Pierre Gattaz
Le Canard enchaîné joue un rôle au moins aussi important que le site Médiapart dans le paysage médiatique français. Et depuis plus longtemps compte tenu de sa longue histoire. Ce sont tous deux des organes d’information essentiels à la vie démocratique quoiqu’en disent leurs détracteurs. Ils nous montrent la face cachée des hommes de pouvoir qu’ils soient politiques, financiers, chefs d’entreprises. Le cirage de pompes d’Aquilino Morel restera marqué dans les mémoires même si personne ne peut lui reprocher d’aimer les belles chaussures bien lustrées. A chacun sa névrose.La dernière exclusivité (dans le temps) du journal satirique nous apprend que Pierre Gattaz, le patron du MEDEF, l’homme qui voulait créer un SMIC « intermédiaire », le SMIC du pauvre encore plus pauvre, a augmenté son salaire de 33% en 2013 à la tête de l’entreprise qu’il dirige. Évidemment, les salariés de son entreprise n’ont pas eu droit à un tel honneur.
Pour sa défense, Pierre Gattaz invoque une croissance de la part variable de son salaire liée à la croissance de l’activité et du chiffre d’affaires. Pourquoi donc, les salariés ne bénéficieraient-ils pas de cette part variable ? Ne contribuent-ils pas également, par la force de leur travail, leur imagination, leur engagement professionnel, leur fidélité et leurs compétences au sein de l’entreprise, à cette part si appréciée des patrons ? Je connais des PME, respectables, qui partagent en trois tiers les résultats des bonnes années : un tiers pour les actionnaires, un tiers pour les salariés, un tiers pour les investissements, indispensables aujourd’hui pour progresser, conquérir des marchés et créer de nouveaux emplois.
Le problème de Pierre Gattaz c’est d’être dans la contradiction. Il n’est pas le seul dans ce cas. D’autres que lui en subissent les effets, dans le monde politique en particulier. Car il est impossible de donner du crédit à la proposition de SMIC au rabais « un comportement esclavagiste » dirait Mme Parisot, ancienne présidente du MEDEF, quand dans le même temps, on voit ses propres revenus croître à la vitesse grand V.
Qu’on me comprenne bien. Je ne remets pas en cause la qualité des chefs d’entreprises qui se font une haute idée de leur métier : prise de risque (financier souvent) innovation, recherche de clientèle, compétence, respect des hommes et des femmes, et finalement utilité sociale pour les produits qu’ils créent ou les services qu’ils rendent. Je n’y vois pas d’injustice à être « bien » rémunéré. Le hiatus vient du comportement ambigu, contradictoire avec leurs paroles, de la part des responsables d’organisations collectives ayant pignon sur rue. Leur discours devient inaudible, injuste, pour tout dire insincère. Gattaz en paiera le prix.