Une fois que vous êtes allés voir le second film de Marc Webb, il ne vous reste plus qu'une seule chose à faire : jeter la trilogie de Sam Raimi à la poubelle, à jamais tombée dans l'oubli irréparable des choses surannées, d'un autre temps. Allez, je plaisante et je provoque volontairement. N'en faîtes rien! C'est juste que ce "Destin d'un héros" place la barre si haut, pour quiconque souhaite s'attaquer à la légende du Tisseur au cinéma, que le reste n'en semble que plus anecdotique. La réussite de Webb (au patronyme prédestiné) c'est d'avoir servi sur un plateau un héros de notre temps, un jeune homme crédible dans ses attitudes, ses passions, ses préoccupations, sans avoir craché pour autant sur les caractéristiques reconnues de Spider-Man. Ce film ultra dynamique et ciselé à merveille pour deux heures de grand spectacle décomplexé reste finalement fidèle à ce que nous savons et aimons de Peter Parker. De sa vie sociale (Harry Osborn) et amoureuse (merveilleuse Gwen Stacy), ou encore familiale (la Tante May de Webb est fort heureusement traitée autrement que comme la momie maladive de Lee et Ditko) et professionnelle (quelques photos de ci de là au Bugle pour survivre), le lecteur habituel du comic-book est en terrain connu, et apprécié. Y compris dans la galerie des vilains. Electro en électricien de couleur, fan du Tisseur et pièce rapporté dans la tapisserie sociale, ce n'était pas gagné, et pourtant ses agissements et sa colère sont justifiées et élucidées, avec en prime des effets spéciaux crédibles qui en font une menace redoutable. Le Green Goblin aussi est un bon point : en abandonnant l'idée de costumes bariolées et improbables, au profit d'armures high-tech plus dans l'air du temps, ce film surfe sur les attentes et les repères des nouvelles générations, qui sont en terrain connu, voire conquis.
Pour le pitch du film, je ne me fatiguerai guère et ne ferai que citer ce que d'autres ont déjà résumé avant moi. Ce n’est un secret pour personne que le combat le plus rude de Spider-Man est celui qu’il mène contre lui-même en tentant de concilier la vie quotidienne de Peter Parker et les lourdes responsabilités de Spider-Man. Mais Peter Parker va se rendre compte qu’il fait face à un conflit de bien plus grande ampleur. Être Spider-Man, quoi de plus grisant ? Peter Parker trouve son bonheur entre sa vie de héros, bondissant d’un gratte-ciel à l’autre, et les doux moments passés aux côté de Gwen. Mais être Spider-Man a un prix : il est le seul à pouvoir protéger ses concitoyens new-yorkais des abominables méchants qui menacent la ville. Face à Electro, Peter devra affronter un ennemi nettement plus puissant que lui. Au retour de son vieil ami Harry Osborn, il se rend compte que tous ses ennemis ont un point commun : OsCorp. Ce résumé est pertinent car il divise bien les deux axes du film. Le fun, l'humour, la décomplexion d'un jeune héros qui aime ce qu'il est devenu, qui parvient à transformer sa condition d'outsider en super-héros moderne et jouissif, dont le sens des responsabilités ronge les instants de bonheur qui lui échoient régulièrement. Et le grand spectacle, l'action pure, le super-héroïsme en 3D, avec Electro, le Green Goblin, et quelques clins d'oeils sympathiques à destination de la fanbase hardcore des comics (le Rhino pour un final gentillet). Si on veut trouver des défauts à ce film, ce sera peut être du coté des scènes tire-larmes, de cette incapacité du cinéma américain à extraire de ses pellicules grands publics autre choses que ces situations imbibées d'oignon où les bons sentiments dégoulinent comme un excès de confiture d'une grosse tartine trop molle. En guise d'exemple, le discours de Gwen Stacy lors de la remise de diplôme, d'une fadeur et d'une lourdeur sans égales, reprise avec de gros sabots après sa mort, sous forme de vidéos hommages tournant en boucle sur le disque dur de Peter Parker. Comme si la production avait peur d'avoir à faire à un public insensible, elle sort l'artillerie lourde et plante des mines disproportionnée pour vous vendre son lot de kleenex. On peut aussi tiquer sur deux trois moments un peu too much et hautement improbables (Parker dans le métro qui découvre une rame abandonnée, dans laquelle il va trouver d'un coup d'un seul toutes les réponses à ses questions, comme par hasard...). Mais je ne suis pas parvenu à conclure ce rapide billet autrement qu'en vous engageant, si ce n'est déjà fait, à aller voir ce nouveau Spider-Man au cinéma. Nos fantasmes de lecteurs geeks se réalisent les uns après les autres sur grand écran, recréant un univers partagé qui se libère du carcan des comic-books, et happe dans ses filets des milions de spectateurs. A défaut d'assurer l'avenir du support papier, ce phénomène pourrait bien crédibiliser et démocratiser notre passion commune, qui n'est plus le fait d'handicapés sociaux ou de binoclards retardés. Lire des comics ça n'a jamais été aussi cool et moderne. Avec Marc Webb et ce Destin d'un héros, ça ne va pas s'arrêter de si tôt. Thanks!