La prière du para, pour ceux qui vont partir la-bas…

Publié le 01 avril 2008 par Francois155

Aujourd’hui doit se dérouler un débat (sans votes) à l’Assemblée Nationale ayant pour thème le renforcement des effectifs français sur le théâtre d’opérations Afghan. Au-delà des inévitables arrière-pensées politiciennes de tel ou tel, le fait que cette discussion puisse avoir lieu est positif, tout comme peut l’être, à une échelle plus vaste, l’écoute attentive des avis que peuvent émettre les citoyens sur les engagements extérieurs de nos forces. Pour quelqu’un qui, comme votre serviteur, milite ardemment en faveur d’un lien plus étroit entre les mondes militaires et politiques avec, flottant au-dessus et idéalement décisionnaire lorsqu’il se sent correctement informé, le peuple souverain, ce type de pratique, même si elle peut paraître dérisoire car sans enjeu contraignant, est salutaire. Peut-être, à vrai dire, devrions-nous plus fréquemment donner à nos représentants l’occasion de s’exprimer publiquement sur ces sujets, en leur âme et conscience, ne serait-ce que pour connaitre leurs opinions. La démocratie ne doit pas avoir peur de s’interroger crument et ouvertement lorsqu’elle décide d’engagements de ce type, quitte à devoir subir des interventions avec lesquelles nous serions en désaccord. L’indifférence, sans parler de la désinformation du public, est souvent liée à l’ignorance des enjeux. Les politiques qui décident et les militaires qui exécutent ne doivent pas craindre les questions ni les interpellations des citoyens, ni ceux-ci non plus méconnaitre les décisions qui sont prises en leur nom et les actions entreprises au lointain et qui contribuent à assurer, chez eux, leur protection.

Mais, en ce jour où nos parlementaires vont pouvoir parler, c’est à ceux qui vont partir sans qu’on prenne souvent la peine de les écouter que vont mes pensées, plus qu’à ceux qui vont verbalement s’empoigner pour savoir s’il est bon ou pas, et sous quelle forme, qu’ils y aillent.

Aux femmes et aux hommes qui sont là-bas, qui y sont allés et à ceux qui s’apprêtent à porter haut les couleurs de la France simplement avec leurs armes, leur honneur de soldats et la maigre solde qui va avec, qu’on me permette de dire humblement : courage et fierté.

A ce sujet, et puisque les renforts appartiendront vraisemblablement au 8éme RPIMA, l’occasion est sans doute bonne de citer ici ce texte magnifique qu’on nomme « la prière du para ».

Ces paroles bouleversantes sont l’œuvre de l’aspirant André Zirnheld, combattant de la France Libre dés l’annonce de l’Armistice, parachutiste des FFL sous les ordres du capitaine Bergé puis, à partir de mars 1942, membre du French Squadron au Special Air Service Brigade (SAS) du major Stirling. Le 12 juin 1942, parachuté derrière les lignes ennemis en Cyrénaïque, Zirnheld parvient à s’introduire sur un aérodrome allemand et détruit au sol cinq Me-109 après avoir neutralisé la défense adverse. Cette action lui vaut d’être recommandé pour la Military Cross. Dans la nuit du 26 au 27 juillet, il participe à un autre raid victorieux qui permet la destruction de 37 bombardiers et avions de transport ennemis. Le lendemain, pendant le repli, immobilisée dans le désert par une crevaison, sa Jeep est repérée et mitraillée par une patrouille de Stuka vers 7h30. Touché à deux reprises, André Zirnheld décède de ses blessures à 13 heures, sans avoir pu être soigné. A l’aspirant François Martin, présent à ses côtés pendant son agonie, il déclare simplement : « Je vais vous quitter. Tout est en ordre en moi ».

Premier officier parachutiste français tué au combat, il repose aujourd’hui au cimetière des Batignolles. C’est après sa mort, en faisant l’inventaire de ses maigres biens, que ses compagnons découvriront, dans un carnet, un poème écrit de sa main en 1938, alors qu’il était professeur de philosophie au Collège de la Mission Laïque Française à Tartus, en Tunisie. En voici le texte original :

Je m'adresse à vous, mon Dieu
Car vous seul donnez
Ce qu'on ne peut obtenir que de soi.


Donnez-moi, mon Dieu, ce qu'il vous reste
Donnez-moi ce qu'on ne vous demande jamais.
Je ne vous demande pas le repos,
Ni la tranquillité,
Ni celle de l'âme, ni celle du corps
Je ne vous demande pas la richesse,
Ni le succès, ni même la santé.
Tout ça, mon Dieu, on vous le demande tellement
Que vous ne devez plus en avoir.


Donnez-moi, mon Dieu, ce qu'il vous reste
Donnez-moi ce que l'on vous refuse
Je veux l'insécurité et l'inquiétude
Je veux la tourmente et la bagarre
Et que vous me les donniez, mon Dieu,
Définitivement,
Que je sois sûr de les avoir toujours,
Car je n'aurai pas toujours le courage
De vous les demander.


Donnez-moi, mon Dieu, ce qu'il vous reste,
Donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas
Mais donnez-moi aussi le courage
Et la force et la foi
Car vous seul donnez
Ce qu'on ne peut obtenir que de soi.

Prière écrite par André Zirnheld, mort au Champ d'Honneur.