Plutôt que de faire un classique bilan journée après journée, nous allons plutôt créer deux listes. La première mettra en avant les points noirs du festival (oui oui, il y en a !), tandis que la deuxième se chargera au contraire de relater la joie, l'allégresse, la plénitude et le bonheur perçus tout au long de cette semaine (on exagère sûrement un peu).
Le Printemps de Bourges, c’est au total plus de 500 concerts sur six jours. Le IN s’étale sur une petite dizaine de lieux dans les quatre coins de la ville, tandis que le OFF se disperse dans une trentaine de bars et de restaurants partenaires. La première chose qui plombe tout ou presque, qui est d’ailleurs quasi-inévitable, c’est la pluie. Il est impossible de vagabonder de concert en concert sans passer à travers les gouttes. Sauf énorme coup de chance bien entendu. Et dire qu’il y a quelques semaines encore nous étions devant notre ordinateur à contempler les palmiers de Coachella… Une chose est sûre, les berruyers n’ont pas connu un festival sans pluie depuis des lustres (et un lustre, ça fait cinq ans !).
Deuxième point qui nous hérisse encore le poil, c’est l’ambiance nauséabonde dans l’espace pros. Certes, sur Lords of Rock nous sommes tous bénévoles, ce qui fait de nous une poignée de passionnés, et se retrouver au milieu de la faune journalistique, qui ère autour du bar sans prendre le temps (ou alors vraiment très peu) d’aller apprécier pleinement les concerts programmés… C’est à vomir. Pendant Stromae et Detroit (le nouveau combo de Bertrand Cantat), la salle était remplie de ces gens là. Par contre, dès qu’il faut fournir un léger effort, ne serait-ce que traverser la route pour profiter du talent de Gaspard Royant et de ses musiciens par exemple (et on ne parle même pas du OFF !), il n’y a plus personne. L’espace pros est à nouveau bondé. Seule une poignée d'irréductibles répond présent. Il est difficile de suivre tous les concerts nous diront-ils, mais le travail de journaliste n’est-il pas de puiser au plus profond, d’être le plus complet possible ? Ambiance retrouvée lors de l’apéro Mediatone, durant lequel les sets s'enchaînent sans pour autant intéresser les pros venus picoler à l’oeil. D’ailleurs, les tentatives de Mr Eleganz (Success) pour réveiller la foule n’ont pas fonctionné. Même le nouveau morceau de son groupe, “Crazy”, n’a pas réussi à leur remuer le moindre membre. Carton rouge pour ces professionnels de la culture qui finalement ne cherchent pas à la développer davantage.
Autre point néfaste, les prix. Quoi ? Les concerts sont chers ? Non. Les prix pratiqués par quelques restaurants et bars sont bizarrement gonflés le temps du festival. Payer un ersatz de mojito 10€ en plein coeur du Berry, ça fait cher le Perrier au litre… Mais évidemment, seuls quelques-uns en profitent. Ne crachons pas sur la totalité. Et puis quelle idée de boire des mojitos aussi. Le lait-fraise est tout aussi rafraîchissant.
On termine avec cette fresque murale incompréhensible de trente mètres représentant Stromae, avec pour inscription “Le Printemps de Bourges Stromae”, en hommage à sa chanson “Rail de musique”. Faut-il vraiment en faire autant pour attirer le belge ? N’est-ce pas un peu trop rabaisser les autres artistes programmés ?
Mais le Printemps de Bourges ce n’est pas que ça. Nous avons tout de même eu quelques éléments pour contrebalancer toute la partie négative citée ci-dessus. A commencer par Delphine Caurette et son équipe, qui tout au long de la semaine a su être réactive quant à l’organisation générale. Bon, avouons quand même que nous n’avons absolument pas posé de problèmes, mais dans tous les cas, c’est avec une pluie de sourires que commençaient nos journées.
Le Printemps de Bourges c’est aussi une floppée de bon concerts ! Il y a les connus, archi-connus comme Shaka Ponk et Skip The Use qui se sont succédés lors de la deuxième journée de festival. Sets maîtrisés, public en ébullition… leur fusion électro-rock connue de tous a littéralement embrasé le W, chapiteau monté pour l’occasion qui accueille chaque soir plus de 6000 personnes. Les groupes français sont maîtres en leurs terres. La soirée avait d’ailleurs bien commencé avec les deux frères de Drenge, venus délivrer leur rock enragé, avant de laisser place à Biffy Clyro, véritables rois du rock alternatif outre-manche. La formation écossaise a prouvé que leur réputation en Grande-Bretagne ne sort pas de nulle part. Torses nus dès l’entame du concert, Simon Neil et sa bande ont enchaîné les tubes, leurs tubes. De “Stingin’ Belle” à “Moutains”, le public a semblé conquis.
