Après sa cuisante défaite des municipales, le Parti Socialiste se lance à l’assaut des européennes. Bien évidemment, dans un contexte de rejet de plus en plus profond du Président de la République, ces élections s’annoncent difficiles. Mais peut-être le pouvoir compte t-il sur le remaniement pour relancer un peu la machine et limiter les dégâts à ces européennes qui semblent plutôt compter pour le Parti Socialiste. Ce dernier a à cœur de mener une campagne centrée sur une conception plus poussée de la construction européenne. Mais n’est pas quelque peu à contre-courant de la montée de l’euroscepticisme ? La volonté de lutter contre les extrêmes peut-il être porteur et permettre au PS de se rattraper après les municipales ?
Carte d’identité du Parti
-Idéologies : Socialisme, social-démocratie. -Ralliement européen : Parti Socialiste Européen. -Slogan : « Choisir notre Europe ». -Derniers résultats aux européennes : 16,48 pour cent. 14 députés européens.
Déclarations et prises de position
Le Parti Socialiste a lancé sa campagne courant avril, avec notamment une présentation de son projet le jeudi 24 avril par Jean Christophe Cambadélis, actuel premier secrétaire du parti. La majorité et ses alliés souhaitent ainsi « réorienter l’Europe ». L’argumentaire du Parti Socialiste a surtout pour objectif de contrer un certain nombre de propositions partagées par les souverainistes et le Front National, notamment la sortie de l’euro, présentée comme un « scénario catastrophe ». Mais s’il n’est pas pour une sortie de la monnaie unique, le Parti socialiste reconnaît que cette monnaie est surévaluée pour les pays du sud et pour la France. C’est donc à la BCE que doit se décider une autre politique monétaire, plus expansionniste, à la manière du Japon et des Etats-Unis. Les socialistes évoquent aussi le traité sur le marché transatlantique et tentent de rassurer les plus sceptiques. Nous détaillerons et critiquerons ces propositions plus tard.
A l’aide de cet argumentaire, les socialistes espèrent un « coup de tonnerre progressiste » à ces élections. Cette formule optimiste n’est pas le seul ingrétiend des socialistes qui comptent bien aussi s’appuyer sur l’actuel président du Parlement Européen, Martin Schulz, le social-démocrate allemand qui souhaite une Europe fédérale et se présente pour devenir président de la Commission Européenne. Il s’agit sans doute de bien orienter l’élection vers l’Europe pour ne pas que les électeurs votent en fonction des débats nationaux, ce qui nuirait sans doute au Parti Socialiste. Et s’il souhaite que « les français ne se trompent pas de colère », Jean Christophe Cambadélis dénonce toutefois la politique d’austérité menée depuis 10 ans. Mais les parlementaires européens peuvent-ils réellement s’opposer aux différents plans d’austérité qui sont discutés avant tout entre la Commission et les Etats en difficulté ? Aussi, même si les élections orientent cette année le choix du président de la Commission, il ne faut pas oublier que les commissaires sont aussi choisis en fonction de négociations entre les Etats, qui n’ont pas tous la même majorité.
Venons en aux propositions du Parti socialiste pour ces élections. Pour les proposition, nous ferons une petite critique (positive ou négative) s’il y a lieu d’en faire une. Puis nous comparerons l’ensemble du projet à celui de 2009.
