Désireux de savoir ce qui se cachait réellement derrière l’expo « Tatoueurs, Tatoués » dont les médias, les amoureux du tatouage et les mouches gravitant autour de l’univers ont fait un foin au cours des semaines passées, Union Street figurait hier parmi les invités de l’exposition se déroulant au Musée du Quai Branly, de mai à octobre de l’année prochaine.
Comme nous, vous avez pu observer la sphère Internet et la presse s’affoler à l’annonce de l’entrée du tatouage au Musée. Cette semaine, les Inrocks y allaient même de leur grain de sel, brassant de l’air à qui mieux mieux, avec leur Une racoleuse et l’article « T’as tout pour être heureux » : wah, qu’ils sont vraiment trop forts chez les Inrocks pour les jeux de mots…
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« Tatoueurs, tatoués »
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Alors, derrière la simple démocratisation du tatouage, le retour des tattoos home-made et tout autre fait abordé d’une manière pseudo socio-poilo-mon zob, que se mijotait-il vraiment dans les halles sombres du Quai Branly ? Que nous réservaient Tin-tin, maître à penser de l’expo et Anne et Julien, fondateurs de la revue HEY ! Modern Art and Pop Culture, transformés en commissaires pour l’occaz ?
En mon fort intérieur, j’étais bercée par l’espoir d’en apprendre davantage, de lire et de découvrir autre chose que les pensées communes égrainées comme des idées lumineuses : « Du bagne, au musée » et autre évolution de la consommation du tatouage…
Surprise, le musée du Quai Branly semble avoir conservé l’intégrité et l’exhaustivité qu’on lui connaît. L’exposition, finement pensée, a en effet été organisée comme un parcours : impossible de sauter une case, comme à IKEA, on se trouve obligés d’avancer, pas à pas, confrontés aux infos et photos éparpillées ça et là. D’abord, au sein d’un parcours historique : du tatouage ramené des colons, véhiculé par l’échange, en passant par le tatouage ethnique, les freakshow et autres sideshow (au cours desquels les tatoués de l’époque côtoyaient les femmes à barbe, homme tronc et autre bizarreries). On lit les écrits de Jerry Collins, qui fit de l’argent la monnaie d’échange d’une prestation non plus artisanale. On comprend alors, si l’idée n’avait malheureusement pas été intégrée plus tôt, que le tatouage est art en perpétuel mouvement.
On poursuit sa route, pour découvrir le tatouage sous toutes ses coutures et ce, pour chaque culture. A chaque continent son approche, à chaque ethnie ses codes. Les découvertes sont ici nombreuses (et on les attendait). Le spectateur pourra ainsi apprendre, parmi le flot d’informations riches, qu’en Thaïlande, chaque tatouage a pour mission : d’éviter la maladie, de renforcer la vigueur… L’expérience est intense et chaque tatoueur profèrera d’ailleurs une incantation, une « formule magique » pour révéler la puissance du tatouage attribué.
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« Le tatouage, un art en perpétuel mouvement »
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Au Japon, le maître enseignera son art à son élève, ce dernier reprenant ainsi son nom, au Nouveau-Mexique, le tatouage est synonyme d’appartenance. Samoa, Europe, Nouvelle-Zélande, chaque pratique est abordée et à approfondir, bien sûr.
Pour expliquer leur art aux journalistes venus en masse, ce sont Jondix, Filip Lepeu, Gao Bin, Tin-Tin et d’autres, qui répondaient, las ou sarcastiques aux caméras et journaleux incultes au micro. Les questions, souvent répétées, type « Euh, alors, c’est quoi le tatouage qu’on vous demande le plus souvent ? » eurent le mérite d’en amuser certains. Malgré la démocratisation du tatouage, dont on nous rabat les esgourdes, le tatouage avec un grand T, pensé comme un art, comme une façon d’être et de penser, demeure, semble-t-il, encore incompris. Aurait-on demandé à Michel Ange, transformé un en vulgaire prestataire, quelle était sa toile la plus vendue ? « Hey Dédé, c’est quoi le sac que tu refourgues le plus ? »
A ce jour, le tatouage est certes rentré au Musée, mais c’est à la porte de celui-ci que certains devraient rester.
Infos et billetterie sur le site Musée du Quai Branly.
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