À l'ère des smartphones et des mémoires USB/SD, l'Amérique découvre que ses missiliers nucléaires utilisent des disquettes 8 pouces et s'accomodent d'un matériel informatique datant des années 1960-1970.
La chaîne CBS a diffusé un reportage réalisé au coeur d'un site de lancement de missiles nucléaires Minuteman dans le Wyoming rural. Ici, point de clés sécurisées avec bouton rouge, ni d'identification biométrique et encore moins de codes d'authentification à rallonge.
Afin de déclencher le feu nucléaire, les officiers opérateurs de l'US Air Force recourent à des disquettes 8 pouces insérées dans des ordinateurs datant des années 1960-1970, le tout formaté et configuré par ce qui fut autrefois le Strategic Air Command Digital Network (SACDIN). Une opératrice vingtenaire - comme la majorité de ses compagnons d'armes – avoua avoir découvert ce vieux support en exerçant dans ce Launch Control Center(LCC), ne se doutant guère qu'une disquette de quelques kilo-octets « pouvait semer un tel carnage sur Terre. »
En outre, le système interne de communication et ses téléphones demeurent analogiques, et les officiers font ouvertement état de leurs difficultés à s'entendre correctement. Un malheur ne venant jamais seul, les pellicules, microfilms et radiographies se dégradent avec le temps, d'où la perte irrémédiable des informations de gestion des ogives nucléaires .
Selon le Major-Général Jack Weinstein en charge du site, des ingénieurs en cybersécurité avaient effectué une analyse complète du réseau informatique et avaient conclu que sa conception et son développement sont précisément le facteur central de sa sûreté et de sa sécurité. En effet, ce réseau (très) vieille école enterré plusieurs mètres sous terre est complètement déconnecté de l'internet et ne peut donc être la cible de hackers ou d'une arme électromagnétique.
L'argument du haut gradé fait sens car il est peu probable qu'un quelconque hacker dispose d'un savoir-faire dédié à ces architectures informatiques d'un autre âge. En outre, la faible capacité de stockage (de 80 Ko à 1,2 Mo) de la disquette 8 pouces lui offre une protection native contre un malware sophistiqué tel que Stuxnet (qui infecta plusieurs installations nucléaires iraniennes via des clés USB) car trop gourmand en mémoire pour ce support magnétique conçu en 1967 par IBM.
L'obsolescence des installations et armes nucléaires doit tant à des contraintes budgétaires qu'au fait que les Etats-Unis, tenus par des traités de désarmement signés avec la Russie, n'ont plus conçu d'armes atomiques depuis les années 1990. Or, il est plus qu'indispensable de conserver jalousement les informations précises sur l'assemblage détaillé de ces armes nucléaires à la fois pour leur mise à niveau, pour leur maintenance et pour leur démantèlement. Malheureusement, bon nombre d'ingénieurs et de sociétés à l'origine des pièces et composants ont tout simplement disparu, leur expérience avec.
Selon une étude du Stimson Center, la mise à niveau des LCC, de leur armement et de leurs systèmes d'information coûtera 352 milliards de dollars sur une dizaine d'années. Toutefois, les sites de lancement de missiles Minuteman III (entré en service en 1970 et amélioré jusqu'en 1978) ont déjà bénéficié d'une remise à niveau générale de 7 milliards de dollars. L'US Air Force dépensera 19 millions de dollars en 2014 et a réclamé une enveloppe de 600 millions de dollars au Pentagone pour l'année 2015.
L'immense majorité de ses missiliers nucléaires n'est donc pas prête de voir un CD-ROM, une clé USB ou une carte SD dans les prochaines années...