Les bobos. Vous savez, ces gens qui vivent dans des lofts dans le 19e, qui ne jurent que par le Fooding et qui votent à gauche... Cet essai de Laure Watrin et Thomas Legrand explore un groupe social très à la mode en ce moment, celui des "bobos" - les bourgeois bohèmes. Les bobos seraient, selon ces deux auteurs, victimes de violentes diatribes anti-bobos de la part des médias et des politiques. A travers cet essai, ils visent à nous rendre compréhensible et sympathique ce qui se joue avec nos contemporains bobos.
Se revendiquant bobos, nos deux journalistes commencent par faire l'histoire du terme : né à New-York en 2000 sous la plume de David Brooks, il a été amplement repris en France et détermine à présent une véritable catégorie sociale (ou presque). Si les sociologues et géographes n'utilisent pas volontiers ce mot, nos journalistes sont tout de même allés les interroger sur le concept. Plus qu'une catégorie socio-professionnelle, être bobo relèverait d'une philosophie de vie. Très complexe à définir, la boboïtude relèverait d'attitudes mais ne répondrait pas à une définition.
Une des pistes de définition tiendrait en ceci que le bobo a un fort capital culturel voire un capital culturel supérieur à son capital économique et que, citadin, il recherche le brassage des populations. Alors plutôt que de définir le bobo, peut-être vaut-il mieux procéder en classant des comportements, bobos ou non.
Nos journalistes distinguent deux types de bobos : le bobo gentrificateur qui s'installe dans un quartier populaire et mélangé et l'uniformise en le mettant à la mode (on se retrouve avec des magasins bio et des boutiques de créateurs à tous les coins de rues) et le bobo mixeur qui vit dans des quartiers mélangés (parce que l'immobilier y est moins cher) et qui s'enrichit au contact des autres cultures. Ces autres soulignent la difficulté de ces mélanges qui peuvent ne pas prendre : si les bobos se veulent accueillants et ouverts, leurs voisins peuvent y voir de l'hypocrisie, de l'opportunisme et que sais-je encore. Mais quelques exemples de vivre ensemble et de bonification de quartiers montrent aussi que le bobo, engagé dans la vie de la cité, n'est pas ce nuisible que fustigent les médias.
Puis à travers l'analyse et la collecte d'anecdotes, quelques termes sont mis en lumière comme "blanc", "cafés", "le CentQuatre", "citoyen", "contradiction", "courgette solidaire", "dégenre", "école", "épanouissement", "fabric", "friendster", "l'indus, c'est fini !", "internationale bobo", "jeu des 8 familles", "McDo", "murs", "rue", "storytelling du slip" et "you fuck my wine".
Enfin, un test vous promettra de calculer votre potentiel bobo (moi, je ne suis pas bobo).
A noter, témoignages et phrases chocs illustrent cet essai. Je vous cite le plus fou : "Un jour, j'avoue, j'ai été bobo. C'était boulevard Richard-Lenoir, il y a quelques mois. J'ai vu un attroupement, des tables et des casseroles. J'ai dit à mon mari :"Oh, chouette, un événement Fooding." C'était la soupe populaire."
Sympathique et drôle, cet essai tente de mieux définir les bobos et leurs pratiques. Il souligne leur contradictions qu'il ne souhaite pas justifier. Mais celles-ci sont justement ce qui agace dans le bobo. Il se veut en avance sur son temps, ouvert, intéressé par son développement personnel, engagé, responsable, durable... Mais il est aussi égoïste et opportuniste. Si l'essai est intéressant, il ne me convainc toutefois pas vraiment. Certes, ces bobos s'adaptent au monde dans lequel ils vivent. Certes, ils tâchent de mobiliser pour améliorer les choses à leur échelle. Mais ne cherchent ils pas simplement leur propre jouissance plus que le bien être collectif ? Sont-ils réellement lucides sur leurs contradictions ? Celles-ci ne finissent-elles pas par les discréditer ? J'aime l'idée de ne pas jouer sur la lutte des classes mais sur leur mélange, leur enrichissement mutuel. J'ai peur toutefois qu'il ne s'agisse que d'une utopie et que nos bobos soient déconnectés des réalités qui ne sont pas les leurs... Bref, je reste assez sceptique suite à cette lecture.