Quand Boris Vian jouait aux échecs

On a tout dit sur Boris Vian (1920-1959). Sauf, peut-être, l'essentiel. Et l'essentiel, à nos yeux, ami lecteur, c'est que Boris Vian était un joueur d'échecs ! Commençons par cette partie disputée sur la pelouse de sa maison à Ville d'Avray. Son jeune adversaire, et voisin, n'est autre que le célèbre violoniste Yehudi Menuhin. Enchaînons avec une pièce d'anthologie particulièrement truculente, à savoir le Procès Verbal d'une réunion qui s'est tenue le 8 juin 1943, toujours à Ville d'Avray, et rédigé par le Secrétaire Général du Club d'échecs Monprince . . . Boris Vian, lui-même. "Dans une atmosphère ardente, pas moins de 60% des membres du Club, attirés par l’éclat exceptionnel de cette rencontre d’ouverture" (NDLR: . . . 5 joueurs sont rassemblés pour cette soirée-échecs). "L’air de l’immense salle de réunion ; éclairée a giorno par des lustres et des girandoles, frémissait étonnement et les personnes les moins habituées à ces sortes de compétitions eussent perçu sans effort les vibrations cérébrales dont tremblait l’atmosphère. Certains joueurs surexcités réussirent des prouesses : C’est ainsi que le fameux Monprince (NDLR : surnom de François Rostand) réussit à vaincre le Président lui-même, pourtant en grande forme puisqu’il battit peu après le Secrétaire général. L’épuisement nerveux de Monprince était tel que l’on dut lui baigner les tempes de sirop de limaces (NDLR: allusion à peine déguisée à Rostand père, Jean, le biologiste). A l’heure actuelle, il est tout à fait remis. Nous renvoyons pour plus de détails techniques, au commentaire suivant établi par le maître stratège Dufou-Duroy (…). COMMENTAIRE STRATEGIQUE par G.DUFOU-DUROY : L’exhilarante sensation de perfection que l’on éprouvait hier soir à voir les coups merveilleux se succéder et succéder aux splendides coups magnifiques (on nous dit, ici, que G.Dufou-Duroy est de langue slave et que la saveur originale de son langage a été conservée et ses onomatopées reproduites trait pour trait) ne trouvait point dans la vodka sa source prime. Le premier isvotchik venu eût aisément discerné sous le vernis (…) la faiblesse dissimulée et la peur attentive. Nous commenterons simplement la victoire du joueur Monprince sur le Petit Père Fournel, notre Tsar à tous (en réalité Président du Club). Cette partie, qui débuta de façon classique, tourna rapidement à l’avantage de l’un des joueurs. L’autre ne put résister à l’assaut et perdit. On se rendra compte de la difficulté des coups en se rappelant que le match dura vingt minutes seulement et que les pièces bougèrent au moins trois fois chacune. La technique à déployer pour faire tant remuer une sotnia de petites pièces telles vous apparaît aisément et ne nécessite aucun commentaire superflu. ». Et voilà pour l'écrivain. En précisant que le Maître stratège Dufou-Duroy n'est autre que l'un des très nombreux pseudonymes de Boris Vian. Retrouvons le joueur d'échecs avec ses amis de la promotion Satrape du Collège de Pataphysique. Nous sommes à Paris en septembre 1953 et un petit tournoi fermé est organisé. Boris Vian avec les blancs se fait tranquillement laminer par Tartakover avec les noirs. La partie se termine au 25ème coup mais nous avons ajouté le coup forcé des blancs 26. Rc5 suivi d'un mat sur double échec 26. . . . Txc3 # Contre Raymond Queneau, les choses sont plus faciles. L'esprit farceur de Vian transparait même avec une Dame blanche en prise protégée par un clouage qui dure pas moins de 4 coups. Terminons par un Boris Vian méconnu, le peintre, et son tableau intitulé "Les hommes de fer" d'inspiration . . . très échiquéenne.