Japon médiévale. Un étranger est élevé par un grand seigneur. Des années plus tard, son seigneur tombe en disgrâce et avec quarante-sept anciens disciples du seigneur, il part en guerre contre ceux qui l'ont fait tomber...
La critique sans maître de Borat
L'an dernier, Universal a réussi à produire deux des plus gros succès de l'année (Fast and Furious 6 et Moi moche et méchant 2), mais également deux flops de compet avec RIPD et 47 ronin. Pour ce dernier, on peut clairement dire que le studio n'a jamais su ce qu'il voulait faire avec cette célèbre humain de ces samouraïs sans maître se rebellant pour l'honneur de leur ancien maître. Le réalisateur Carl Rinsch, réalisateur du sublime The gift et qui a failli réaliser Prometheus, voulait un film davantage axé sur les samouraïs et le contenu historique quand le studio voulait un gros blockbuster bien grand public. Keanu Reeves, seul acteur non-asiatique d'un casting qui est (logiquement) à 99.99% asiatique (dont Hiroyuki Sanada, coutumier des blockbusters hollywoodiens à l'image du récent The Wolverine; Tadanobu Asano vu en acolyte de Thor et Rinko Kikuchi vue dans Pacific rim), parle lui-même de ces différences de tons drastiques: "A vrai dire, le studio a eu du mal à se décider sur ce que devait être le ton du film. Ils se demandaient jusqu'où ils pouvaient aller concernant le sacrifice des 47 ronin, ils voulaient également y intégrer des éléments fantastiques, donc l'équilibre n'est pas évident à trouver. Ils ont travaillé là-dessus pendant un an et ont finalement décidé de mettre plus l'accent sur la fantasy. C'est pourquoi nous avons dû tourner cette scène où je me bats contre le dragon, notamment. Tout ça a pris du temps et le film a été remonté en ce sens. Il s'agissait vraiment de trouver le ton idéal, puis de choisir une bonne date de sortie." *
En résumé, script remanié à même le tournage, le personnage de Yorick van Wageningen fut écourté au possible (on le voit à peine en arrière-plan en ne pipant mot), la 3D montra le bout de son nez très tard obligeant l'équipe a retourné plusieurs scènes, ce qui implique un bon lot de reshoots. Devant sortir en novembre 2012, le film a fini par être retardé à février 2013 suite à des énièmes reshoots, puis à décembre 2013 suite à de nouveaux reshoots. Une vaste blague qui a fait gonflé le budget jusqu'à 175 millions de $, intensifiant le flop retentissant à venir (seulement un peu plus de 20 millions de $ aux USA et moins de 200 000 entrées en France pour ne citer que ces chiffres) et surtout risque de ruiner la possible carrière de Rinsch déjà pas aidé par le refus de la Fox de lui laissé la "préquelle" d'Alien et ce même s'il est le gendre de Ridley Scott. Même s'il est moins ambitieux que lui, 47 ronin n'est pas sans rappeler le destin tragique de John Carter à savoir un film sympathique un peu trop cher qui a fait une belle descente aux enfers avant de ressortir en DVD de manière flamboyante. On n'imagine pas trop cela du film de Rinsch mais il en reste que le film n'a rien de vraiment mauvais, c'est même étonnant de voir un film réellement divertissant et qui se suit bien malgré ses presque deux heures de programme.
Et pourtant ce n'était vraiment pas gagné. Par exemple, les éléments de fantasy auraient pu très mal passé compte tenu d'un contexte historique qui n'en avait pas besoin. Une manière comme une autre pour les américains d'en mettre plein la vue avec de beaux effets-spéciaux. Avec un yes man, cela aurait pu très vite partir en cacahuète laissant faire les artisans des SFX. Alors certes Rinsch fait son premier film et a été malmené par un studio ne comprenant vraisemblablement rien au projet (et cela ne risque pas de changer d'ici la sortie DVD déjà enclenchée aux USA à l'heure où il sort en France, vive le téléchargement); mais déjà dans The gift on voyait un certain sens visuel qui lui permet d'avoir un angle crédible ici. Déjà, il est très respectueux de ce qui est du genre chambara, qui consiste à raconter des histoires de samouraïs ou de ronin, ces samouraïs déchus, par le fait de ne pas inclure Keanu Reeves, soit l'occidental, dans les 47 ronin mais en en faisant un élément à part, dit dès la première séquence comme une sorte de démon (ce qui se confirmera lors de la mise à l'épreuve dans la grotte ou la fin). Il est donc considéré comme un étranger tout le long du film avant le final aux yeux des maîtres et ce malgré qu'il soit tout aussi méritant que les autres dans sa vengeance. Pour le reste, il faut bien dire qu'en dehors du visuel (franchement beau que ce soit les combats bien chorégraphiés ou les créatures en tous genres), du respect des traditions et du divertissement honnête, il faut bien dire qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil.
On a déjà vu plein de fois ces histoires de samouraïs déchus partant se venger contre l'oppresseur ou d'hommes s'opposant à un opposant. C'est même le récit du chef d'oeuvre d'Akira Kurosawa Les sept samourais qui, du haut de ses soixante ans, est toujours dans les mémoires. De ce point là, n'attendez pas un film qui fait réellement dans l'inédit d'autant que les japonais ont largement parlé de cette légende au cinéma. Ensuite, il faut bien dire que les multiples remontages affectent le récit et on a l'impression que le film aurait dû être plus long. Ainsi, la mise en place de la vengeance dure une bonne quarantaine de minutes avant d'enchaîner sur la chasse des ronin et enfin l'affrontement. Si la mise en place n'est pas trop affectée, c'est surtout les autres parties qui en patissent un peu. Preuve en est tout le passage dans les docks, emballé avec une rapidité pas possible doublé d'une légère escroquerie. Vous ne l'avez probablement pas raté, le tatoué Rick Genest a été assez présent dans les bandes-annonces et affiches (le pire car même Sanada n'en a aucune alors que c'est le premier rôle derrière Keanu Reeves!) alors qu'il n'apparaît même pas une minute soyons honnête! Une vague fumisterie à laquelle on peut prendre aussi le final un petit peu expédié où tout s'active pour que cela fasse moins de 2h. Comme quoi Universal aura injustement fait beaucoup de tord à ce film.
Déglingué par son studio, 47 ronin est finalement suffisament divertissant et bien fait pour convaincre malgré quelques ratés.
Note: 12.5/20
* Propos recueillis dans Mad Movies numéro 273 (avril 2014).