Dans cette fin d’après-midi du 14 avril, lorsque le groupe d’hommes portant des uniformes militaires surgit dans le dortoir d’un lycée du Borno (région dont sont originaires les jeunes filles), les lycéennes les ont suivies avec confiance pensant avoir affaire avec des forces militaires républicaines dont les facéties sont habituelles. Lorsque la supercherie sera découverte, il sera trop tard et si une quarantaine d’entre elles a réussi à tromper la vigilance des terroristes, il reste plus de 200 enfants de 12 à 17 ans aux mains d’une des sectes criminelles les plus fanatisées du monde.
Pendant que le monde entier se mobilise pour libérer les 223 lycéennes nigérianes retenues par nigérianes par les groupes islamistes de Boko Haram, les Etats africains révèlent leur incapacité à assurer la sécurité de leurs ressortissants et les chefs religieux musulmans gardent un mutisme et une indifférence de plus en plus coupables.
L’angoisse et la terreur grandissantes des familles et les manifestations au Nigéria et aux USA n’y font rien. Le président nigérian Goodluck Jonathan se contentant d’indiquer que son pays espérait le soutien de Barck Obama et des pays européens tout en promettant maladroitement « que les jeunes filles, où qu’elles se trouvent, seront sûrement libérées…».
Première économie du continent, pays le plus riche et le plus peuplé, l’Etat nigérian expose à la face du monde son incapacité à assurer la sécurité de sa population depuis plus de quinze jours.
Ailleurs en Afrique le silence et l’indifférence règnent. Que 223 jeunes adolescentes soient arrachées à leurs familles et promises à un sort aussi incertain que violent, ne semble pas émouvoir une classe politique et une opinion largement démissionnaires face aux menaces sécuritaires que font peser les groupes intégristes. Aucune manifestation d’envergure depuis ces quinze longues journées, ni au Sénégal, ni en Cote d’Ivoire, ni nulle part ailleurs dans les pays limitrophes. Aucune grande déclaration d’un chef d’Etat ou d’un guide religieux condamnant cette instrumentalisation abusive, violente et contre-productive de l’Islam. Aucun sommet exceptionnel réuni pour dénoncer, prendre des mesures fermes et soutenir le peuple nigérian dans sa peine.
Et l’horreur de la situation continue de frapper des nigérians et une opinion internationale dont l’émotion va de pair avec les révélations sur l’utilisation attestée de jeunes adolescentes comme « épouses » pour les groupes armés de Boko Haram, secte qui s’est transformée en groupe plus mafieux que religieux à partir des années 2009 et veut créer un État pseudo-islamique au nord-est du Nigeria, est responsable de plusieurs milliers de morts par attentats dans le pays, dont 1 500 depuis janvier 2014.
Face à la corruption des élites et dirigeants africains dont la légitimité est de plus en plus contestée, les groupes mafio-religieux pullulent, recrutent et se radicalisent dans des pays aussi riches comme le Nigéria. L’incapacité des Etats africains, même les plus puissants, à assurer la sécurité de leurs populations et le silence assourdissant et coupable des chefs religieux musulmans africains absents du combat contre l’intégrisme islamiste exposent le continent aux soubresauts réguliers d’une violence terroriste devenue endémique.
Oserait-on réver d’une démission de Goodluck Jonathan comme vient de le faire le premier ministre de la Corée Sud ?
Karfa Sira Diallo