S’il est un album des aventures de Tintin qui m’a profondément marquée dans ma jeunesse, c’est bien « Les 7 boules de cristal », qui m’a fascinée et effrayée pendant des nuits et des nuits. Cette histoire de malédiction d’archéologues plongés dans un sommeil cataleptique au cours duquel ils subissent d’atroces souffrances en expiation de la violation de sépultures précolombiennes constitue un scénario particulièrement original.
Encore que … J’ai dû découvrir l’album au début des années 60, et en ce temps-là, on ne parlait pas tellement de la pseudo malédiction de l’équipe découvreuse du tombeau de Toutankhamon (l'exposition au Petit Palais consacrée à "Toutankhamon et son temps" date de 1967) ...
C’est pourtant bien à cette mystérieuse histoire que se réfère Hergé lorsqu’il compose son nouveau scénario. Car le créateur de Tintin, sans jamais ou presque quitter son pays, procède à une longue recherche documentaire et iconographique avant de se lancer dans une nouvelle aventure. L’ouvrage de Philippe Goddin – qui a connu personnellement Georges Rémi et fut secrétaire général de la Fondation Hergé pendant dix ans – explique strip à strip tous les détails des images : comment elles viennent s’insérer dans le décor, par qui ou quel objet elles sont inspirées, quelle collaboration a été apportée. En particulier celle d’Edgar P. Jacobs qui troque sa vocation de chanteur d’opéra pour celle, qui le rend bientôt célèbre – de dessinateur de bande dessinée.
Et on découvre ici à la fois les faiblesses des références historiques, parfois fondées sur des bases étroites ou erronées, et le contexte historique particulièrement dramatique de la parution hachée de cette histoire.
Cette version originale correspond à la parution dans le quotidien Le Soir en 1943 – 1944. C’est la guerre. Rien n’apparaît de cette angoisse dans l’œuvre d’Hergé, à la différence par exemple des premières planches de Tintin au pays de l’or noir. Entre les interruptions dues aux hostilités, à la fermeture du journal puis aux périodes de dépression de l’auteur, sa mise en quarantaine pour cause de travail pendant l’occupation allemande, l’histoire des 7 boules de cristal sera enfin publiée dans « Le journal de Tintin » entre le 26 septembre 1946 et le 22 avril 1948.
Autre "perle" de cette étude : l'album d'écolier sur lequel Hergé collait les bandes de la BD, lui permettant de transposer au format album en recomposant certaines scènes ou gags devenus célèbres.
Ce premier tome sera donc suivi de l’étude correspondante portant sur la suite de l’histoire (àp paraître à l'automne), quand Tintin et le Capitaine Haddock débarquent « A Callao, chez le chef de la police », pour gagner « Le Temple du Soleil ». Bref, un ouvrage indispensable à tous ceux qui se déclarent tintinophiles !
La malédiction de Rascar Capac, tome 1 « Le mystère des boules de cristal, par Hergé et Philippe Goddin aux éditions Casterman, format à l’italienne sous coffret :136 p. 20€