Urban Game Jam – genèse et avenir

Publié le 03 mai 2014 par Be-Games @be_games
Interviews

Publié le 3 mai 2014 par spacecowboy

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Urban Game Jam – genèse et avenir

Il y a quelques jours, nous vous présentions l’Urban Game Jam qui se tiendra à Charleroi du 9 au 11 mai. Avant le début des hostilités, nous voulions découvrir les personnes responsables de cette initiative alléchante. Nous avons ainsi sollicité un entretien avec Julien Annart, l’un des organisateurs de l’Urban Game Jam.

Be-Games (spacecowboy) : Julien, afin que nos lecteurs sachent à qui ils ont affaire, pourrais-tu nous décrire ton passé de joueur ?

Julien Annart : J’ai fait mes premiers pas sur Sega Master System, une console qui ne m’a laissé que de bons souvenirs, même si mon choix de jeux à l’époque était plutôt guidé par leur jaquette.

Pareil pour moi…

Plus tard, j’ai joué sur Megadrive et sur l’Amiga de mon demi-frère. C’est ce micro-ordinateur qui m’a fait découvrir les jeux de stratégie. Je pense en particulier à North & South et Centurion : Defender of Rome, des merveilles combinant habilement action et stratégie. Puis, je suis passé au PC avec Civilization.

Civilization est un jeu charnière pour toi ?

Oui, c’est cette référence qui me fait passer du côté stratégie. Ensuite, je me paie un PC pour l’université en ’96 et je découvre mille choses pendant cette période fabuleuse.

Une époque de pionniers ?

Ce sont plutôt des années où les concepts se concrétisent véritablement en passant de Wolfenstein à Quake pour le FPS, de Dune II à Command & Conquer pour le STR, ou des wargames classiques à Close Combat. Enfin, il y a évidemment Half Life et l’explosion du jeu en réseau.

De joueur, tu es maintenant passé à un rôle d’acteur. Comment en es-tu arrivé là ?

Tout commence quand je découvre le site Grospixels en 2002. Je lis les articles et les échange sur le forum avant de proposer mon premier texte seulement en 2006. Il faut dire que le site est impressionnant…

Tout à fait, Grospixels est une réelle référence et les membres de sa communauté sont de fins connaisseurs. Du coup, on hésite à se « mesurer » à eux.

Pourtant, c’est comme cela qu’on apprend dans ce domaine. Tu suis, tu échanges avec les autres et tu finis par connaître plein de choses. Je me lance donc finalement en publiant un article sur la série Total War. Et en 2007, on me propose d’intégrer l’équipe de Grospixels.

Tu as aussi eu l’opportunité d’écrire pour le mook de Pix’n Love ?

Oui, cette offre est arrivée un peu par hasard. C’est Tony Fortin, le directeur éditorial des Cahiers du jeu vidéo, qui me contacte après avoir lu mon article sur Close Combat publié chez Grospixels. Il a apprécié ma réflexion dans ce texte et me demande d’écrire l’article introductif au premier numéro des Cahiers, dédié aux jeux de guerre. J’y présente l’histoire des jeux de stratégie.

D’abord les Cahiers et puis le mook…

Les autres membres de l’équipe de Pix’n Love ont bien aimé mon dossier dans les Cahiers. Florent Gorges me propose alors d’écrire d’autres textes pour le mook.

Avec un bon bagage en termes d’écriture, tu envisages alors l’organisation d’événements ?

Oui, un peu par hasard à nouveau, j’intègre une équipe participant à un concours de centre culturel à Charleroi. Ce futur centre de l’image, qui ouvrira ses portes en 2015, sera consacré au cinéma, à l’art graphique avec une galerie et… au jeu vidéo.

Et comment embarques-tu dans cette aventure « par hasard » ?

