PARIS, par Charles-Éric Perrin Gimet
Avec déjà plus de 100 représentations depuis la création du show par le strasbourgeois, Manfred T. Mugler, nous sommes forcés de constater que le "Paris culturel" devra dorénavant s'adapter et se penser différemment après Les Mugler Follies.
Non plus seulement un cabaret, non pas juste un cirque ni même un opéra, le théâtre Le Comédia dans le 10e arrondissement, célèbre pour son histoire agitée, se trouve être à nouveau le berceau d’une tout autre définition de la revue parisienne.
Pour les grands amateurs du genre certaines choses peuvent surprendre, et c’est le moins que l’on puisse dire… En effet, nous sommes loin des musiques ou chansons d’antan qui arrivent parfois à rendre ridicules les scènes de certains célèbres - et parfois dépassés - cabarets parisiens. Au Mugler, on a de l’extravaguant mais pas de ridicule, on assiste à de l’extra-ordinaire sans pour autant s'en moquer.
Ces corps au service de l’originalité
« Les autres cabarets font dans la facilité, pour le business… sans le moindre risque, avec des filles formatées et interchangeables… ». C’est clair, T. Mugler déclare la guerre au Lido, Moulin Rouge et autre French Cancan… enfin presque.
Ici, on plonge dans l’univers déjanté d’un homme dont le métier est de créer, à l’écart, sans pareil « pour montrer et faire partager une vision du monde, un monde joyeux et merveilleux » où se mêle à l’érotisme des corps, l’esprit d’un grand couturier.
Pourtant, et malgré tout ce qu’on peut dire sur le décalage entre Les Mugler Follies et les autres cabarets parisiens, on garde tout de même, précieusement, ces codes qui ont fait le genre.
La volonté d’intégrer un fil rouge à travers Angelina - ingénue rêvant de devenir funambule - est intéressante et nouvelle, offrant à voir un spectacle à part entière. Pourtant, son histoire s’efface trop rapidement au profit d’une succession de tableaux et d’un enchainement d’artistes et de disciplines : acrobates, transformiste, ventriloque, cantatrice et danseurs… Un système propre au cabaret, certes, mais qui n’enlève rien à l’originalité et au professionnalisme de chacun.
Ce spectacle est assurément original. Au seul regard de ces personnages hauts en couleur, ces acrobaties et autres chorégraphies bien ficelées on se rend compte à quel point. Mais cette singularité n’empêche pourtant pas aux qualités des cabarets classiques d’être encore bien présentent.
Comment peut-on ne pas parler d’une revue, aussi évoluée soit-elle, sans faire référence à ces femmes, belles et généreuse ? Ici les « Muglerettes », fourmis ultra-sexy, sont le symbole même de la décadence de leur créateur qui a choisi, plutôt que de les habiller de lumières à la manière du Crazy Horse, de les recouvrir de latex. Suggestion bestiale qui sert l’imaginaire et l’originalité d’un spectacle qui se veut sincèrement différent pour ainsi « redonner à Paris cette liberté qui lui collait à la peau ».
Des femmes donc, belles, parfois blondes, brunes, blanches ou métisses, fines et généreuses… qui sont toutes, d’une manière ou d’une autre, au service d’une plus grande beauté.
En fait, chacun des artistes se donnent, abandonnant l’uniformité que l’on prête généralement à l’esprit du cabaret pour mieux faire surgir, dans ce spectacle, leurs personnalités. Tous sont capables d’endosser plusieurs rôles et ils s’évertuent à jouer de leurs corps, parfois avec audace, pour nous séduire.
Cette originalité certaine qui peut déplaire et faire penser que ce spectacle dénote dans l’atmosphère actuelle va sans nul doute décourager les plus grands amoureux du genre.
Reste donc à se persuader que T.Mugler puisse faire partager sa vision. Celle de la revue comme un art véritablement libre, fait de joie de vivre et d’échange, et dans lequel tout reste encore possible.
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