L’Union Syndicale Suisse veut instaurer un salaire minimum à 4’000 francs. C’est l’objet sur lequel on va devoir voter le 18 mai prochain. Je dois dire qu’après les séismes provoqués par l’initiative « Weber » et celle sur l’immigration massive, si ce vote passait ce serait vraiment la goutte d’eau qui ferait déborder le vase. Dans le genre se tirer une balle dans le pied on ne pourrait pas faire mieux. Nos amis français connaissent déjà ce système, et il n’y a pas besoin d’être un expert pour constater que le SMIC provoque un nivellement par le bas et du chômage, en particulier pour les jeunes et les personnes non qualifiées.
Il y a tellement d’arguments en défaveur de l’instauration d’un salaire minimum que je ne sais pas où commencer… prenons-les comme ils viennent :
Formation
Payer 4’000 francs pour tout employé peu importe l’âge et la formation a deux effets pervers. D’abord il incite les jeunes à ne pas se former puisqu’ils peuvent être payés de manière conséquente dès la fin de l’école obligatoire. De l’autre côté les patrons seront bien empruntés car ils devraient alors rémunérer des emplois à faible valeur ajoutée, au-dessus de ce qu’ils rapportent réellement, ce qui est synonyme de pertes. Ils devront donc trouver un moyen de se passer de cette main d’oeuvre, soit via l’automatisation des tâches, soit via la délocalisation. On assistera donc à une augmentation de la main d’oeuvre non qualifiée disponible en même temps qu’une suppression des postes de travail concernés. Donc chômage, en particulier pour les jeunes.
Classe moyenne et nivellement par le bas
Un salaire minimum n’est paradoxalement pas équitable. Payer 4’000 francs au moins n’importe quel employé signifie que celui qui a des qualifications et/ou des responsabilités, sera relativement moins bien payé dans le futur. Il ne faut pas croire au père Noël, le patronat ne pourra pas augmenter tout le monde dans la même proportion. La classe moyenne sera donc la première touchée. Elle aura les soucis, sans avoir les avantages et fera les frais des augmentations accordées au personnel non qualifié. Les courbes de salaires se tasseront et les ajustements annuels de salaire ne seront plus accordés durant de nombreuses années.
Secteurs économiques
Il n’y a pas besoin de faire des hautes études commerciales pour se rendre compte que le fonctionnement d’une banque et d’un restaurant est sensiblement différent. La plus-value que génère un employé de banque est bien plus importante que celle réalisée par un sommelier. Les secteurs comme l’agriculture, l’hôtellerie et la restauration ont besoin de beaucoup de main d’oeuvre, en particulier non qualifiée. De plus ces derniers secteurs ne peuvent ni automatiser leurs tâches, ni délocaliser. Cela signifie que soit leurs tarifs devront substantiellement augmenter, alors même que les prix sont déjà considérés comme élevés, soit qu’ils devront mettre la clé sous le paillasson. Dans tous les cas vouloir instaurer un salaire minimum identique à toutes les branches d’activité ne fait aucun sens.
Disparités géographiques
Pas besoin non plus d’être prix Nobel pour voir que le coût de la vie et les niveaux de salaire sont très différents si l’on habite à Genève, Zurich, Lausanne, Delémont, Bulle, La Chaux-de-Fonds ou Sierre. Si payer un employé moins de 4’000 francs dans la cité de Calvin peut être considéré effectivement comme du vol, il en est tout autre dans les régions périphériques, où les loyers, les impôts et les assurances sont beaucoup plus abordables. Dans ces régions, instaurer un salaire minimum signifie la mort assurée des PME à faible valeur ajoutée, en particulier dans le secteur des services. On va assister à des licenciements et des faillites en chaîne. L’offre va peu à peu se concentrer dans une poignée de grosses entreprises, dont le siège se situe dans les grandes métropoles et qui peuvent se permettre de payer des salaires plus élevés. La concurrence va baisser et les prix augmenter. L’exode rural déjà provoqué par l’initiative Weber va s’aggraver. On va remplacer le flux de la main d’oeuvre étrangère désormais considérée comme indésirable, par un flux d’employés internes, sans formation, venant des régions périphériques et recherchant des emplois sur l’arc lémanique ou dans le triangle d’or Berne-Bâle-Zurich.
Tourisme
On l’a vu ci-dessus, beaucoup de secteurs n’auront pas d’autre choix que d’augmenter leurs prix. C’est notamment le cas de l’industrie touristique qui ne peut pas délocaliser ou automatiser. Cette industrie est déjà soumise à de très fortes pressions du fait de la survalorisation excessive du franc suisse. Le tourisme alpin a aussi été sacrifié par la Lex Weber et il se situe justement là où le coût de la vie et les salaires sont les plus bas. Y imposer un salaire minimum à 4’000 francs, c’est comme de tirer une balle dans la tête à un animal déjà blessé.
Travail au noir
On n’est plus dans le monde des bisounours. Certains patrons, et certains même secteurs entiers, n’auront d’autre choix que de ne pas déclarer leur main d’oeuvre. Pensons à l’agriculture par exemple. Les paysans n’arrivent déjà pas à vivre avec les prix payés par la grande distribution. Comment voulez-vous qu’ils fassent s’ils doivent payer leurs saisonniers 4’000 francs par mois ?
Afflux de main d’oeuvre étrangère
Beaucoup ont voté en faveur de l’initiative contre l’immigration massive à cause du dumping salarial. Ces mêmes personnes pourraient êtres tentées de voter en faveur du salaire minimum mensuel de 4’000 francs (ou 22 francs de l’heure). Une telle disposition ne ferait néanmoins que renforcer encore plus l’attrait de la Suisse. La carte ci-dessous donne le salaire horaire minimum en euros en vigueur dans les pays d’Europe et aux Etats-Unis. Il manque encore l’Allemagne qui introduira un salaire de ce type de 8.5 euros de l’heure en 2015. Pas besoin de vous faire un dessin de ce qu’il va se passer si n’importe qui peut toucher un salaire horaire de 18 euros chez nous…
Performance au travail
Vouloir assurer un salaire décent à tout le monde c’est louable bien entendu. Mais l’être humain a une fâcheuse tendance à rechercher la facilité et à se reposer sur ses acquis. S’il peut toucher 4’000 francs sans se former et sans se bouger les fesses, alors il n’a guère de sources de motivation à se dépasser dans son travail. Le travail et la formation, c’est justement ce qui a fait la richesse de la Suisse, pays dépourvu de matières premières.
Conclusion
Assurer un minimum décent pour vivre à celui qui travaille c’est louable bien entendu. Les working poors qui doivent cumuler plusieurs emplois, avec des horaires qui ne leur permettent plus de se reposer et de vivre avec leur famille, ne devraient plus exister aujourd’hui. Reste à savoir maintenant ce que l’on met sous cette appellation. Un jeune jurassien de 20 ans avec un salaire de 3’700 francs par mois vit assurément plus confortablement qu’une mère célibataire genevoise de 30 ans avec 1’000 francs de plus.
De manière plus générale, lorsque l’on vit avec un bas salaire, il faut faire des choix. On ne peut pas suivre à tout prix la course effrénée à la consommation dans laquelle nous pousse notre société. Ceci est d’ailleurs souhaitable pour tous les nouveaux de salaire. Smartphones, grosses cylindrées, produits de marque, crédits à la consommation… c’est ça la vraie cause du malaise. Et la solution ce n’est pas un salaire un minimum, en tout cas pas à ce niveau, et pour tous les secteurs et toutes les régions.