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Semainier du 14 au 20 avril 2014

Publié le 07 mai 2014 par Arsobispo

Etonné: L'écrivain militant britannique, William Thomas Stead a peut-être été trop prémonitoire. S’il a su convaincre ses compatriotes sur nombre de projets libéraux – le contrôle des naissances, la défense de la paix, la critique du « Bloody Sunday », le rejet des Chambres des Lords et des Communes, la lutte contre la prostitution enfantine, la création de la « a Law and Liberty League (LLL) » et ce, dans une Angleterre victorienne imbue de prérogatives oligarchiques, il aurait dû être cohérent avec lui-même et appliquer ses idées et principes à ses faits et gestes. 

Northern Echo
Lorsqu’en 1886, il publie un article, The Sinking of a Modern Liner, remettant en cause les conditions du transport de personnes par voie maritime suite au naufrage d’un paquebot, il ne se doute pas du sort que le destin lui réserve. En 1892, fidèle à lui-même, il insiste et argumente avec un roman, De l'ancien au nouveau monde, dans lequel un navire entre en collision avec un iceberg au cœur de l'Atlantique Nord.

William Thomas Stead

Dix ans plus tard, , invité par le Président Taft à une conférence de paix qui devait avoir lieu le 21 avril 1912 au Carnegie Hall, il embarque sur le Titanic, il n'est, hélas, jamais arrivé.

The Daily Mirror

Passé : par le musée du Quai Branly pour l’expo « L’Atlantique Noire » pour l’expo rétrospective sur Nancy Cunard et, surprise, ai commencé la visite alors même que la commissaire de l’exposition la présentait à l’une de ses amies. J’étais mieux qu’aux premières loges, bénéficiant d’une lecture commentée des objets, photographies, tableaux et portraits composant cet hommage à une femme injustement méconnue en France.

Nancy Cunard_modifié-1
Elle était l’héritière de la compagnie maritime qui porte son nom mais avait quitté sa famille et le monde puritain, étriqué et bien-pensant d’outre-manche. Ses convictions, "égalité des Races, égalité des sexes, égalité des classes", l’amenèrent à Paris. Elle fut l’une des premières à voir dans le "nègre", un créateur et un penseur. Si je connaissais l’existence de son ouvrage « Negro Anthologie », je ne savais pas qu’elle avait créé les Editions Hours Press qui publièrent 23 ouvrages en anglais dont le premier texte de Samuel Beckett, un des volumes des « Cantos » d’Ezra Pound et la première traduction (par Louis Aragon) de « La Chasse au Snark » de Lewis Carroll.

La chasse au Snark - Hours Press
Certains recueils de poésies écrites par Nancy Cunard y sont également présentés, notamment ceux publiés par Aquila press, sous de très belles couvertures graphiques d’Eliott Seabrook.

Negro Anthology
« Negro Anthologie » est un ouvrage bizarre dans sa forme. Une sorte de catalogue fait de collages, d’articles déjà parus (issus des revues The Crisis, La Revue du monde noir, du journal The negro Worker, de l’anthologie d’Alain Locke The New Negro) de photos, de textes (témoignages, rapports, statistiques, poésies, discours politiques, essais) dont certains inédits, dans un souci de décrire la condition des noirs aux Amériques, en Afrique et en Europe.

Déçu: que ses trois livres majeurs soient aujourd’hui encore introuvables en français : « Negro », « Poèmes à la France »

Poems de Nancy Cunard 1925
et « Authors Take Sides » (une enquête adressée aux écrivains britanniques au sujet de la guerre civile espagnole et du fascisme), car il faut également savoir qu’en 1936, elle gagna l’Espagne afin de soutenir la cause républicaine. Elle y signa des articles pour la presse anglaise et celle de l’Associated Negro press de Chicago. C’est d’ailleurs en Espagne qu’elle rencontre Pablo Neruda avec qui elle fonde en 1937 la revue « Les poètes du Monde défendent le peuple espagnol » lorsqu’il est relevé de ses fonctions consulaires et doit fuir pour Paris.

Aidez l'Espagne

Emballé : j’en suis sorti avec le catalogue, un hors-série (N° 19) de la revue « Gradhiva », dont le titre fait référence à la nouvelle « Gradiva » de l'écrivain allemand Wilhelm Jensen, portée au pinacle par les surréalistes[1].

Gradhiva N° 19

Donc, si quelqu’un méritait bien de figurer dans cette revue, c’est bien sûr, Nancy Cunard, égérie de ces derniers qui fut même pendant un temps la compagne d’Aragon. Leur rupture entraînera de sa part une tentative de suicide et lui inspirera l'un de ses plus célèbres poèmes, "Il n'aurait fallu", que chantera Léo Ferré.


Surpris : qu’au même endroit, sans que je l’eusse su, avait lieu une exposition retraçant du 16ème au 20ème siècle, l'esthétisme que créèrent les indiens des plaines d’Amérique du Nord. Bien entendu, j’y filais.

