Voleur de grand chemin ?

Publié le 07 mai 2014 par Dubruel

LA FICELLE (d'après Maupassant)

Fortuné mais radin, maître Molivel *

Ramassait dans la rue un bout de ficelle

Quand un voisin jaloux, Guy Landry,

Bourrelier de son état, le surprit.

Molivel n’y prêta pas attention,

Fourra la ficelle dans son baluchon

Et rentra chez lui déjeuner.

Au dessert, Molivel ouvre la fenêtre

Pour mieux entendre l’avis du garde-champêtre :

-« Il est fait assavoir aux habitants

Qu’il a été perdu ce matin

Vers onze heures, sur le chemin

Qui mène de Beuzeville

À Goderville

Un portefeuille contenant six cents francs.

Si une personne le retrouvait,

Elle est priée de le rapporter

Incontinent à la mairie. »

L’instant d’après,

Le brigadier de gendarmerie

* En Normandie, on appelle un fermier : maître

Entrait dans sa salle à manger :

-« Maître Molivel, veuillez m’accompagner.

M. le maire veut vous questionner. »

Dès qu’il fut arrivé en mairie,

Le maire, gros homme pompeux, lui dit :

-« On vous a vu ce matin ramasser

Le portefeuille de maître Cossé… »

-« Qui ça qui m’a vu ? »

-« M. Landry vous a vu. »

-« I’ m’a vu ramasser c’te ficelle là. »

Il la retira de sa poche et la montra.

-« Mais M. Landry n’a pas pu se tromper… »

Molivel, furieux, cracha de côté.

-« Des menteries, tout ça ! 

Moi, j’ vous dis la sainte vérité. »

Il eut beau protester,

Le maire ne le crut pas, mais ne le retint pas.

Le lendemain, le valet de maître Breteuil

Ayant trouvé un portefeuille

Alla le rendre à son propriétaire,

Le comte de Bonnepierre.

Le mardi suivant, comme tous les mardis,

Molivel se rendit

À la foire de Buzeville.

Un fermier de Goderville,

Maître Deshaires l’aborda

Et lui dit :

-« Hé ! Vieille fripouille !

On la connait ta ficelle. Y en a

Un qui trouve et y en a un qui

R’porte. Ni vu ni connu, j’ t’embrouille ! »