Ça m'arrive en effet de perdre mon sang-froid, d'avoir la cervelle tronçonnée par trop d'humains superflus que l'alternative est simple : c'est lui, ou moi au bout d'une corde. Et évidemment, vu que je suis mieux placée que n'importe qui pour juger de la valeur de ma vie, le calcul est vite fait. Mais au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, outre que c'est assez difficile de se trimballer avec des outils de western dans un sac à main de taille, disons raisonnable, c'est aussi assez difficile de régler leur sort à tous ces gens en trop. « En trop », ouais, j'ose carrément le mot, mec, je suis sur mon blog tiens grande nouvelle, et je t'emmerde aussi si tu t'offusques, tu pourras toujours me laisser un petit commentaire qui fera grimper mon niveau de testostérone. Have fun.
Nous sommes dans des sociétés pacifiées les petits, on peut très bien se promener en treillis et jouer à la guerre sur sa Xbox, on vit les frigos pleins et l'idée lointaine de crever d'un cancer à soixante ans, pour les plus malchanceux. Pour les débiles mentaux, il y a toujours le retour de boîte le samedi soir. Et vous me direz certainement qu'il n'y a pas plus eugéniste qu'une rangée de platanes, et vous aurez raison. Nadine Morano, là, à ce moment précis, elle me dirait : fillette, vous perdez le sens de la mesure et confondez réel et virtuel, c'est très grave, vous avez besoin d'aide. Laissez-moi vous aider. Nadine, comme l'autre, je t'emmerde. S'il te plaît, laisse moi un commentaire aussi ça augmentera mon pagerank. Take two – parce que mettre des trucs en anglais, ça distancie en même temps que ça défoule au carré, carrément rentable comme concept.
Donc le nain éructeur, ça ne lui plaît pas que Darina al Joundi déverse sa vie sur scène, il dit qu'elle en fait trop, même de loin ses petits bras qui se lèvent, et le cercle des commentateurs qui rient me donnent bien plus la nausée et le vertige que la nicotine, le ventre à jeun et le récit d'une liberté payée à coup de barbelés dans le dos. Il ose le mot « misérabilisme », il a dû le voir dans un journal gratuit, ou, cessons d'être hautaine et méprisante, dans un livre relié avec de la vraie encre sur des pages qui se tournent sans faire semblant. Le nain est lettré « il a passé trois au Liban il a même travaillé pour Madame... » (suit un nom bien arabe qui fait authentique, comme les pignons dans le thé à la menthe) et il ne fait que donner son avis, il a le droit quand même, de même qu'à peine le dernier applaudissement étouffé il a le droit de lancer de son souffle sec et porteur « je me suis trop fait chier », d'un ton bien trop peu intime pour s'adresser uniquement à la personne vers laquelle il se destinait. (Reminder : lancer une étude sur la corrélation entre la petite taille et les décibels vocaux, mais vu que je suis naine et que j'articule aussi peu que ma voix porte, penser aussi à m'exclure de l'étude ainsi lancée). Nan mais, oh, merde, on est en démocratie !
Je ne sais pas si ma colère passera. Ce dont je suis sûre (à peu près, disons), c'est qu'une femme sera encore pour longtemps jugée impudique, misérabiliste, hystérique, sans recul à en faire trop, et autres attributs des choses à laisser à leur place qui ont malgré tout parfois l'impudence de sauter les clous, tant qu'elle voudra dire la vérité, le réel, les hommes qui frappent, les familles qui enferment pour le bien de la société, les religions qui brisent les genoux, les punitions qu'on mérite. Une femme qui danse en montrant ses seins est un danger public, tiens la, la salope, elle qui a manqué tous ses devoirs, à commencer par décrire toute la complexité politique d'un pays que je connais bien pour y avoir travaillé trois ans – au service de Madame l'Arabe.
Les mains de Darina frappant le sol « ils défoncent la porte papa » résonneront encore, que l'image du nain et l'odeur de sa carence de salive auront depuis longtemps quitté ces quelques neurones réfractaires à la loi de ma mémoire huileuse.