Son article dans L'Illustration du samedi 4 mai 1918 :
"Ça, c'est Reims qui brûle !"
Loti s'est installé à Avize auprès du quartier général de Franchet d'Esperey (GAN : Groupe d'Armées du Nord) d'où il voit les fumées de la ville de Reims bombardée (grande offensive de la dernière chance allemande depuis mars 18 avant celle du Freidensturm de juillet et la 2e bataille de la Marne...) voir, entre autres, le site Batman 2
D'Avize il va, le 25 avril en auto, "interviewer l’archevêque de Reims". On sait, par le journal du cardinal Luçon, que c'est à Hautvillers ; Loti a rédigé ses notes d'audience dans son propre journal, pp. 325-330 de la nouvelle édition de poche de "La Table Ronde" cf. nos articles précédents du 15 janvier 2014 (octobre 1914) et aussi du 1 février 2014 (août 1915)
1 - Loti à Avize en 1918 mais aussi en 1915-16
Il y arrive le dimanche 14 avril 1918, via la gare d'Épernay et Paris ; il vient de chez lui à Rochefort où il a passé Pâques (jeudi 11). Loti ne va pas bien. Grâce à Louis Barthou, à Clemenceau, etc.!... il a réussi à revenir aux Armées et au GAN, grâce à Franchet, cf. pp. 322-3. Il s'inquiète pour son fils Samuel et pour la "grande bataille de France". Mauvaise santé, angoisses et souvenirs : "l’affreux petit Avize par temps d'hiver", qui n'est ni Rochefort ni la côte basque. Mais il retrouve sa logeuse, son officier d'ordonnance, que son grade de colonel de la Marine lui autorise, et ses habitudes. Il connait bien Avize où il a séjourné longtemps en 1915-16, auprès du général de Castelnau, à partir du 21 octobre, dans "cette maison précédé d'un jardinet" p.120, où il avait passé la fête de la Toussaint avant de chercher Samuel sur le front de Champagne, pp. 126-7 et note 76 ; où en février 1916, le village subit une attaque d'un zeppelin "admirablement renseigné" qui a démoli, entre autres, la "maison du général"... réalité ou syndrome de la hantise d'espions allemands en pays du Champagne... Avec le "soleil de mars", 1916, Loti s'était habitué à Avize ; après son départ du Q.G., il y repasse même de retour de Rochefort, en mai, pour voir Madame Rollain et "mon cher petit chat". Il était en route vers son nouveau Q.G. à Bar-le-Duc où l'attend Pétain, qui n'a pas besoin de marins pour défendre Verdun et ça se passe mal entre eux. pp. 160-161 et note 88...
En 1918, il retrouve aussi ses promenades d'"autrefois sur la montagne" et le plateau de la propriété Vix-Bara.
Pour Loti, c'est un paysage du nord et du froid. Les mélèzes qu'il y a bien vus en 1915-16 et en 1918 sont toujours là, 100ans après ! : en allée, sur le plateau, au bord de la route d'Avize à Gionge et, juste en dessous, dans le parc de la famille Vix-Bara, récemment réaménagé par la commune et l'ONF. Les deux mélèzes du parc, et ceux de l'allée, sont datés par l' ONF en dendrochronologie (nombre de cercles de croissance annuelle) des années 1870 . Une hypothèse serait que Charles Vix, venu d'Alsace à Châlons-sur-Marne pour devenir négociant en champagne puis installé par mariage avec Pauline Bara à Avize ait fait réaliser un parc comme dans les Vosges et une sorte de grand chalet avec une belle vue sur le village et la plaine
Avize en 1887 (planche 6-7 des Vues Panoramiques des vignobles du Champange - 2 : Montagne d'Avize ; Edition originale de Bennedame à Epernay ; album de Ch. Sarrazin, à la BMR, cote RM 295-2). On devine le chalet Vix au sussus du village. Sur la photo (JJV mai 2014) : la route oblique, D. 19 , qui monte au-dessus du cimetière, "rue de la montagne" en sortant d'Avize ; dans l'épingle à cheveux avant d'arriver au plateau se trouve le point de vue vers la plaine et l'entrée d parc Vix rénové.
L'allée de mélèze de la D. 19, très hauts mais de faible diamètre du panneau ONF du parking. Le village vu du nouveau parc Vix. Sur la photo de droite in bordure suddes vignes : un des deux mélèzes qui a été daté de 1873. Merci à l'ONF Marne pour ces précisions. Le pont de vue depuis le parling supérieur du parc dans l'épingle : à gauche, la butte de Saran, au centre la zone industrielle et les tours de la verrerie de Oiry, avant la vallée de la Marne peu visible (mais falaise crayeuse de Mareuil) à l'horizon la Montagne de Reims jusqu'au rebord Est, à droite Trépail.
Deux cartes postales anciennes d'Avise : Le chalet Vix dont Loti ne dit rien et la "Grande rue" avec à gauche derrière les arbres, la maison où Pierre Loti passa 8mois en 1914-15 et en 1918 chez madame Rollain. Au centre, la maison aujourd'hui, à l'angle de la rue Gambetta à gauche et de la grande rue devenue Pasteur. Merci à la Mairie d'Avize et aux passants rencontrés début mai 2014.
En avril 1918, dans son journal ci-dessus, Loti ne note pas avoir vu Reims brûler quand il va "errer comme autrefois sur la montagne", ce qui est sûr, c'est que depuis la R.D. 19 montant au Parc Vix, la directeion de Reims est bien dans l'axe de la butte de Saran (petites images sur la photo de JJV. début mai 2014). Dans son journal, le 1er décembre 1915 (p. 137) Loti notait : "Même promenade... nos peaux de bêtes sur le dos, toujours sur cette même route de Reims (par Cramant) où le canon n'a pas de cesse, et où la bataille met l'horizon à feu"