Le populiste, c'est l'autre, toujours ! L'adversaire en l’occurrence ! Sa dénonciation n'explique rien mais révèle tout : un parti pris de classe dans le style : "Si c'était différent, ce serait pire encore ! "... tendance bourgeois pétés de tunes et morts de trouille – classe politique, universitaires et journalistes-chroniqueurs des grands médias inclus.
Même à sciences-Po, on sait que ce vocable n'a qu'une fonction : discréditer auprès d'un électorat bien ordonné et propre sur lui, un adversaire politique ; un véritable attrape nigauds pour des gogos de l'anti-populisme qui se retrouvent tous immanquablement à se tirer une balle dans le pied en votant pour une politique de la soumission au plus fort sur le dos des plus faibles.
________________
A la mémoire des Peuples délaissés, ignorés et oubliés
***
Si le populisme prend ses racines dans la défense des vertus civiques, en revanche, la mondialisation et plus généralement le libéralisme économique qui nous y a menés - un libéralisme des années 70 conduit par le trio infernal « Friedman, Thatcher et Reagan »-, ont sans l’ombre d’un doute affaibli les fondements moraux et économiques de l’Etat, et par voie de conséquence, de tout ou partie d’une classe politique qui n’ont pas su et voulu servir de contrepoids à la domination d’un marché corrosif qui a tout emporté et tout miné… voire tout décapé : famille, quartier, école, entreprises.
Car, cet Etat défaillant a bien pour origine une classe politique qui a sciemment organisé son impuissance à coups de traités européens et de réformes en contrepartie de la promesse de carrières politiques nationales, européennes et mondiales mirobolantes. En effet, nul n’ignore qu’aucun homme politique ne peut survivre s’il s’oppose à la mondialisation qu’est cette guerre contre les salaires, les droits sociaux et la démocratie, ou bien dans les marges seulement ; il suffit d’observer la carrière d’un Le Pen, d’un Mélenchon ou d’un Besancenot : des miettes de perspectives… en comparaison de ceux qui ont soutenu et accompagné, tout en se laissant guider, un libéralisme économique accoucheur d’une mondialisation pour laquelle les êtres humains ne sont que des moyens entièrement voués à maximiser les profits.
Le populisme a pour fondements le respect et la responsabilité ; de quoi e inquiéter plus d’un et plus d’une ; sa préoccupation première est le bien commun contre l’individualisme égoïste et le cynisme ; là, c’est la panique.
Le populisme n’est pas conservateur ; il est circonspect… circonspection fortement teintée de ce qu’on ne sait plus nommer, à savoir : le sens commun ou le bon sens ; car, le populisme a du flair : il renifle les arnaques à des kilomètres à la ronde et celle, entre autres, de l’hymne dominant aux réformes sociétales qui cachent mal une tentative de liquidation de nos acquis sociaux - diversion oblige ! -, comme autant de masques pour le pouvoir et la domination avec pour arme : la division ; et comme objectif : la liquidation d’un modèle qui repose sur la sécurité et la stabilité.
Et c’est sans doute pour cette raison que vous ne trouverez personne parmi ceux qui assument ce qu’on appelle « le principe de réalité » (ces millions de salariés dans les RER, les bus, les Tramways, les trains et les bouchons dès 5 heures le matin) pour dénoncer ce populisme ; seuls les médias dominants et la classe politique aux affaires - ou appelée à y revenir -, et quelques universitaires ont recours à sa dénonciation aux seules fins de disqualifier et de stigmatiser ceux qui seraient susceptibles de leur demander des comptes : les gueux et les ploucs. Marqués du stigmate du populisme, ceux-là n’ont alors plus qu’une option : faire leurs valises et disparaître : « Circulez ! Y a rien à voir ! ».
Une fois laminés les espoirs d’un système capables de dépasser comme pour mieux les réconcilier tous les particularismes, qu’ils soient de classe, de nationalité, de religion et d’ethnie, à l’heure où moins de 10 % de la population mondiale détient 83 % du patrimoine mondial, alors que 3 % vont à 70 % des habitants avec l’appui d’une dérive techno-totalitaire au service d’un marché universel paranoïaque et schizophrène (se reporter aux révélations de Snowden) avec comme souris de laboratoire, sorte de cobaye, un citoyen du monde qui n’est dans les faits qu’un travailleur corvéable à merci en compétition avec tous les autres, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest : salaire moyen net à 1800 euros contre salaire moyen net à 250 euros…
Aucune prise en compte de l’intérêt commun n’est à attendre ; le progrès tel que les Lumières ont pu le définir, est mort. Certes, on ira plus vite mais on reculera, on régressera comme jamais auparavant : moins de sécurité, plus de fragmentation ; obsolescence systématique et fulgurance de la recherche du profit optimal contre la lente ascension vers un monde régi par la raison du plus vertueux ; une raison civique : responsabilité et solidarité au service d’une société qui subordonne l’intérêt privé au bien public car le populisme déplore le déclin des institutions civiques que des centres commerciaux tape-à-l’œil ne remplaceront jamais : en effet, la marchandisation à marche forcée de la vie sociale isole et crée des frustrations sans nombre ; les chaînes de fast-food ayant déjà tuer le rituel de la table, son plaisir et sa convivialité dans un espace chaleureux et personnel ; intimité salvatrice qui rassure et structure dès le plus jeune âge.