-A propos de la « concurrence sauvage », le PS a quelques propositions clefs. Il souhaite « Adopter un traité social européen garantissant à tous les salariés les droits du travail, la qualité des emplois, des rémunérations équitables, la protection sociale et le droit syndical ». C’est de l’ordre de la déclaration de principe mais cela ne mange pas de pain surtout pour des socialistes et sociaux-démocrates. Concernant le Grand Marché Transatlantique qui doit être négocié entre la Commission Européenne et les Etats-Unis, le PS veut « Garantir les intérêts économiques, stratégiques, sociaux et culturels de la France et de l'Europe dans les négociations commerciales entre Union européenne et les Etats-Unis. Mais en même temps, il faut bien dire que les députés européens socialistes ont été relativement peu clairs sur ce traité, puisqu’ils se sont abstenus lors du vote qui permettait à la Commission d’entamer les négociations. Ils ont cependant voté pour une exception culturelle (comme tous les autres députés français au Parlement Européen). Sur le même sujet du commerce international, le PS souhaite un « commerce mondial régulé » afin de conditionner l’accès au marché européen à certaines normes sociales et environnementales. Cette déclaration est cohérente avec l’orientation sociale du programme du PS mais ne comporte pas de proposition concrète. De même, si jamais le traité Transatlantique passe, qu’adviendra t-il de cette régulation ? A propos du dumping social, le Parti Socialiste observe que dans la pratique les travailleurs détachés connaissent pour beaucoup des conditions de travail difficiles. Leur amendement de 2006 n’aura donc pas suffit à adoucir complètement la Directive «Services » qui peine à être complètement appliquée. Le Parti Socialiste souhaite remédier à cela en imposant un SMIC dans l’ensemble des pays européens et il a le mérite d’être un peu plus précis que le Front de Gauche sur ce point puisqu’il propose un SMIC différent selon les pays mais d’au moins 60 pour cent du salaire médian européen. A propos de l’industrie en difficulté (notamment la sidérurgie), le Parti Socialiste souhaite mettre en place une politique européenne pour l’industrie qui vise à aider les entreprises à « Rénover et renforcer les industries traditionnelles, et notamment la sidérurgie », un peu comme le souhaitent les centristes.
-Concernant la fiscalité, les finances et l’euro, le Parti Socialiste adopte des propositions résolument européistes. Cela passe d’abord par l’augmentation du budget européen : « Doter l'Union européenne d'un budget digne de ce nom et développer de nouveaux modes de financement : Taxe sur les transactions financières, Taxe carbone aux frontières,... » L’objectif est de passer à 960 milliards d’euros pour la période allant de 2014 à 2020 afin d’investir dans la recherche, les PME, l’emploi jeune et le projet Erasmus. A propos de fiscalité, le PS souhaite aussi « Faire payer les impôts des entreprises dans le pays dans lequel elles exercent leurs activités » par une action coordonnées entre les Etats européens et par la fin du secret bancaire. Face à l’euro, le Parti Socialiste pense qu’il faut « Réviser la politique monétaire de l'Union pour soutenir la compétitivité de l'Europe et de ses entreprises » qui est surévalué. Il refuse toutefois de sortir de l’euro. Pour éviter les problèmes inhérents à l’euro, il s’agirait donc d’instaurer un « gouvernement économique de la zone euro » en plus du MES qui collecte de l’argent en cas de difficulté. Cependant, comme pour l’euro, la limite est que les pays n’ont pas forcément les mêmes intérêts économiques. Cela implique aussi une solidarité entre les pays et ce n’est pas certain que les pays d’Europe du Nord veuillent payer sans cesse. Pour en finir sur cette question de l’euro, le PS souhaite aussi « Réviser le pacte de stabilité pour donner la priorité à la croissance, la relance et l'emploi » : c’est un peu la même rengaine que lors de l’adoption à l’Assemblée Nationale, sauf que cette fois-ci ce pacte est bel et bien passé. Est-ce bien réaliste de vouloir revenir dessus depuis le Parlement Européen qui n’a pas l’initiative des lois ? De même, le Pacte de stabilité n’est pas le seul à contenir des règles comme celle du déficit à moins de 3 pour cent du PIB par an. Ces objectifs existent depuis le Traité de Maastricht qui n’est pas renié par le PS évidemment. Aussi, il faut rappeler que d’autres mesures strictes à l’égard des Etats et leurs finances furent approuvées par les socialistes européens.
-A propos des institutions européennes, le PS propose tout d’abord de faire revenir l’Europe à certains sujets essentiels : « Légiférer en priorité sur les priorités sociales et économiques des citoyens plutôt que sur le volume des chasses d'eau et la taille des concombres ou des interrupteurs ». Une proposition qui se retrouve aussi bien chez les centristes qu’à l’UMP et qui montre qu’enfin on prend conscience que l’UE est légèrement technocratique et bureaucratique… Les socialistes proposent aussi plus de démocratie, en renforçant le Parlement Européen (en le dotant de l’initiative législative), la Commission, et en modifiant la majorité dans le Conseil des chefs d’Etat (en passant de l’unanimité à la majorité qualifiée). Cette dernière proposition est tout de même fâcheuse si l’on veut que la France ait encore son mot entier à dire. En terme de diplomatie et de relations extérieures, le PS souhaite que l’Europe parle d’une seule voix (ce qui est un peu utopique) et mettre en place une Europe de la Défense, en créant un pilier européen de l’OTAN. Quand on sait que sur l’Ukraine et les sanctions économiques contre la Russie, l’UE avait du mal à s’accorder, on peine à voir comment on pourrait avoir une politique diplomatique unique. De même, rappelons que sur certaines affaires comme la guerre en Irak, l’UE était assez divisée aussi. On peut également se demander si l’Europe de la Défense ne devrait-elle pas être plus indépendante de l’OTAN si elle doit voir le jour. Concernant la politique extérieure et d’immigration, il s’agit pour le PS de coopérer avec le Maghreb et l’Afrique pour le co-développement. Cette proposition pourrait être plus concrète et chiffrée et mentionner également l’Union Pour la Méditerranée.
