UNE VENDETTA (d'après Maupassant)
Près de Bonifacio, la veuve Baranis
Habitait avec Antoine, son dernier fils
Et son gros chien-berger Sémillant.
À la suite d’un différend,
Antoine fut assassiné par Ravoleti.
Quand la vieille mère
Reçut le corps de son petit
Que des passants lui rapportèrent,
Elle demeura à le regarder
Puis, levant sa main ridée,
Promit la vendetta :
« Tu seras vengé, mon garçon, va ! »
Une nuit, la mère conçut l’idée
De sa vengeance. Au jour levé,
Elle porta de l’eau à son chien
Mais rien de plus, ni soupe ni pain.
Le lendemain, Sémillant
N’eut de nouveau rien à manger.
La bête furieuse, le poil hérissé
Tirait sur sa chaîne éperdument.
Le jour suivant,
Avec de vieux vêtements,
La veuve confectionna
Un mannequin bourré de paille.
Autour du cou de l’épouvantail,
Elle lui ficela
Un gros morceau de boudin
Et l’attacha
Au portail de son jardin.
Puis la vieille déchaîna Sémillant
Qui, sans discernement,
Se jeta sur sa proie, la déchira,
S’acharna et la dévora.
Ensuite, la veuve alla le renchaîner.
Pendant trois jours, elle le fit jeuner
Puis jugeant que ce cruel entrainement
Était suffisant,
Elle se rendit chez l’assassin
En compagnie de son chien.
Elle acheta en chemin,
Un morceau de boudin.
Et le fit sentir à Sémillant pour l’énerver.
Dès qu’elle fut arrivée,
Elle lâcha le chien sur Ravoleti, en hurlant :
-« Va, dévore, dévore ! »
Le chien s’élança.
Ravoleti s’écroula.
L’animal lui fouilla le corps,
Arracha la chair par lambeaux.
Le sang coulait à flots.
Ravoleti se tordit de douleur un instant,
Puis expira.
Avec son fidèle Sémillant,
La veuve Baranis, apaisée, rentra.