De plus, le populisme sait, pressent, devine que faute de normes communes la tolérance a tôt fait de basculer dans l’indifférence, le dédain, le mépris, l’apathie et le repli sur soi dans un entre-soi aussi excommunicateur qu’exclusif dont les humbles et les sans-grades seront les victimes expiatoires car suspendre son jugement sur des questions qui touchent au vivre-ensemble, au comment et au pour quoi, c’est faire le choix de l’abandon d’une société de la responsabilité et de la solidarité collective, un des creusets de la culture civique.
Basé sur le droit,ce qui présuppose que des individus respectant le droit d’autrui attendent en retour qu’autrui en fasse de même, quand l’Etat abandonne la société et se détourne du citoyen, ce dernier a tôt fait de le renier, vengeur… car, si un mal peut être un bien, le vice n’a jamais servi la vertu publique qui est bel et bien le seul fondement des démocraties ; or, un Etat défaillant soutenu par toute une caste pour laquelle la politique c’est les affaires et les affaires c’est la politique… détruit aussi sûrement qu’il la salit : la démocratie ainsi que l’esprit civique en passant car, la démocratie est bien plus en danger quand l’indifférence et la complaisance règnent aux côtés d’un relativisme moral et culturel qui n’est le plus souvent qu’un renoncement et une propension à l’apathie : plus d’espace protégé ; toute convention passant à la trappe, c’est alors que le cynisme et le crime paient comme jamais auparavant… et tous les conflits sont réglés – comprenez : envenimés et exacerbés - par la violence seule jusqu’à son paroxysme.
Souvenons-nous : les individus pouvaient, hier encore, espérer être un jour les meilleurs juges de leurs propres intérêts ; aujourd’hui, impossible pour eux d’y parvenir dans un monde où seul le marché mondialisé a voix au chapitre. Cycle ruineux qui enchaîne endettement et surproduction, quand le retour sur investissement devient la seule mesure universelle de valeur, c’est le public qui couche avec le privé, l’Etat avec le marché faute de rechercher une autre voie : le sens commun.
Revigorer la société civile, sociabilité informelle du café, de la rue et de tout autre lieu intermédiaire ; restaurer une vie civique et la confiance sociale - confiance publique de tous les jours ; établir un lien au-delà d’un voisinage accidentel, imposé et subi tout en gardant à l’esprit ce qui suit : appartenir, c’est développer un surcroît de conscience. Etre de nulle part, c’est se condamner à errer comme une âme en peine sans responsabilité et sans devoir.
Si la compassion est une chose et le respect une autre, peut-on reprocher au populisme de penser, intuitivement, qu’en dernier ressort, le respect élève et la pitié rabaisse ? Le droit responsabilise et l’aumône humilie car le populisme n’a pas renoncé à exiger des uns et des autres : estime de soi, autonomie, initiative, responsabilité et confiance en soi.
Haï d’une caste économico-politico-médiatique qui n’est décidément pas disposée à répondre de son mépris et de ses choix comme d’autres de leurs actes et de leurs crimes, le populisme souhaite réconcilier la politique, l’Etat et la morale loin d’un faux dilemme : libertarisme économique et moral contre autoritarisme.
Adepte du gouvernement direct du peuple par lui-même, seulement possible à un niveau local, le populisme nous rappelle que ce ne doit pas être l’individu isolé qui constitue l’unité de base de la démocratie mais la nation : cette communauté de destin solidaire.
Si les conflits sont encouragés car le consensus ne fait jamais recette, le populisme porte en lui la certitude que seul ce qui est proche nous sauve, et que seule une réduction du champ du marché et la limitation du pouvoir des multinationales et des oligarchies viendront à bout d’injustices criantes qui sont, à terme, mortelles pour la démocratie et incompatibles avec toute forme de société.
Ambivalent mais jamais incohérent, le populisme soupçonne le processus politique d’être dominé par une élite vorace, grassement rémunérée et manipulatrice : fausse polarisation…féminisme contre la famille, libéralisme contre protectionnisme, liberté contre justice, le local contre l’international -, alors que la société a autant besoin du féminisme que de la famille, de libéralisme et de protectionnisme, autant de liberté que de justice, de local et d’international !
Il est donc grand temps de réhabiliter en politique la pratique du populisme en lui donnant enfin ses premières lettres de noblesse.
_______________
Pour prolonger, cliquez : Porter la crise au coeur du PS