Southern bastards #1 (jason aaron & jason latour) : la review
Publié le 03 mai 2014 par Universcomics
@Josemaniette
Je ne sais pas quelles idées vous avez pu vous faire du sud de l'Amérique, mais vous avez probablement en tête une région assez reculée et à la mentalité triviale et arriérée. Les ploucs, avec un relent de racisme assumé. Je n'exagère pas, c'est ce que pensent pas mal d'américains, c'est un peu également ce qu'affirme Jason Latour, un des deux artistes engagés sur cette nouvelle série, Southern Bastards (Image Comics). Qui mêle récit familial, chronique d'un sud criminel, et base-ball, tout cela dans le même titre. Le protagoniste de l'histoire est un certain Earl Tubb, qui a grandi au beau milieu de nul part, dans le petit village pas très accueillant de Craw County. S'il est parti depuis des décennies, il doit aujourd'hui supporter un bref come-back, le temps de faire des cartons pour vider l'ancienne maison familiale désormais inoccupée. Le père, ancien shériff et particulièrement doué pour user de sa batte de base-ball (pas seulement pour le sport mais aussi pour distribuer des coups) est enterré dans le jardin depuis quarante ans, et un arbre a poussé au dessus de la tombe. Earl est confronté, dès son retour en ville, à toutes les raisons qui font qu'il a fui cet enfer de jeunesse. Lorsqu'il décide de manger un morceau dans le snack local, son repas se transforme en une baston improvisée avec les petites frappes du coin, qui semblent obéir à un certain "coach", en rapport avec l'équipe de base-ball du conté. Jason Aaron réussit la petite prouesse de nous enchanter, captiver notre attention, avec cette chronique acerbe et caniculaire où tous les défauts les plus pathologiques des coins les plus reculés du sud se manifestent de manière éclatante. Latour sort un travail remarquable, adoptant plutôt les canons de la Bd européennes, pour des cases en apparences simplistes mais toujours animées d'une puissance évocatrice remarquable. Chaque détail est à sa place, des panneaux à caractère religieux placés à l'entrée de la ville en contraste avec un chien qui fait ses besoins, à l'épitaphe sur la tombe du père (Here was a man, au relent machiste évident). La violence brutale et les cicatrices familiales mal refermées laissent suinter une infection purulente et dérangeante de ce Southern Bastards, et le seul traitement qui me vient à l'esprit est de poursuivre la lecture des prochains numéros, car nous tenons peut être là un des titres poils à gratter de l'année.