Veste

Cheval

Robe
Dès l’entrée, un avertissement précisait utilement que les indiens des plaines ont contribué au renouveau culturel des peuples amérindiens. Un hommage soutenu y était rendu à Vine Deloria qui écrira avec Navarre Scott Momaday "Custer est mort pour vos péchés" dans lequel il dénonça « les distorsions de l’histoire » et célébré la spiritualité traditionnelle. Navarre Scott Momaday, professeur également à l'Université de Californie à Berkeley obtint le prix Pulitzer pour son roman "La Maison de l’Aube", malheureusement introuvable, du moins neuf, en français.Vine Deloria fut professeur à l'Université du Colorado de Boulder. 

La maison de l'Aube
Beau joueur, le musée dont l’anthropologie est le terreau, excusait probablement cette phrase de Delonia « Un guerrier tué au combat peut toujours gagner les Heureux Terrains de Chasse. Mais où se rendra un Indien étendu pour le compte par un anthropologue ? À la bibliothèque ? ». Mais, pour en revenir à l’exposition, la majorité des œuvres venant du fond du Musée de l’Homme, la section contemporaine était particulièrement pauvre. Le Quai Branly n’est pas un musée d’art et l’exposition en souffrait. Quelques œuvres d’Oscar Howe, George Morrison, T. C. Cannon, ou Arthur Amiotte ouvraient l’appétit pour finalement nous laisser affamés. Un très beau quilt toutefois de Claire Anne Packard.

Claire Anne Packard

Loupé : Tout à l’admiration des artefacts amérindiens, je ne savais pas alors que je côtoyais peut-être un auteur que j’aurai adoré rencontrer. Pour la seconde fois[2], je ratais l’occasion de discuter avec Graig Johnson qui circulait également entre les présentoirs de l’exposition… Il revenait du salon "Quai du Polar" où il avait présenté "Molosses", son dernier roman traduit chez Gallmeister.

Molosses
Sa venue ensuite à Paris fut l'occasion pour l'excellente émission "L'humeur vagabonde" sur France Inter de le recevoir et de l'inviter à un dialogue. C'était hier soir, lundi 28 avril, mais pour les aficionados qui l'auraient loupé, c'est encore possible de l'écouter ici :

Pour ceux qui ne connaitraient pas encore cet auteur de polars, versus "nature writer", je conseille également de l'écouter ne serait-ce que pour avoir une idée du style si addictif de l'auteur de la série Walter Longmire grâce à des lectures d'extraits de ce roman, hymne au Wyoming et à ces habitants, comme toutes les enquêtes de Walter Longmire.

Profiter de l’occasion pour signaler qu'il est indélicat de réaliser un panégyrique de G. Johnsson sans évoquer C. J. Box que tout amateur du premier se doit de lire aussi : Mêmes lieux, même souffle, même inspiration, même plaisir de lecture, bien que les intrigues dénouées par son personnage récurrent, Joe Pickett, garde-chasse - profondément sympathique - de son état, soient plus classiques. Pour ma part, je privilégie d'ailleurs les romans de cet auteur ne mettant pas en scène Joe Pickett, même si j’ai particulièrement apprécié « La mort au fond du canyon ». « Le soleil se mit à enfler et vint se poser dans l’angle qui séparait deux sommets lointains et massifs, comme si on le rangeait pour la nuit. Il adressa un adieu flamboyant aux pentes montagneuses tournées vers l’ouest, allumant des reflets fuchsia éclatants au ventre des cumulus ».

C. J. Box La mort au fond du canyon
Nous sommes dans le Wyoming, plus précisément au cœur du profond canyon qu’a creusé la Savage Run Creek. Il est si étroit que le soleil, en été, n’éclaire son fond qu’une heure par jour. Une seule saillie permet d’y accéder, si étroite que seuls de hardis alpinistes s’y risqueraient. Joe Pickett et deux autres malheureux vont devoir l’emprunter afin de fuir le tueur à gage qui les pourchasse. La raison, l’opposition entre un groupe d’écologistes résolus et des gros propriétaires terriens arrogants et malfaisants. Ne pas se méprendre, ce n’est jamais manichéen et certaines scènes cruelles de la vie sauvage le rappellent adroitement.

Souvenu : L’occasion aussi de retrouver dans le bouquin, Tom Horn, personnage incontournable du Wild Wild West. Tom Horn occupe une place controversée dans l’histoire de la conquête de l’Ouest.

Tom Horn
Tour à tour mineur, cow-boy, pionnier, star de rodéo et enfin « justicier » que ce soit pour l'armée américaine dans les campagnes apaches des années 1880, ou encore pour l’agence Pinkerton. Il termina sa vie au bout d’une corde en novembre 1903 après un séjour dans une prison de Cheyenne. La référence avec un des personnages du roman de Box fut son activité de «tueur à gages» pour les barons de bétail du Wyoming.  Une autre histoire en somme que celle que popularisa Steve McQueen dans le médiocre film de William Wiard (1980).

Tom Horn film
C. J. Box n’a visiblement pas le même avis et le fait bien savoir.


[1] André Breton, lorsqu’il fonda sa galerie, lui donnera le nom de Gradiva.

[2] Il y a 2 ans, lors d’un périple en Harley Davidson, j’ai passé une nuit à Ucross, village du Wyoming où réside Graig Johnson. Le propriétaire des lieux, voisin et ami de l’écrivain me proposa de m’amener chez lui. Mais mes compagnons de route m’attendaient et je dus décliner cette invitation. Chose que je regrette encore.


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