Mise en scène : Hideki Noda
Texte : Hideki Noda et Colin TeevanD’après le texte de : Yasutaka Tsutsui
Avec :
Hideki Noda Ido
Petra Massey Femme d’OgoroGlyn Pritchard Ogoro
David Charles Dododyama
Ecrivain, acteur, metteur en scène et directeur du Metropolitan Theatre de Tokyo, Hideki Noda nous dévoile un théâtre d’action où les scènes se succèdent à un rythme haletant et nous plonge dans la psychologie de personnages pris au piège de leur propre logique.
En rentrant à son domicile après une journée de travail, Ido, un homme d’affaires japonais, découvre que son épouse et son fils ont été pris en otage. L’homme qui les retient s’appelle Ogoro. Il vient de s’évader de prison. En apparence, les revendications d’Ogoro n’ont rien d’excessif. Il souhaite juste revoir sa femme et son fils. Sauf que, comme les policiers l’expliquent à Ido, l’épouse d’Ogoro refuse catégoriquement de répondre à sa demande.Pour Hideki Noda, auteur et metteur en scène de ce spectacle, ce point de départ en forme de fait divers n’est que le début d’un engrenage infernal. Ecrit avec Colin Teevan dans la foulée des attentats du 11 Septembre à New York, THE BEE évoque l’escalade de la violence qui a suivi la destruction des tours du World Trade Center. Le thème principal de la pièce s’articule autour de la notion de représailles. En effet, après avoir essayé en vain de la convaincre, Ido prend à son tour la femme d’Ogoro et leur fils en otage. Comme dans le cas du 11-Septembre, la violence engendre la violence dans une réaction en chaine qui semble ne jamais devoir prendre fin. Basé à Tokyo où il dirige le Tokyo Metropolitan Theatre,
Hideki Noda s’est notamment fait connaitre par ses adaptations modernes de kabuki. C’est la première fois qu’il est accueilli sur une scène française.
Hugues Le Tanneur
A chaque fois que nous répétons la même erreur, nous en rions en disant : « Eh bien, faut croire que je suis comme ça. » Mais quand il s’agit de quelqu’un d’autre, nous nous hérissons : « mais pourquoi donc n’arrêtent-ils pas de faire ça ? »
Quelles créatures attentionnées sommes-nous vis à vis de nous-mêmes… et à l’inverse, combien intraitables sommes-nous envers les autres au fil de notre vie.Je suis presque sûr que les professeurs des écoles primaires du monde entier disent à leurs élèves de « traiter les autres avec respect et compassion. » Je suis aussi presque sûr que dans ces moments-là, tous les enfants à travers le monde se disent en baillant : « Lâchez-nous, on sait, on sait ça. » Or, en grandissant, il s’avère qu’ils ne le savent pas et vivent en réalité leur vie selon un autre principe : « Gentillesse avec soi, mais pas avec les autres. » Si on comptait les fois dans l’année où la phrase « sois gentil avec les autres » (ou d’autres expressions semblables comme « ne frappe pas ») est prononcée dans les écoles primaires du monde, et qu’on la représentait chaque fois par un paquet de cigarettes, les empilant au fur et à mesure, ils atteindraient sans doute la lune (oublions un instant la légitimité d’introduire ici un paquet de cigarettes).
De même, si l’on considère le nombre de disputes conjugales qui ont lieu dans le monde tous les jours. Elles ne représentent guère la mise en pratique de la notion de gentillesse envers autrui. C’est ce manque de considération envers les autres, tel qu’il existe entre mari et femme, qui donne lieu à des expressions comme « va mourir » ou, dans une autre veine, « mais réponds-moi bon sang ! » Comptez un paquet de cigarettes chaque fois qu’un tel échange survient dans un couple, et vous vous retrouvez fissa sur la lune (non pas que la métaphore du paquet de cigarettes soit d’un grand secours ici).
Ce trait de caractère humain habituel – la gentillesse envers soi et l’incapacité à en témoigner aussi à autrui – n’a à mon sens pas changé depuis l’apparition de la religion dans le monde. De fait, s’il était si facile d’être gentil avec les autres, nous n’aurions pas besoin de religion au départ. Et il en va de même pour la philosophie, le droit, le conseil et les organisations à but non lucratif. Il vaut sans doute mieux pour nous que nous vivions selon le principe que nous avons une incapacité innée à traiter les autres comme nousmêmes.
D'ailleurs, nous serions peut-être plus bienveillants envers les autres si nous acceptions ce principe comme notre vraie nature. Au minimum, nous pourrions peut-être cesser de n’être gentil qu’avec nous-mêmes.
Après avoir dit cela sur la bonté humaine, vous devez vous imaginer que THE BEE, que vous vous apprêtez à voir, est un baume de gentillesse. Mais cette pièce traite de la violence des humains. Elle n’est en apparence pas liée à la bonté humaine.
C’est cet événement qui secoua le monde il y a plus de 10 ans, et l’engrenage incessant de violence qu’il a engendré, qui m’a poussé à écrire cette pièce. La violence et la gentillesse envers soi-même sont intimement liées. La bonté envers soi qui surgit lorsqu'on essaie de comprendre pourquoi nous avons été projetés dans un océan de chagrin se transforme en une intolérance qui nous empêche de comprendre les autres, avant de se transformer à son tour en violence. La bonté envers soi, lorsqu’elle est entachée de chagrin, se mue
littéralement en une violence qui nous assaille.
C’est pour exprimer ce sentiment que j’ai introduit la métaphore des paquets de cigarettes s’élevant jusqu'à la lune. C’est cela qui constitue l’art contemporain. C’est cela qui constitue la malveillance envers autrui. Mais au lieu d’empiler des paquets de cigarettes, j’ai écrit cette pièce. C’est ainsi qu’elle a vu le jour. Vous avez ma parole.
Quand vous aurez vu THE BEE, vous n’éprouverez ni réconfort ni désir ardent d’être bon. Néanmoins, je soupçonne que vous n’aurez pas non plus l’envie pressante d’être violent.
Grand Foyer
Du 13 au 17 mai 201419h Mardi 13, Mercredi 14, Jeudi 15, Vendredi 16,
15H30 Samedi 17
Durée 1h15
Spectacle en anglais surtitré
Renseignements : 01 53 65 30 00 / internet : www.theatre-chaillot.fr
Tarifs : 33 € plein tarif, 25 € tarif réduit, 11 € et 13 € tarifs jeunes
Sources : théâtre Chaillot et maison de la culture du Japon