On notera également les belles performances de Bison Bisou et Olympia Fields. Ces derniers, pourtant programmés de bonne heure, font danser la foule avec une rythmique à la Foals. Les 5 musiciens ont de l’assurance et inversent même leurs rôles pour le finish. Du rock indé chiadé. Chaude ambiance à nouveau avec Toybloïd. Les fans d’Indochine ne sont bien entendu pas étrangers à ce groupe composé de la nièce de Nicola Sirkis. Mais réduire Toybloïd uniquement à ça serait réducteur, insultant même. Les premiers riffs accrocheurs du trio mettent tout le monde d’accord. La bande fait dans le garage. Du Subways en moins policé. Les amateurs de rock’n’roll n’étaient pas en reste avec The Buns, qui a su tirer son épingle du jeu au 22 durant les iNOUÏS et surtout avec The Strypes. Les petits protégés d’Arctic Monkeys ont déjà l’attitude de leurs aînés, et prouvent pour le moment qu’ils marchent dans leurs pas. Les quelques festivaliers qui ignoraient l’existence des minots sont encore sous le choc.
Un peu plus de douceur avec Cats On Trees, Minou et My Ant. On ne présente plus les interprètes de “Sirens Call”. Le duo piano/batterie apaise l’espace d’un instant le Palais d’Auron. Pour Minou, c’était l’occasion de présenter quelques nouveaux titres, comme “Pense à Moi”, sans pour autant oublier les “anciens” avec “Un Hiver à Juneau”. La pop-indé de Pierre et Sabine résonne encore le long des rives de l’Auron. Pour My Ant, c’était l’occasion de présenter le nouvel EP. “Right And Round” symbolise la nouvelle orientation musicale prise par le groupe. Un son plus étoffé, plus musclé, sans pour autant tomber dans le rock alternatif. Le dosage est parfait.
Si les amateurs de Julien Doré et Emilie Simon s’attendaient à prendre leur petit apéritif tranquillement le temps qu’un certain Gaspard Royant occupe la première demi-heure, c’était mal connaître le loustic. Le crooner coincé dans les sixties a quelque peu retourné la salle qui s’attendait certainement à un peu plus de douceur au vu de ses airs de gentil garçon. Prodigieux Gaspard Royant !
Durant les six jours de concerts, il y a également ces artistes de second plan, beaucoup moins connus, mais qui surprennent tout autant si ce n’est plus les quelques festivaliers présents lors de leurs représentations. A commencer par Roy Thompson & The Mellow Kings, venus jouer au Murrayfield en ouverture du festival. Leur musique, qui tangue entre rockabilly et blues rock a su faire valser l’assemblée. D’ailleurs, des “fans” de Danny Zuko et sa bande des T-Birds étaient présents pour profiter des six musiciens. Thomas, un des Mellow Kings nous a même réconcilié avec la contrebasse jusqu’alors associée dans nos esprits à Bouli des Forbans. Belle surprise ce Roy Thompson.
Parlons maintenant des deux groupes qui nous ont certainement le plus secoué. Il y a d’abord eu Madjive, formation franc-comtoise, quatre cent kilomètres pour jouer à peine plus de trente minutes samedi. Succédant au québécois Keith Kouna, le groupe tarde à se lancer face à une salle quasi-vide. Finalement, les premiers claquements de cymbales réussissent à rassembler les spectateurs jusqu’à présent en pause clope. “Sloth”, “Rock’n’roll Diva”, “Strike Again”, les quatre gus envoient la sauce à chaque morceau, et peut être même plus avec leur reprise de “Gay Bar” sur laquelle ils envoient tout valdinguer. Pour clôturer cette déferlante de punk’n’roll, distribution gratuite du nouvel EP “Keep Quiet”. Sont sympas les mecs.
Dernier concert du festival. Retour là où tout à commencé pour nous, au Murrayfield. Non, la Rock’N’Beat Party ne nous a pas vus, la programmation penchant plutôt vers le beat que le rock. Les dés étaient donc pipés au moment de choisir entre Bad Billy et Kavinsky. Après avoir vu un peu plus tôt dans la semaine un concert des tourangeaux très étrange, qui tendait plus vers une ambiance disco’n’roll (merci au HLK pour ce magnifique jeu de lumières), il était temps de remettre les choses en ordre avec du rock, du vrai. Top départ à 1h du matin, pendant que les “boom-boom” du W résonnent à travers la ville, Bad Billy démarre le show. Jean-Gatien, Thomas, Gaël et Nathan sont ici comme à Tours, ils sont chez eux. L’ambiance confinée du bar berruyer ne les muselle donc pas. La bande retourne le Murrayfield que ce soit avec “Son Of A Bitch”, “Wild Cat” ou “Demoniak”… Chaque morceau est renversant. Inspirés par les Queens Of The Stone Age, les Kinks et les Stooges, les quatre cocos veulent avant tout se faire plaisir et enflammer le public. Après plus d’une heure de concert, il est temps de poser les instruments et de dédicacer quelques affiches à des groupies fraîchement révélées.
Semaine bien remplie donc, et chargée de belles rencontres, de découvertes, de confirmations. Peut être que les groupes présents au OFF auront un jour leur chance dans le IN. Croisons les doigts pour eux, certains méritent tout autant leur place.