Le directeur du cinéma Le Parc à Charleroi lance un appel d’offres pour diriger ce futur centre de l’image. Comme il ne s’y connaît pas du tout en jeu vidéo, il cherche un partenaire. Un ami commun l’apprend et nous met en contact. On se rencontre et il s’intéresse peu à peu au sujet, passant du stade « je m’en fiche complètement » à « tiens, j’ai encore une question »… On met au point un projet qu’on présente au conseil communal de Charleroi, devant une commission indépendante d’acteurs issus d’horizons culturels différents. Nous sommes en 2010, notre projet est accepté et le centre baptisé « le Quai de l’Image » doit ouvrir en 2012.

Aïe, un léger retard…

Oui, puisque le Quai de l’Image devrait finalement ouvrir en 2015.

Avec mon impatience, j’imagine comment j’aurais vécu tout ça !

Je n’y crois plus non plus à l’époque. Le chantier de rénovation du bâtiment traîne, et je pense alors à lancer des projets en attendant. J’envisage une conférence sur le cinéma et le jeu vidéo, qui aura lieu en janvier 2013. Elle rassemble comme orateurs Sébastien Genvo (game designer sur le jeu XIII, devenu chercheur et développeur indie) et Alexis Blanchet (l’auteur de l’ouvrage « Des pixels à Hollywood »).

Du beau monde pour une conférence réussie ?

Oui, la conférence est très agréable et m’offre une belle rencontre avec les deux intervenants qui seront, eux aussi, satisfaits de l’expérience (« on est bien accueillis en Belgique »). À cette occasion, je fais aussi la connaissance de plusieurs acteurs du monde culturel de Charleroi, qui me proposent une collaboration. C’est ainsi que se crée la Quinzaine du jeu vidéo.

[La Quinzaine du jeu vidéo a eu lieu du 22 novembre au 6 décembre 2013 à Charleroi.]

J’ai fait de très belles rencontres durant la Quinzaine à Charleroi. Cette ville est surprenante par son dynamisme favorisé par un tissu social vraiment original et son authentique chaleur humaine. Je tiens aussi à souligner la participation de Mathieu Triclot [auteur de « Philosophie des jeux vidéo »] à la conférence « jeu et philo » devant un parterre de rhétoriciens. C’est quelqu’un de passionnant, ce fut un plaisir de discuter avec lui. Il m’a, à son tour, recommandé le chercheur Olivier Servais qui tente de former une équipe de recherche en matière de jeu vidéo. Durant cette Quinzaine, je retiens aussi la participation d’Olivier Mauco [auteur de « GTA IV, l’envers du rêve américain »] qui est venu faire une conférence sur GTA IV… dans une bibliothèque ! Le décalage entre les images de GTA et tous ces bouquins était assez délicieux.

Outre les conférences, que pouvions-nous voir ou faire à la Quinzaine ?

En collaboration avec l’association Retroludix – une super équipe avec plein d’idées – on a reconstitué une salle d’arcade réunissant de nombreux jeux conviviaux. La convivialité était d’ailleurs le thème de l’exposition. C’était génial de voir des parents venir jouer avec leurs enfants, des couples se battre sur Mario Kart, des gamins de huit-dix ans s’éclater sur NBA Jam ou Puzzle Bobble ! Là, tu vois que le média a vraiment un pouvoir de réunion, et c’était beau à voir.

C’est typiquement le genre d’expérience que nous avons, chez Be-Games, lors du salon Made in Asia. Si je te comprends bien, la réflexion intellectuelle sur le jeu vidéo n’exclut pas une approche concrète et uniquement ludique. Une même personne peut assister à une conférence pointue avant d’aller se faire une partie de Double Dragon dans la salle d’à côté ?

Pour avoir discuté avec plusieurs universitaires de haut vol, je dirais que ces deux approches non seulement ne s’excluent pas, mais qu’elles sont très complémentaires. Les bornes restaient allumées et les gens y jouaient avant et après les conférences.

Donc, la Quinzaine fut un franc succès.

