Sur les trois derniers présidents de notre république abâtardie, on aura eu un roi fainéant, bien sympa mais c'est tout, et deux démolisseurs de l'ossature « régalienne » de la fonction — ces deux derniers aussi éloignés que possible l'un de l'autre, mais dont l'action au total, pour l’un comme pour l’autre, sera parvenue à rabaisser tout à la fois leur propre personne, leur fonction, la réputation de la France et, last but not least, la cohésion nationale voire l'image que les Français se font d'eux-mêmes... Bilan qui reste à clore, puisqu'on n'a même pas encore atteint le demi-mandat de l'ultime prince, ce foudre de guerre !
Quant à celui d'avant ce trio, le sphinx florentin, il n'aura été finalement que le singe de De Gaulle — comme le diable pouvait être celui de Dieu, si l'on en croit Tertullien : une contrefaçon minable et vicieuse de roi de France...
Giscard aura été le président de la transition, celui qui pensait inventer la « modernité » et prétendait faire entrer la France dans l’ère des temps nouveaux. Il aura été en fait celui dont la vanité a amorcé la désacralisation de la fonction présidentielle. Mais le reste de la société tenant bon encore, on ne s’en était pas vraiment aperçu…
Depuis plus de trente ans, la France n'est gouvernée que par des « élites » qui méprisent son histoire — ou la méconnaissent —, et sont dégoûtées par son peuple, sa culture... Il ne faut pas s'étonner qu'à force, ce qu'il reste de sain, de digne, et surtout de libre chez ce peuple se rebelle : « Quand les peuples cessent d'estimer, ils cessent d'obéir ». Mais gare, ça peut faire plus mal qu'on ne croit...
Continuons par l'observation du Nombre.
En Europe et notamment en France, l'identité des nations, ou ce qu'il en reste, est vue par ces élites comme un archaïsme insupportable, réactionnaire, haineux, stupide — sauf si c'est le fait de certains peuples étrangers, choisis, incarnant une sorte d'aristocratie de l'humanité, qui auraient seuls le droit, eux, de cultiver leur particularité, et d’en tirer la conscience d’une supériorité à ne surtout pas discuter...
Ces particularismes nationaux, ces ringardises donc, sont les derniers soubresauts de résistance de peuples censés devenir une main d'œuvre écervelée, servile, pour le profit d'un libéralisme mondialisé. Le capitalisme outrancier d'aujourd'hui, financier, hait plus encore les frontières que le marxisme de grand-papa. Mais lui n'a pas besoin de chanter «l'Internationale» à tue-tête, il lui suffit de jouer sa partition à Wall-Street, à la City ou à Hong-Kong.
L'Europe aurait pu — aurait dû — être notre rempart commun contre ce dévoiement du capitalisme, notre solidarité à nous, nations devenues trop étroites pour bien lutter sur la scène internationale : d’ordinaire l'union, effectivement, fait la force. Mais c’est plutôt comme une farce que se présente l'Union Européenne désormais. Parmi tous ces commissaires, cette technocratie entretenue à prix d'or, c'est à qui tapera le plus sur les «archaïsmes» nationaux, sur les dernières velléités d'indépendance, de souveraineté. Sous le regard amusé et jouissif des Anglais — le 51ème État nord-américain... —, entrés dans cette Union pour mieux la pourrir, comme le pressentait si bien De Gaulle.
Pour transformer les peuples d'Europe en prolétaires chinois, pakistanais, bengalais ou philippins, comme on a tenté de l'expérimenter avec les Grecs, il faut qu'ils soient mis en concurrence totale avec ceux-ci. Il faut donc que les armes qu'ils se sont forgées au cours de siècles de sacrifices soient brisées. Ces armes, ce sont leurs nids nationaux et leur culture, leur façon de voir le monde, leur mode de vie... Qu'on balaie tout cela, et le monde tournera rond ! Il tournera rond surtout pour les grandes compagnies transnationales, dictant leurs lois à la surface du globe, et faisant les rois des temps nouveaux.
Arrivons-en à l'essentiel.
Cette hégémonie capitaliste d'aujourd'hui, cosmopolite mais qui s'organise essentiellement autour du pivot anglo-saxon, de pôle américain, s'est pratiquement étendue au monde entier. Elle n'y rencontre plus que des résistances assimilées à du folklore, qu'on finira par convertir. Et les recoins où la greffe ne prendrait vraiment pas, qu'on en fasse un terrain de guerre puisqu'on n'a pas pu en faire un terrain de chasse ! La démolition tragique du Moyen-Orient est une conséquence de cette stratégie — jusqu'à inventer ce concept imbécile d' « États voyous » ! Le délabrement constant de l'Afrique en est une autre, plus indirecte.
Pas de tels désordres en Europe, bien sûr, mais l'affrontement « culturel » n'y est pas moins présent. Sous l'égide désormais des institutions communautaires, il faut que la vision socio-économique « anglo-saxonne » pénètre tous les champs, et ce qui ferait obstacle doit être plié.
Voilà comment on peut parvenir à ce comble : au moment où des communautarismes, parfois extravagants et conflictuels, croissent comme mousse en Écosse, démolissant tranquillement les solidarités nationales, historiques et éprouvées, ces dernières ne sont plus vues par nos gouverneurs que comme un « nationalisme » putride à éradiquer des têtes et des cœurs.
En tout cas, des quelques têtes et cœurs encore réfractaires à la Sainte-Doxa. Et où les trouve-t-on, comme par hasard, ces pôles de désobéissance ? Dans deux foyers : l'un qu'on pourrait nommer le foyer « roman », qui comprend, pour faire simple, le monde latin auquel il faut adjoindre le monde hellénique — même si celui-ci s'en distingue formellement; l'autre qui est le foyer slave. Bien qu'une bonne moitié de la nation ait des racines diverses, le « poids lourd » du premier foyer demeure incontestablement le pays de France. La vieille et grande nation russe est évidemment le cœur du second.
On comprend mieux alors l'acharnement mis par les instances « internationales », de stricte obédience américaine, à démembrer cette pauvre Yougoslavie — jusqu'à la farce ultime de l'autodétermination du Kosovo, processus dont on refuse aux Russes la réciprocité en Crimée et en Ukraine orientale : il s'agissait par-dessus tout de briser définitivement les Serbes, cette tête de pont en territoire germano-américain.
Concluons donc.
On comprendra donc, peut-être, pourquoi le « nationalisme français » est vilipendé à ce point par tout ce qui brille d'intelligence et de bon goût, en France et dans la communauté européenne : il faut laisser le champ libre à l' « axe anglo-saxon », qui a déjà colonisé, et depuis belle lurette, les cervelles de la moitié nord de l'Europe, et fait depuis quelque temps de l'entrisme forcené dans les anciennes « marches » occidentales russes — jusqu'à pousser au besoin à la guerre civile en Ukraine, ce qui est déjà bien amorcé.
En Europe occidentale, et plus précisément au sein de l'Union Européenne, le «particularisme» français est désormais le dernier obstacle lourd à l'aveulissement définitif de ce demi-continent ; il a encore la force d'agréger les résistances contre l' « ordre du monde » tel que le veulent Uncle Sam, Jean-Claude Juncker, Jose-Manuel Barroso, David Cameron, Daniel Cohn-Bendit, François Hollande, une bonne moitié de l'UMP ou du PS et 100 % des centristes. Il faut donc le barrer d'une façon ou d'une autre, et d'abord le moquer.
Le 25 mai prochain nous aurons un petit peu, un tout petit peu, voix au chapitre. Il serait dommage de ne pas en profiter.