En effet, que ce soit avec son premier long métrage "Les Apprentis", son second "Comme elle respire", Après vous avec José Garcia et Daniel Auteuil ou bien son dernier film , De vrais mensonges, Pierre Salvadori réussit à chaque fois le prodige de trousser des comédies d'auteur, dans lesquelles le rire n'est jamais lourd ou vulgaire, mais toujours pleines de tendresse et de délicatesse, qu'on ressent particulièrement dans la direction d'acteurs, et dans les dialogues, toujours très soignés.
Le terme "doux-amer" est parfois galuvaudé, on l'emploie souvent à toutes les sauces, et pourtant c'est celui qui covient le mieux au cinéma de Pierre Salvadori. Ainsi, son tout nouveau film, "Dans la Cour", le confirme plus que jamais.
Il est en effet souvent difficile de manier l'équilibre entre la tristesse et le décalage burlesque, pas mal de films se sont cassés les dents et ont semblé bancals en tentant l'expérience, or, une fois de plus Salvadori parvient tout le long du film, même si les 20 dernières minutes laissent totalement de côté l'aspect humour, à trouver cette teinte douce-amère qu'il manie si bien et qui constitue tout le charme de son cinéma, et de ce film en particulier.
J'ai vu le film en avant première quelques jours avant sa sortie le 23 avril dernier et alors que ma copine, qui m'accompagnait pour une fois à mes soirées ciné s'est ennuyée à mourir pendant toute la projection, personnellement j'ai été vraiment sous le charme de ce long métrage, et je fus ravi de voir quelques jours après l'unanimité de la critique presse au sujet de cette belle tragi comédie qui fait du bien, en comparaison de toutes ces comédies françaises idiotes que j'ai vu depuis le début de l'année.
Bien qu'il aborde sur le papier des sujets plus délicats, comme la dépression ou l'angoisse, Pierre Salvadori le fait toujours avec sa pointe d'humour qui le caractérise, et avec une paire d'acteurs, composée de Gustave Kervern- pour son premier vrai rôle en dehors de son univers grolandais- de Catherine Deneuve, particulièrement bien assortie,car parfaits d'authenticité et touchants dans leurs vulnérabilité.
Catherine Deneuve, notamment, m'a bien plus convaincu que sa dernière prestation pourtant saluée partout dans Elle s'en va. Ici, en bourgeoise borderline qui s'accroche à cette fissure dans le plafond (oh combien symbolique) pour ne pas sombrer, elle s'avère être extrêmement émouvante.
On est vraiment touché par la rencontre de ces deux âmes solitaires dans ce vieil immeuble parisien avec ses locataires à la fois hauts en couleur et assez proches des locataires d'un immeuble classique, que ce soit le toxico ex footballeur prodige qui vend des vélos- Pio Marmai épatant en contre emploi ou le parano qui pousse des hurlements de chien dans la cour au beau milieu de la nuit ( Nicolas Bouchaud que j'ai interwievé récemment ici même), tous ces gens pourraient paraitre un peu décalés, bigger than live, mais sont finalement constamment crédibles et touchants dans leurs félures.
Car, même s'il le fait surtout dans sa première partie, le cinéaste distille pas mal d'humour subtil dans sa description de situations qui pourraient paraitre cocasses de prime abord, mais qui en fait, ressemblent énormément à la réalité. "Dans la cour" est vraiment réussi dans cette description fine et sensible de ces petits dérèglements que nous connaissons tous, soit pour les avoir vécu personnellement ou pour l'avoir observé dans notre entourage à un moment ou à un autre de notre vie.
Franchement, je ne saurais que vous conseiller d'aller voir film, pas forcément très gai ( ce n'est pas un "feel good movie", hélas le seul genre qui cartonne en ce moment sur nos écrans), mais un film tout en finesse et en nuances avec beaucoup de sensibilité de tendresse pour ses personnages. Un des excellents films français de ce premier semestre 2014, même si depuis j'en ai vu un autre qui m'a encore plus plu, j'y reviens bientôt...
DANS LA COUR - Bande-annonce VF