Fito n’est plus le même homme qu’autrefois. S’il a survécu au séisme, il y a perdu des êtres chers. Il est révolté contre la lenteur du gouvernement qui laisse sa population croupir dans des camps infects et être ravagée par des épidémies de choléra. S’il a eu du succès avec son premier roman, il n’arrive plus aujourd’hui à écrire. Il se noie dans l’alcool, s’éloigne de sa compagne et de ses amis. Seules les jeunes filles qu’il rejoint tous les vendredis soirs sous leur tente contre de l’argent lui donne l’impression d’être encore vivant. Il est en pleine détresse, terrifié par ce qu’il est devenu et rongé par la honte. Mais rien de tout ça n’est parvenu à m’émouvoir, et tous ses problèmes et difficultés résonnent comme des prétextes l’autorisant à s’adonner à des penchants abjects.
Et puis arrive Tatsumi, la femme qui pourrait parvenir à sauver Fito Belmar et l’empêcher d’aller se perdre dans Canaan ! Une femme qui ressemble à une enfant : « Elle avait une voix d’enfant, une queue-de-cheval, la face ronde et plate, un nez petit et droit, des lèvres épaisses, bien ourlées et comme teintées de vin rouge. […] Elle pourrait aussi bien être un jeune garçon. Une femme enfant. » Alors là, on penche carrément dans le sordide : non seulement, Fito aurait le droit d’être pardonné et excusé, mais en plus par une femme qui lui rappelle les toutes jeunes filles avec qui il prend du plaisir les vendredis soirs…
Je n’ai pas beaucoup apprécié le côté presque malsain de ce roman et dont on ressort avec un sentiment de malaise. J’aurais aimé que l’auteur donne plus de place aux paroles des jeunes filles abusées, qui apparaissent ponctuellement dans le roman, mais trop peu, et qu’on ait moins l’impression que le comportement de Fito puisse être excusable. Kettly Mars dénonce avec un certain talent d’écriture les horreurs commises dans son pays, mais en adoptant un point de vue très risqué qui peut ne pas plaire à tout le monde.
Lu dans le cadre du Prix Océans.