Vue imprenable sur la folie du monde - Denis Robert
Après son long bras de fer et sa victoire judicaire contre Clearstream, Denis Robert revient à l’écriture, dans un road-movie doux-amer et décapant sur l’effondrement d’un monde et l’impact de la folie financière sur nos vies.« J’habite un no man’s land, un pays de fer et de charbon. Ici, l’avenir a longtemps reposé sur son sous-sol, ses entrailles, ses galeries. Depuis une vingtaine d’années, les mines, les hauts fourneaux et les laminoirs ferment, rouillent, deviennent des musées ou sont démontés pour être exportés en Chine, en Corée ou au Vietnam. J’aurais pu vivre ailleurs... j’ai toujours trouvé des excuses pour rester au bord de la Moselle. Je résiste. Et de ce bout de terre bordé par trois frontières, la vue est imprenable sur la folie du monde. »
DENIS ROBERT
Extraits : On vivait ces derniers temps dans une relative cécité. L’impression que tout allait toujours rouler. On avance, poussé par la foule et les idées reçues. On marche parce qu’il faut marcher. Le mouvement des autres nous entraine. Soudain, on est moins sûr que tout va rouler comme avant. Les nouvelles sur l’état du monde vont plus vite que jamais. Les politiques n’ont jamais paru si impuissants. Ils peuvent bien sûr bagarrer à Bruxelles pour retarder des échéances ou changer de petites choses dans notre quotidien.…Mais rien sur les tendances lourdes, sauf la méthode Coué. Je vous promets que la courbe du chômage va s’inverser…
“J’étais avec mon sapin dans les bras au Carrefour de Rozérieulles sous une pluie neigeuse.& en savoir plus sur Denis Robert...
- Vous cherchez quoi d’autres ? demandait Garette.
- Je ne sais pas….
- Vous voulez une petite branche d’épicéa pour l’odeur ?
Comment lui dire que je cherchais une bonne nouvelle ?”
DENIS ROBERT parle de son travail et de son exposition « Global village »
La finance étant invisible, la réalité avance masquée. J’essaie, à ma manière, de lever une partie du masque. Des réseaux, des espaces, des zones d’influence, des lieux de pouvoir, des territoires apparaissent. Appelons ça le syndrome Goldman Sachs, Barclays, Fitch, Citigroup… Comme on veut. On cherche, on gratte, on tire un fil et on les retrouve toujours ces hommes qui trustent et infiltrent les banques, les fonds de pensions, les agences de notation, les chambres de compensation, les médias, les partis politiques… Je fabrique ces plans pendant de longues immersions où je mets à peine le nez dehors, fonctionnant, concentré, à l’instinct, grâce à mes notes, mon expérience, Internet. Parfois je m’amuse, mais rien de ce qui figure sur ces plans n’est fortuit. Je pourrais les continuer à l’infini. L’ensemble donne une image ramifiée et sinueuse du monde. Forcément esthétique. La puissance destructrice des marchés financiers est virale. Elle tient du gaz toxique. On ne sait jamais vraiment d’où va venir la fuite. Le mauvais coup. Les acteurs des trafics sont des affranchis. Ils échappent à tout contrôle. Ils participent à la décomposition des formes politiques et culturelles. On peut s’en accommoder, s’en foutre. Personnellement, ça m’intéresse. A partir du moment où on cerne mieux les règles cachées, on peut participer à changer leurs effets sur le réel. J’ai ce rapport de force en tête quand je gratte mon noir avec mes blancs. Je sais que c’est infime. Fragile. Je fabrique des traces qui laissent des traces.Petit, je crayonnais dans les marges de mes cahiers, ensuite, le journalisme et l’écriture ont occupé tout le terrain. Mon premier ingrédient, ce sont les mots, leur texture plus que leur sens immédiat. Ma matière c’est le journalisme, l’enquête, la finance, la vie politique, le pouvoir, la solitude, la détresse, la mémoire, nos renoncements, nos espoirs, l’avenir. Une matière hyper contemporaine. M’enfermer à intervalles réguliers entre les quatre murs d’un atelier, mettre en place mes châssis, noircir de grandes toiles blanches, faire glisser mes craies grasses sur ce noir, choisir une couleur, évaluer l’épaisseur d’un trait, imaginer des personnages, des phrases, des associations - en un mot peindre- est désormais devenu pour moi une nécessité. Ce qui me plaît aussi c’est que certains collectionneurs, notamment chinois ou brésilien, emportent mes toiles et ne savent rien de tout cela. Ils aiment. C’est tout. » source Galerie W