-Concernant l’environnement et l’agriculture, le Parti Socialiste propose d’abord de réformer la PAC pour « Rompre avec le modèle de l'agriculture intensive, favoriser l'agriculture agro-écologique et bio et préserver l'autonomie alimentaire de l'Europe ». Les socialistes veulent aussi « Investir et généraliser les énergies renouvelables et s'inspirer des régions d'outre–mer qui ont pour objectif de tendre vers le 100% d'énergies propres en 2050 », entre autres propositions.
On le voit donc, ce projet est classique pour un Parti Socialiste européiste et qui se soucie des questions sociale, économique et écologique. Le but est de lutter contre l’euroscepticisme en vogue et l’extrémisme par une Europe des résultats (une proposition met en valeur cette lutte contre l’extrémisme). En quelque sorte, le FN est aussi le principal adversaire du PS, comme on l’a dit pour l’UMP mais la stratégie du PS est différente. En effet, pour l’UMP il s’agit de reprendre certaines idées du FN pour lui aspirer des voix et le faire baisser alors que pour le PS il s’agit de lutter sur le plan des idées et mettre en valeur l’Europe.
Voyons maintenant comment le projet a évolué depuis 2009. On voit d’abord que la volonté d’investir et de doter l’Europe de fonds pour relancer de manière keynesienne est une constante puisque le PS l’affichait déjà aux dernières européennes. Cependant, il comptait le faire par la Banque Européenne d’Investissement alors qu’ici il parle d’un budget européen augmenté (ce que le PSE voulait en 2009 mais pas le PS). Concernant le volet social, on peut dire que l’harmonisation sociale existait aussi, tout comme la volonté de faire respecter l’égalité des droits entre hommes et femmes. La formule de « juste échange » existait aussi déjà. En revanche, en 2009, le PS souhaitait un non alignement par rapport à l’OTAN alors que maintenant il s’agit de faire émerger un pilier européen de l’OTAN. En revanche, à propos de l’euro et d’économie, les propositions de 2014 sont plutôt nouvelles et arrivent du fait d’un contexte. Le gouvernement économique de la zone euro n’était pas évoqué, tout comme la volonté d’une autre politique monétaire de la part de la BCE. Certes la crise est passée par là, mais en 2009, l’euro était déjà fort et certains hommes politiques dénonçaient déjà la monnaie unique. Aussi, ce qui est commun entre les projets de 2009 et de 2014 peut faire penser à une impuissance des socialistes européens. C’est sans doute parce que les socialistes n’étaient pas majoritaires entre 2009 et 2014, mais aussi parce que le parlement n’a pas l’initiative des lois.
Conclusion
A la peine dans les sondages (19 pour cent à ce jour), le Parti Socialiste fait néanmoins campagne et tente de limiter la casse. Leur projet est assez cohérent avec les idées défendues : l’Europe sociale. Cependant, on peut aussi faire le constat que la direction de l’Europe n’est pas celle d’une Europe sociale. Le PS défend aussi une Europe plus fédérale à rebours d’un euroscepticisme de plus en plus important en France, ce qui peut aussi lui nuire. On peut voir que le PS partage aussi certaines idées avec le Front de Gauche, notamment sur la politique monétaire de l’euro. Même si le PS paraît en mauvaise posture, il ne faut pas oublier qu’il n’a plus grand-chose à perdre : en effet, il peut difficilement faire un plus mauvais score qu’en 2009 où il avait enregistré moins de 17 pour cent avec seulement 14 députés. Il est probable que la défaite du PS soit donc tempérée par une progression du nombre de députés.
Sources
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Vin DEX