Le gouvernement devrait-il abandonner le recours à la sous-traitance?

Publié le 30 avril 2014 par Magazinenagg
Le 19 avril dernier, Richard Perron, Président du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), publiait un texte intitulé : va-t-on enfin mettre la table pour un coup de barre concernant la sous-traitance?
Dans son texte, monsieur Perron attribue la pénurie d’expertise au sein de la fonction publique au recours à la sous-traitance. Il conclut :
Il est impératif de reconstruire l'expertise perdue depuis les 20 dernières années au sein du gouvernement du Québec pour : 1.   contrôler la qualité des travaux effectués; 2.   diminuer les coûts des projets; 3.   (et donc) assurer la pérennité de nos services publics. Une solution simple, efficace et économique - profitable pour tout le monde.
Le moins qu’on puisse dire est que monsieur Perron prêche pour sa paroisse.
Reprenons ses arguments un à un.
Contrôler la qualité des travaux effectués.
En effet, c’est le rôle du gouvernement de surveiller les normes établies et de les faire respecter. Monsieur Perron attribue les abus des entrepreneurs transigeant avec l’État au manque d’expertise des fonctionnaires. C’est un raccourci qui ne tient pas la route. Les abus résultent de la rencontre d’entrepreneurs avides et de fonctionnaires peu scrupuleux.
Depuis quand l’expertise est garante de l’éthique? Ce n’est pas le manque d’expertise qui explique la piètre qualité des travaux effectués par les sous-traitants. C’est surtout parce que des fonctionnaires ont fermé les yeux en échange des cadeaux qui leur étaient offerts. Pour chaque enveloppe présentée, il y avait la main tendue d’un fonctionnaire, d’un apparatchik ou d’un politicien.
Diminuer les coûts des projets.
Il est vrai que les coûts des infrastructures et des services coûtent plus cher au Québec, mais ce n’est pas la sous-traitance qui en est la cause.
Il faut plutôt attribuer ce phénomène à la corruption, à l’inefficacité des monopoles d’État et à l’excès de règlements nuisibles à la productivité des entreprises.
Primo, la corruption est un phénomène récurrent favorisé par l’absence de concurrence et la trop grande présence de l’État dans l’économie.
Deuxio, les monopoles d’État sont des organisations inefficaces dont le but premier est de protéger le statu quo. Au contraire, les sous-traitants, grâce à la magie de la concurrence, doivent constamment innover et se renouveler pour survivre. Cela permet de contrôler l’augmentation galopante des coûts et d’améliorer la qualité des services gouvernementaux.
Enfin, la multiplication des règlements, souvent inutiles, voire nuisibles, coûte cher aux entreprises, en particulier aux PME. Ces coûts gonflent les prix des services fournis au gouvernement et à la population.
Assurer la pérennité des services publics.
Pour des raisons historiques et culturelles, les Québécois sont attachés à la sociale démocratie. Malheureusement, si rien n’est fait, dans quelques années les monopoles d’État, en particulier en santé et en éducation, boufferont l’ensemble des revenus de l’État. Alors, nous pourrons dire adieu à la sociale démocratie.
À court terme, la sous-traitance permet aux monopoles d’État de survivre, mais à plus long terme la survie de la sociale démocratie passe par la privatisation.
Le Québec devrait s’inspirer du modèle suédois. Le gouvernement demeure responsable des normes d’universalité et du contrôle de la qualité, mais les services sont fournis à la population par des entreprises indépendantes du gouvernement.  Les coopératives, les organismes à but non lucratif, les entreprises privées se concurrencent entre elles pour se tailler une place dans le marché des services gouvernementaux, nommément en santé, en éducation et en transport public. C’est à ces conditions que les Suédois ont évité le naufrage de leur sociale démocratie.
Comme le prétend monsieur Perron, il est évident qu’un sérieux coup de barre est nécessaire pour sauver la sociale démocratie québécoise. Toutefois, le coup de barre requis est diamétralement opposé à celui proposé par monsieur Perron. Il faut décupler le recours à la sous-traitance en attendant la privatisation pure et simple des services offerts par l’État. Les restreindre, comme le propose monsieur Perron, nous condamnerait à la mort certaine de la sociale démocratie si chère aux Québécois.