Dans la cour, un rail d’antidépresseur

Publié le 24 avril 2014 par Rémy Boeringer @eltcherillo

Dans la cour se retrouve dans un ballet incessant tous les habitants d’un immeuble parisien. Un microcosme dont Pierre Salvadori, le réalisateur-scénariste, fait le théâtre d’un drame. Un drame qui se tisse, inéluctablement, aux travers de multiples rencontres.

Chanteur du groupe Maalox, Antoine (Gustave Kervern) quitte la scène en plein concert. On le retrouve, plus tard, dans une agence d’intérim, où on lui propose un poste de concierge. Après quelques hésitations, le gérant de l’immeuble, Serge (Féodor Atkine), convaincu par sa femme, Mathilde (Catherine Deneuve), décide de l’engager à l’essai.

Antoine (Gustave Kervern)

Dans la cour, se croisent, une ancienne gloire du football toxicomane (Pio Marmai), Antoine et Mathilde, retraités bénévoles dans une association et un syndicat, un vigile sans-abri, membre d’une secte, et le voisin typique, celui qu’on déteste parce que son seul but est de dénoncer, de veiller au grain au respect du règlement intérieur. Celui qui va râler pour les vélos, les poussettes, la musique et se plaindre constamment du travail du manutentionnaire chargé du ménage, dans les parties communes. Des personnalités différentes, donnant lieux à de rares moments comiques, au hasard des rencontres. Hormis ce copropriétaire désagréable, la troupe est plutôt de bonne composition. L’aveugle du troisième, à qui Mathilde lit le journal, jette toujours les immondes endives aux jambons qu’elle lui cuisine. Mais toujours discrètement, pour ne pas la froisser. « Assez de souffrance », dit-il. Stéphane, le toxicomane, vole des vélos, qu’il stocke et revend dans la cour. Malgré son air détaché, c’est en fait, un homme brisé. Antoine deviendra son ami, et accessoirement, son compagnon de shoot. C’est Antoine, justement, qui obtient le palmarès de la gentillesse. Un peu trop même. Il ne sait rien refuser. Mathilde, quant à elle, observe chaque nuit, une fissure qui s’étend dans son couloir. Et de cette fissure, vont ressurgir toutes ses angoisses. Et ce trou va devenir une obsession. Persuader que personne ne la comprend, elle va se lancer dans un combat perdu d’avance, contre toute raison, mobilisant le quartier contre le risque d’effondrement qu’elle ressent comme étant imminent. Au grand dam de Serge, Antoine va la conforter dans ses actions, en lui prêtant main forte, un peu malgré lui, à chaque occasion.

Antoine (Gustave Kervern) et Mathilde (Catherine Deneuve)

Dans la cour, c’est donc avant tout l’histoire d’une rencontre, propice, entre deux dépressifs, qui vont s’entraider. Le film n’est ni une franche comédie, ni un véritable drame. Ponctué de quelques trouvailles humoristiques, et animé d’une volonté certaine de répandre un peu de joie de vivre, Dans la cour failli malgré tout à cet objectif, la faute à une mise en scène qui traîne en longueur. C’est décevant, parce qu’en parallèle, les acteurs sont parfaits, Deneuve en vieille femme désabusée, et Kerven en ancien chanteur de rock sniffant ses anti-dépresseurs réduits en poudre, et foncièrement sympathique. Un rôle parfait pour ce transfuge du Groland. On devrait sortir de la salle légèrement enjoué par le message positif que le métrage véhicule, on sort malheureusement, un peu cafardeux. Peut-être parce que le film nous ramène à nous, nos peurs irraisonnées, et la médicalisation à tout rompre qui semble une impasse.

Rémy Boeringer

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