Avertissement au lecteur:
Cet article n'est pas de moi, mais d'Olivier Bonnet, qui écrit nettement mieux que moi, si bien qu'il en a sorti un bouquin, et puis c'est son job d'être pertinemment incisif avec ces bouffons. Vous vous souvenez du tumulte umpiste suite au jugement condamnant Ségolène Royal ? "Ouiiiiiiiiiii, c'est insoutenâââble, c'est le pîîîre événement arrivé depuis 30 siècles, et pourquoi que l'AFP n'a pas repris mon communiqué à moi personnellement ?, c'est une honte !, voyez ce à quoi vous avez échappé, " etc. etc.
Là, pareil.
Croissance : "la fanfaronnade sidérante du gouvernement"
On pensait que la croissance française atteindrait 1,9% en 2007, voilà qu'elle culmine finalement à 2,1. Aussitôt se pâment nos gouvernants : Sarkozy estime que ces chiffres "témoignent de la nécessité de garder le cap", Fillon juge que "C'est une très, très bonne nouvelle", y voyant une conséquence "des mesures que nous avons prises en faveur du travail" et Lagarde ne craint pas de se féliciter : "Vous accueillez ce matin un ministre de l'Economie qui se réjouit et qui jubile. Contre vents et marées, je n'ai cessé de dire que nous serions au moins à 2 %". C'est vrai, mais elle visait davantage, comme le lui rappelle le PS dans un communiqué, en s'étonnant "que Mme Lagarde puisse "jubiler", selon ses propres termes, d'une croissance revue à 2,1% en 2007, alors qu'elle-même avait promis une croissance de 3% au mois de juin, ramenée à 2,5% en septembre, puis à 2,25% en octobre et enfin à 2% en décembre". Ceci posé, on a tout de même une embellie de 1,9 à 2,1. Justifie-t-elle les déclarations extatiques gouvernementales ?
Voyons ce qu'en dit l'économiste
Nicolas Bouzou, qui dirige la société d'études Asterès, qu'il a créée, et enseigne à Sciences-Po et à l'Université Paris VII. L'homme est un néo-libéral pur sucre, comme l'atteste ce concentré de propagande patronale que l'on peut lire sous sa plume dans son ouvrage
Petit précis d'économie appliquée à l'usage du citoyen pragmatique, publié en mars 2007 : "
Nous ne travaillons pas assez, les entreprises investissent trop peu, notre système fiscal pénalise la création de richesse et la croissance future. Quant à notre marché du travail, sa rigidité protège les salariés en place, mais ferme les portes de l'ascenseur social aux plus fragiles. L'Etat enfin, gaspille de précieuses ressources sans compter. Ces assertions reposent chacune sur des faits tangibles, et non sur des a priori
idéologiques". Tu parles ! Que les Français ne travaillent pas assez est faux (voir
Durée du travail en France : un mensonge d'État), la dénonciation du système fiscal est typique de la droite (purement idéologique, donc) - ce sont de semblables positions qui justifient le scandaleux bouclier à 50% - et le marché du travail, jugé trop rigide, est constamment flexibilisé depuis des années sans que jamais les travailleurs n'en bénéficient ! Pour preuve, depuis 1980, "
la proportion des travailleurs à temps partiel est passée de 6 à 18% de l'effectif salarié total, et celle des autres formes d'emploi atypiques (intermittence, intérim, etc.) de 17 à 31% du salariat" (
Le Monde, 30 novembre 2007). Dans le même temps, "
le revenu salarial net n'a pratiquement pas augmenté depuis ces vingt-cinq dernières années" (
Les Échos, 30 novembre 2007), tandis qu'ont explosé les profits des entreprises : "
les approximations optimistes concèdent 16% d'augmentation seulement (des salaires)
entre 1987 et aujourd'hui. C'est aussi en 1987 que naissait le CAC 40, avec un indice 1000. Il cotait 5697 points le 11 décembre dernier : + 470%, donc" (
Le Monde diplomatique, janvier 2008). Voilà donc à quoi mène le flexibilisation du marché du travail que Bouzou appelle de ses vœux ! Toujours est-il que cet économiste, qui propage de façon aussi éhontée les dogmes libéraux, devrait se montrer enthousiaste à propos de l'embellie de la croissance qui fait sauter de joie le gouvernement. "
La trentaine de mesures en faveur du pouvoir d'achat n'ont pas empêché la consommation des ménages de freiner fortement", estime-t-il pourtant, interrogé dans l'édition d'aujourd'hui des
Échos. "
Le gouvernement se réjouit de bons chiffres dont pas grand-chose de tangible ne montre qu'ils puissent être mis à son crédit", conclut-il.
Michel Sapin, secrétaire national du PS à l'Economie et la fiscalité et ancien hôte de Bercy, est encore plus sévère en fustigeant "la fanfaronnade sidérante du gouvernement" : "Ce niveau de croissance atteint en 2007 reste faible, surtout au regard des résultats obtenus par nos principaux partenaires européens (2,6% pour l'ensemble de la zone euro, 2,5% pour l'Allemagne et 3% pour le Royaume-Uni). L'analyse des enquêtes de conjoncture montre une dégradation profonde et durable des indicateurs économiques en France". Exemple : "la production industrielle se tasse (-0,8% en mars 2008, NdA). L'autosatisfaction dont fait preuve le gouvernement est dès lors totalement déplacée et à tous égards inacceptable."