LE VENGEUR (d'après Maupassant)
Louis Rovelli et Jean Souris
Étaient vraiment des bons amis.
Quand Jean mourut,
Louis épousa sa veuve, Lulu
Dont il était amoureux depuis dix ans.
Louis s’entendait bien avec Jean
Mais il le trouvait assez nigaud.
D’ailleurs, il disait souvent :
« Quel ballot,
Ce pauvre Souris ! »
Maintenant,
Louis vivant
Avec la femme de feu Souris,
Gardait un singulier ressentiment
Envers le premier mari
Pour la raison qu’il avait possédé
Lulu avant lui.
Rien qu’à cette pensée, Louis
Sentait diminuer sa félicité.
La jalousie le harcelait.
Il poursuivait Jean de mille railleries :
-« Te rappelles-tu le jour où Souris
Démontrait que les hommes petits
Étaient plus aimés que les grands ? »
Le défunt était petit
Et Rovelli, grand.
Pour faire plaisir à Louis,
Lulu riait de son ancien mari
Qui ajouta : -« C’est égal ; ce Souris
Quel abruti ! »
Or une nuit
Que Rovelli
Tenait Lulu dans ses bras
Et l’embrassait, il lui demanda :
-« Dis-moi, Souris était-il bien…amoureux ? »
Elle lui rendit un baiser généreux :
-« Pas tant que toi, mon chéri.»
Flatté, Rovelli reprit :
-« Il devait être …godiche,…dis ? »
Lulu se pendit au cou de Louis
Qui de nouveau la questionna :
-« Il devait être godiche, et pas très…pas,
Comment dirais-je,…pas… habile ? »
-« Non, vraiment pas habile. »
-« Il devait bien t’ennuyer la nuit ? »
-« Oh ! Oui ! »
-« Quelle brute c’était ! »
-« Oui, ça n’a pas toujours été gai… »
-« Dis… »
-« Quoi ? »
-« Veux-tu être franche avec moi ? »
-« Mais oui, chéri. »
-« Est-ce que tu n’as jamais été tentée
De le…de le tromper
Cet imbécile de Souris ? »
-« Oh ! Mon ami ! »
-« Il avait une tête de cocu, Souris,
Cette andouille de Souris.
Tu en conviens, n’est-ce pas ? »
Et Rovelli ajouta :
-« Dire que j’aurais pu faire cocu, Souris !
Ce minable Souris, cet idiot de Souris.
Ah, oui !
Il en avait la tête. Ah, ça oui ! »
Lulu riait à en pleurer
Et poussait de drôles petits cris.
-« Oh ! Oui,… je l’ai trompé. »
-« Tu…tu…l’as…trompé…tout à fait ? »
-« Oui…tout à fait. »
Louis se sentit tellement saisi,
Qu’il se dressa et s’assit dans le lit.
Lulu comprit son erreur, mais trop tard
-« Et avec quel veinard ? »
-« Un jeune ami. »
-« Et quel ami,
S’il te plait, Lulu ? »
-« Je plaisantais, vois-tu. »
Louis la gifla
Et cria :
-« Voilà, tiens, tiens,
Voilà, gueuse, catin ! Catin ! »
Lulu pleurait et lui dit :
-« Écoute chéri, c’est faux, je t’ai menti. »
Dès ce moment, Louis l’a haïe :
…Elle avait trompé son ami Souris !