Parmi les grands thèmes de la cinquième saison du Festival Séries Mania, représentatifs de certaines tendances du petit écran mondial, figuraient les fictions pandémiques. Hypocondriaques s'abstenir ! Aux côtés de l'américaine Helix, la Corée du Sud et la Belgique ont proposé chacune deux approches très différentes de ce sujet. Tandis que l'asiatique The End of the World se démarque par son refus de toute surenchère, soignant une authenticité savamment travaillée pour exposer la gestion de la crise, l'européenne Cordon happe le téléspectateur dans un engrenage épidémique où les solutions envisagées, ainsi que l'origine de l'épidémie, soulèvent d'importantes interrogations.
Les deux premiers épisodes de Cordon ont été projetés mardi dernier à Séries Mania. Cependant il faut signaler que sa diffusion s'achèvera très prochainement en Belgique : débutée le 10 mars 2014 sur VTM, elle se terminera en effet le 12 mai prochain, au terme de 10 épisodes de 50 minutes chacun. Créée par Carl Joos et réalisée par Tim Mielants, cette série flamande trouve son inspiration dans les diverses alertes sanitaires de ces dernières années et les critiques que leur gestion a pu soulever. Le coffret DVD qui sortira en Belgique à la fin du mois est a priori annoncé avec des sous-titres français et anglais, de quoi conforter une curiosité piquée par des débuts efficaces.
[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des deux premiers épisodes.]
Cordon débute de la plus classique des façons pour une fiction pandémique : à Anvers, le NIZA identifie un virus, d'origine inconnue, dont le taux de mortalité se révèle très élevé. Face au risque de propagation, le gouvernement est contraint de prendre dans la précipitation une décision drastique : est ordonné la mise en quarantaine, derrière un cordon sanitaire, du quartier dans lequel se trouve la source présumée de l'épidémie. La série fait alors vivre au téléspectateur la crise par l'intermédiaire de plusieurs protagonistes, situés de part et d'ordre de ce cordon. Comment chacun va-t-il être affecté par la situation ? Comment va-t-on s'organiser à l'intérieur et à l'extérieur de ce quartier ? En arrière-plan, la menace et le danger représentés par le virus se précisent...
Pour traiter son sujet, Cordon opte pour une approche chorale : dotée d'une narration éclatée, elle suit une dizaine de personnages, de tout âge et de toutes professions. Cela lui permet de multiplier les angles d'approche, en éclairant avant tout l'impact humain de la crise sanitaire en cours. La série cherche à créer une proximité avec le téléspectateur -les sphères dirigeantes du pays sont ainsi volontairement laissées de côté, seulement entraperçues pour annoncer les mesures de lutte prises. De même, le point de vue des scientifiques, certes incontournable, reste également secondaire. Le récit se concentre sur la population, au plus près de ceux qui vont subir l'épidémie et/ou devoir gérer les conséquences de la mise en quarantaine. Le ressort est familier : il s'agit de mettre en scène des êtres ordinaires, soudain confrontés à une situation extraordinaire, dont nul ne peut connaît l'issue. Si les personnages manquent un peu d'épaisseur, chacun étant pour l'instant cantonné dans son rôle, ils paraissent bel et bien représentatifs de cette population diversifiée frappée par la quarantaine et les dilemmes qu'elle pose. Glissant progressivement vers la crise, parcourue par une tension sourde, Cordon happe ainsi le téléspectateur.
Mais Cordon, ce n'est pas juste un thriller pandémique. Son atout tient à la richesse des thèmes abordés : ils soulèvent des enjeux scientifiques, policiers, mais aussi moraux, sociaux ou encore politiques. A défaut d'être original, le traitement d'ensemble est efficace, la série s'appropriant avec aplomb son concept. L'image de ce bloc d'immeubles, enfermé derrière des barrières improvisées de containers et autour duquel sont déployées des forces de l'ordre, marque. Ses occupants sont-ils d'ores et déjà condamnés ? Comment la situation va-t-elle évoluer dans un lieu désormais isolé, déserté par des autorités massées en dehors du périmètre ? Quels arbitrages entre intérêts individuel et collectif attendent chacun ? Les deux premiers épisodes montrent une série souhaitant aborder toutes les facettes de la crise : qu'il s'agisse d'évoquer la réaction de la population, ou de s'interroger sur l'origine du virus, voire sur les mesures prises par les autorités (jusqu'où ira-t-on pour maintenir la quarantaine ?). Cela donne un ensemble foisonnant, certes pas toujours complètement fluide, ni maîtrisé, et pas exempt non plus de certaines maladresses, mais qui reste prenant et -surtout- donne envie de s'investir.
Formellement, la série se révèle également solide. L'esthétique est soignée, la réalisation laisse transparaître dans la nervosité de la caméra une tension propre au thriller. Un important travail sonore a également été réalisé, avec une ambiance travaillée qui favorise l'immersion du téléspectateur. Enfin, Cordon rassemble un casting large et homogène, au sein duquel on retrouve notamment Wouter Hendrickx (Zuidflank), Liesa Van der Aa (Zingaburia), Tom Dewispelaere (Van Vlees en Bloed), Veerle Baetens (Code 37), Mieke De Groote (Van Vlees en Bloed, Code 37), Johan van Assche (Het goddelijke monster), Koen De Sutter (Zuidflank), Zoë Thielemans, Ricko Otto, Hugo Van Den Berghe (Flikken), Robbie Cleiren (Clan, Deadline 14/10, Marsman), Sven De Ridder (Deadline 14/10, Met Man en Macht), Steve Geerts (Clan, Met Man en Macht), Inge Paulussen (Clan, Zuidflank, Deadline 25/5), Mathijs Scheepers (Dag & nacht, Clan, Zuidflank) ou encore Greet Verstraete (Deadline 14/10, Deadline 25/5).
Bilan : Les deux premiers épisodes de Cordon réussissent l'essentiel, posant avec aplomb les bases d'un récit à suspense qui happe le téléspectateur dans les destins croisés de personnages ordinaires confrontés à une situation de crise sanitaire imprévisible. Fiction chorale, abordant des thèmes extrêmement divers, la série se réapproprie le registre du thriller pandémique. Si elle n'évite pas quelques écueils ou maladresses, elle s'appuie sur un concept fort, l'isolement d'un quartier, face auquel le téléspectateur ne peut que s'interroger : jusqu'où la logique de quarantaine conduira-t-elle les autorités et tous les protagonistes ? En résumé, une œuvre qui, sans révolutionner le genre, en propose une déclinaison efficace, donnant envie de découvrir la suite.
Cordon, c'est donc l'occasion d'une piqûre de rappel (c'est le cas de le dire) téléphagique en provenance de Belgique, pays voisin, si proche, mais dont les fictions non francophones nous restent encore bien trop souvent inaccessibles.
NOTE : 7/10
La bande-annonce de la série :