouverte par une vision minimaliste et une ambition somme toute modeste de l’exercice de la démocratie chez le peuple qui a laissé le gouvernement de ses affaires à des professionnels de la politique et à des experts, et le compte rendu de leurs actions et de leurs décisions à des professionnels de l’information dans un monde vaste, de plus en plus complexe et imprévisible... du moins, tel qu’il nous est présenté et donné de l’appréhender. D’où la portée restreinte du débat public… jusqu’à sa disparition pure et simple : en effet, là où il n’y a plus d’alternative (politique, économique), il ne saurait y avoir de débat car enfin : à quoi bon débattre de ce qui n’est pas et ne sera jamais !
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Meta TV rencontre l'AFP le 04 mai à l'occasion de ce qui aurait dû être "Le Congrès de la dissidence" organisé par le mouvement "Debout les belges" à Anderlecht. Toutes les stars de la dissidence et du Web étaient présentes : le député belge Laurent Louis, Dieudonné, Alain Soral, Marion Sigaut, Kemi Seba, Jacob Cohen, Tepa, Salim Laïbi, Joe Le Corbeau, Egalité et Réconciliation, le cercle des volontaires, Pierre Hillard, Gilad Atzmon...
De ce congrès, le Conseil d’Etat belge confirmera l’arrêté d’interdiction pris par le bourgmestre d’Anderlecht. Le gouverneur de Bruxelles a étendu la mesure à l’ensemble du territoire bruxellois.
Tous les participants à ce congrès infortuné ont en commun la condamnation d'une Europe instrument d'une mondialisation qui n'est qu'une guerre contre les salaires, les droits, la démocratie et la culture humaniste ; la condamnation de l'Euro, autre instrument de la paupérisation du continent européen, et last but not least... la condamnation de la politique étrangère de cette même Europe ; une Europe supplétive d'une politique de terreur et de chaos conduite par les Etats-Unis et ses poissons pilotes issus, pour certains d'entre eux, d'alliances contre-nature de circonstance selon le principe qui veut que... "les ennemis de mes ennemis sont mes amis."
Ce qui fait de ce rassemblement et de ses participants... devinez quoi et qui ?
Des anti-sémites et des fascistes.
Où est le rapport, on se le demande. Chez l'erreur ! A moins que... faut bien dire que dans l'Art de se tirer une balle dans le pied, les Médias, les associations communautaires et la classe politique, tous inféodés à la domination mondiale du plus fort sur le plus faible, n'ont pas leurs pareils.
Aussi, que ceux qui se sentent morveux se mouchent.
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« C’est seulement en soumettant nos préférences et nos projets à l’épreuve du débat que nous en arrivons à comprendre ce que nous savons et ce qu’il nous reste à apprendre. Tant que nous n’avons pas à défendre nos opinions en public, elles demeurent des opinions au sens péjoratif : des convictions à moitié formées fondées sur des impressions aléatoires et des présupposés admis sans examen. C’est l’acte de formuler nos conceptions et de les défendre qui les tire de la catégorie des « opinions », qui leur donne forme et définition et permet également à d’autres de les identifier comme la description de leur propre expérience. Bref, nous n’en arrivons à connaître ce que nous avons en tête qu’en nous expliquant devant les autres : la discussion est risquée et imprévisible et pour cette raison elle est éducative.» op. cit.
Qui veut apprendre et de qui ?
Sûrement pas les médias et la classe politique ! Du Peuple, ils ne prendront et n’écouteront rien car la discussion, la controverse sont un danger permanent pour tous ceux qui refusent le débat et la remise en cause du bien fondé de décisions politiques qui, cela n’aura échappé à personne, servent des intérêts que nous sommes de plus en plus incapables de reconnaître.
« Si nous maintenons fermement que le débat est l’essence de l’éducation, nous défendrons la démocratie comme la forme de gouvernement non pas la plus efficace mais la plus éducative, telle qu’elle étend aussi largement que possible le cercle de la discussion et oblige ainsi tous les citoyens à articuler leurs conceptions, à les mettre en danger et à cultiver les vertus de l’éloquence, de la clarté de pensée et d’expression et du jugement solide.» op. cit.
Les scientifiques ne débattent-ils pas entre eux jusqu’à s’opposer violemment ?
Les médias en choisissant de ne servir que la désinformation - mensonges et omissions -, à propos de la chose publique, monopole d’une classe politique qui ne raisonne qu’en termes de "storytelling" et de "communication" a abandonné le rôle qui aurait dû être le sien : faire vivre le débat ; saisir tous les points de vue ; élargir les frontières de notre compréhension du monde ; débattre des différentes options et autres choix d’organisation de l’existence en société, à l’heure où la promotion et l’intention de ne jamais nuire à ses employeurs et leurs actionnaires, ont remplacé l’information ; et quand information il y a, elle est le plus souvent inutilisable car parcellaire et décontextualisée à dessein.
Qu'il soit permis de conclure par ceci : sans débat public, sans controverse, l’information sera sans pertinence, trompeuse et manipulatrice. Ce qu’elle est aujourd’hui et la langue avec elle, là où elle affaiblit ce qu’on peut appeler « l’autorité du mot » et de la parole… donnée puis reprise… la ceinture serrée jusqu’à l’étouffement, et le bâillon posé sur des lèvres exsangues : motus et bouche cousue.
Qui vivra, verra.
Mais alors... que les dissidents meurent le plus tard possible.
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