Y a plus de saisons !

Publié le 17 mai 2008 par Jlhuss
Ô Saisons ! Ô couleurs du temps qui passe !Il m’aura fallu subir deux ans l’immobile été sans surprise des Tropiques pour comprendre la saveur d’une bonne chute de neige, d’une bonne semaine de pluie, d’un bon temps de chien ! (Ceux qui me connaissent savent que j’ai toujours bien aimé la pluie, mais le lyrisme exalté s’accommode mal de la nuance de la réalité…)
Sans saisons, que dire à ceux à qui l’on n’a rien à dire ? (« Beau temps, ce matin ! – Tout comme hier ! – Et avant-hier… – Voui voui voui… – Bon, ben, bonne journée, alors ! »)
Sans saisons, on ne peut plus s’exclamer avec indignation qu’il n’y en a plus, des saisons, justement ! (« Il a gelé cette nuit ! Et mes pétunias qui commençaient à poindre… Ah la la, y a plus d’saisons ma bonne dame ! »)
Sans saisons, une question de moins pour les amoureux tout neufs (« Et toi, c’est quoi ta saison préférée ? » – avec des gazouillis dans la voix…)
Sans saisons, on mélange les événements, les souvenirs, les dates (« Mais si ! C’était en novembre, je te dis ! même que ta mère avait son horrible parka rouille à poils longs ! – Tu laisses ma mère en dehors de ça ! »)
Et les collections des couturiers ? Et le suspense en ouvrant les volets le matin ? L’énigmatique beauté du paysage, sans cesse renouvelée par la météo changeante ? (Le jardin sous la pluie. Le jardin sous la bruine, le jardin sous le crachin, sous le brouillard, sous l’averse, sous l’orage, …)
Moi, je pense qu’Eve a fait exprès de croquer dans la pomme pour déchaîner la foudre. Il n’y avait pas du tout de serpent, non non, juste le ras-le-bol de savoir à l’avance que le lendemain on mettrait encore un débardeur et des tongs ! Au maximum !
Temps suspendu, éternel été, le paradis a la constance monotone d’une carte postale figée, d’une salle d’attente remplie de palmiers. Un genre de purgatoire en somme.
On m’objectera que j’exagère, que la Réunion connaît deux saisons, quand même ! Certes : on alterne entre chaud et plus chaud, humide et plus humide. Entre vert et plus vert. Entre coucher de soleil à 18h00 et coucher de soleil à 19h15. À 24°, on ressort les couettes et les pulls. Personnellement, je mets un point d’honneur à choper une bonne crève au début de « l’hiver »… Mais bon, quand je raconte aux élèves que « la légende de Perséphone explique nos quatre saisons », il faut que je commence par dire ce que j’entends par « nos » et par « saisons »…
On me dira encore que ça n’est pas très sympa de se plaindre de l’été aux pauvres métropolitains qui en voudraient bien, eux, du soleil ! Vous remarquerez que j’ai attendu que le mois de mai vous baigne de ses doux rayons pour livrer cette note rédigée en décembre. Et que tout ceci n’engage que moi : Laurent n’est pas du tout d’accord, lui, il plane, il ne sait même pas comment il a pu vivre autrement…  
Quant à moi, tout heureuse d’avoir enfin mes billets d’avion pour juillet-août, je croise les doigts pour qu’on ait un été bien pourri, histoire que je fasse le plein d’intempéries avant de regagner mes cieux trop cléments… 
(Lod)