Europe : le pastoralisme français esseulé

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

Le respect de la législation européenne pause un problème aux éleveurs français

Lors du dernier Workshop « large Carnivore » à Bruxelles, la Commission a rappelé le contexte et les conditions minimum pour participer à le plate-forme qui sera mise en place en juin 2014: la signature par les représentants habilités des organisations d'un document fondateur , un « Manifeste sur la coexistence avec les grands carnivores dans l'Union européenne ».

Ce manifeste (voir le projet) est un court document indiquant les principes généraux acceptés par tous les signataires et dont les contenus ne seraient pas rediscutés durant les travaux.
Pour la commission, plusieurs éléments sont considérés comme essentiels :

  • Le respect de la législation : La Directive Habitats de l'UE est un instrument juridique approprié pour la conservation et la gestion durable des espèces de grands carnivores dans un état de conservation favorable dans l'UE .

  • La reconnaissance de la validité des intérêts multiples : les paysages ont plusieurs fonctions. Les sociétés humaines ont le droit d'utiliser leurs ressources naturelles de manière durable et les grands carnivores sont partie intégrante des écosystèmes européens.

  • L’acceptation de la nécessité d'un dialogue constructif entre les parties prenantes : Afin de faciliter la coexistence hommes/prédateurs sur le long terme, les participants s'engagent dans un dialogue constructif à travailler ensemble au niveau national et régional en vue de trouver des solutions communément acceptées aux conflits.

  • La nécessité d'une coopération transfrontalière : La grande majorité des espèces de grands carnivores vivent sur des territoires qui dépassent les frontières nationales, la coopération transfrontalière est donc indispensable.

Pour le pastoralisme français, rien que le premier point, le respect de la législation, est déjà insuportable car il rend le statut du loup difficilement modifiable, ce qui est contraire à leur envie de déclasser le loup et de lui enlever toute protection juridique.

La trahison des syndicats

Certains éleveurs extrémistes parlent déjà de trahison des syndicats. La Copa-Cogeca, qui regroupe les organisations et coopératives agricoles européennes, était largement représentée à Bruxelles. Elle va sans aucun doute participer à cette plate-forme et signer le manifeste tout comme d'ailleurs l'autre fédération, celle des chasseurs : la FACE (fédération européenne des associations de Chasse et de conservation) qui va également participer à la suite des travaux comme l'indique un de leur dernier communiqué.
Les éleveurs français regroupés derrière la FNSEA et la FNO risquent donc bien, une fois de plus de se retrouver esseulés, crispés sur leurs positions intransigeantes anti-cohabitation: une nouvelle démonstration de ce qui constitue “l’exception française”.
La FNO qui espérait faire reculer l’Europe reconnaît « se heurter à un mur ».  Chasseurs, associations de défense de la nature, agriculteurs et scientifiques seront conviés autour de la table sans eux, s’ils s’obstinent à refuser la législation européenne et à jouer cavalier seul.

Les déclarations sucrées de Stéphane Le Foll aux éleveurs lors du congrès de la Fédération nationale ovine, le 24 avril 2014 à Arles dans les Bouches-du-Rhône, confirment cette impuissance: la France est minoritaire. Le ministre s’excusant presque de ne pas pouvoir faire changer l’Europe de position : la directive Habitat reste d'actualité.

Je suis un pauvre éleveur solitaire

Emmanuel Coste, le vice-président de la FNO qui a été désigné par le Copa-Cogeca pour faire partie du groupe de travail, avoue que la position des éleveurs français « n'a pas été entendue » à l’intérieur de l’organisation et que le refus français de la directive Habitats ne fait pas l'unanimité. Les autres pays qui « préfèrent agir de l'intérieur » ne comptent pas s’opposer à la directive Habitat. « Nous ne voulions pas le signer », regrette Emmanuel Coste. Le pastoralisme français est esseulée, malgré l'usage immodéré de la méthode Coué.
 
La FNO espère maintenant que les députés français vont accepter le récent vote des sénateurs opposés au loup ; ce qui est loin d’être acquis et risque de créer une nouvelle brêche dans laquelle toutes les associations de protection de l’environnement vont s'engoufrer pour lancer une nouvelle plainte contre la France au niveau européen.