Pas à ce point, hé hé.

Un petit succès ?

Tout le monde m’a dit que c’était un vrai succès de foule, mais moi, je voudrais toucher tellement de gens… Pour moi, la culture, c’est LE truc pour tous ! Sinon, l’amplitude des âges des visiteurs était une réelle réussite. Avec des visiteurs de 4 à 80 ans, tu perçois l’universalité du jeu vidéo, y compris des jeux d’arcade des années ’90. En conclusion, la Quinzaine fut un succès qualitatif et quantitatif, ce qui m’a incité à continuer et à profiter de la Biennale d’arts urbains qui se tient cette année à Charleroi.

Très bien, venons-en au présent et à l’Urban Game Jam…

La Game Jam est un projet que je n’avais pas pu mener à terme lors de la Quinzaine.Il a été très bien accueilli par tous les intervenants : le Parc (la structure qui me soutient et pour laquelle je suis bénévole), l’administration communale, le Centre d’action laïque et le Vecteur [un espace à Charleroi destiné à promouvoir la culture émergente]. L’Urban Game Jam se tiendra en mai. Les jeux créés à cette occasion seront disponibles sur internet pendant un mois. Le public pourra voter pour les jeux et un jury se réunira ensuite pour déterminer les vainqueurs.

Encore un projet dans la même ville. À ton avis, ce genre d’initiative est-il plus ou moins facile à concrétiser à Charleroi qu’à Bruxelles ?

Bonne question… Je dirais que Bruxelles, comme toutes les autres grandes villes de Belgique, a pour elle d’avoir des universités et des hautes écoles. Charleroi est la seule grande ville à ne pas en avoir et c’est problématique pour plein de raisons. C’est plus facile d’organiser des événements culturels quand tu as le public étudiant, mais en même temps, ça a justement été un plaisir de rencontrer des gens de tous les horizons qui venaient jouer. Des gens qui n’avaient plus joué depuis des années, mais qui voulaient montrer les jeux de leur époque à leurs enfants. Tout est plus facile à Bruxelles parce que c’est une capitale mais, une dernière fois, il y a une énergie à Charleroi qui m’impressionne toujours. Je cite souvent le RockeRill, un endroit unique en Belgique. Allez-y, c’est fou !

L’Urban Game Jam est-elle réellement ouverte à n’importe qui ? Le but est-il que tout le monde puisse y participer ?

Oui, vraiment ! Notre objectif est de toucher le public le plus large. Par ailleurs, nous avons contacté notamment les écoles graphiques. Leur formation est la seule en Belgique qui soit directement liée au jeu vidéo ; le programme comprend plusieurs cours en rapport avec le jeu vidéo. Bien sûr, il y aura aussi des développeurs qui participeront à la Game Jam, mais l’idée est que tout le monde puisse utiliser les programmes de création sans forcément savoir coder. Il y a plein de programmes gratuits qui sont très accessibles.

La convivialité avant la compèt’ en somme.

Absolument, l’ambiance se veut bon enfant. La compétition est une excuse pour créer des choses, se faire rencontrer des énergies et proposer une perspective à ceux qui veulent créer. L’idée est de lancer les gens, donner un cadre et poser des limites, qui sont toujours un excellent moyen de motiver la créativité.

À propos de l’encadrement par Fishing Cactus, y a-t-il une réelle volonté de distribuer (même gratuitement) le jeu fini imaginé par les vainqueurs ?

Oui, c’est tout à fait cela. J’en ai parlé avec Laurent Grumiaux [directeur commercial du studio montois Fishing Cactus] et l’idée est venue naturellement : pousser les concepts de la Game Jam dans la bonne direction, encadrer et développer ce qui a été fait pendant 48 heures intenses.

Merci infiniment pour le temps que tu m’as accordé ! Bonne chance pour la Game Jam et tes projets futurs que nous suivrons de près.