Ils furent finalement 41 socialistes à s'abstenir de voter en faveur du Pacte de stabilité. Et trois à voter contre. Ajoutez les scores écologistes et des radicaux de gauche, et voici 12 opposants et 5 abstentions supplémentaires. Soit 61 députés de l'ex-majorité présidentielle qui ont défié l'actuel gouvernement ce mardi 29 avril. Le texte fut toutefois adopté, avec 16 voix de majorité.
Manuel Valls réclamait un vote de confiance, il menaçait de représailles, il laissait ses proches Urvoas et quelques autres évoquer combien la défiance serait insupportable si des votes manquaient à l'appel. Notre premier des ministres avait si bien fait le service après-vente. Ecoute et concessions, quelques jours durant, après une fronde que l'on devinait sincère mais gênée.
Il y avait bien des plans alternatifs, qui ne faisaient pas la part si belle au social-libéralisme de l'offre. Ils furent négligés, oubliés, rejetés. A l'Assemblée, il n'y avait pas de débat, simplement un vote consultatif. D'ailleurs, le Sénat ne sera pas consulté.
On nous expliqua que s'il manquait finalement 20 votes, on pourrait souffler d'aise dans les couloirs de Matignon. A trente, on devrait grimacer. A quarante, il faudrait masquer la stupeur. A plus de soixante, que dit-on ?
Le Parti socialiste est certes en friche. Mais tout de même! Qu'une soixantaine d'élu(e)s de juin 2012 aient refusé de suivre la droitisation accélérée du gouvernement, ou l'absence du virage social tant attendu, est donc un signe, grave et certainement pas définitif.
Mardi après-midi, un peu après 16 heures 30 à l'Assemblée nationale, Manuel Valls était sur l'estrade pour convaincre. "J'assume, oui, j'assume" lança-t-il, bravache. Et de poursuivre dans le drame et la grandiloquence: "Ce gouvernement ne vous demande pas de vote “à blanc”, “juste pour voir”, une indication, encore moins un message. (...) Ce n'est pas un vote indicatif, mais un vote décisif. Il marquera profondément l'évolution de notre pays. Ce moment nous invite tous au dépassement de nous-mêmes". Il a assumé son plan, détaillant et rappelant les économies demandées. Il martèle sa traque du coût du travail, le CICE n'est qu'une "première étape". Notez la formule. "Avec le pacte de responsabilité et de solidarité, la baisse du coût de travail va s'intensifier." Il a raison, le niveau d'exonérations de cotisations sociales et de baisses d'impôts pour les employeurs devient inédit en France. Il reste à allumer des cierges.
Ce vote était donc décisif, dont acte. Manuel Valls premier ministre a perdu 18% des 326 députés de la majorité. C'est peu, mais ce n'est pas rien. C'est une majorité "rétrécie", rabougrie, avertie. La droite n'a pas osé applaudir à un plan qu'elle n'a pas su conduire quand elle fut aux affaires dix années durant. Une grosse trentaine de milliards de baisses de charges quand l'Etat peine déjà à terminer ses fins de mois sans recourir encore et toujours à l'emprunt, il fallait oser.
Finalement, ils furent 59 à gauche, à voter la défiance.
Du côté des socialistes et associés,
Contre: 3
- Marie-Françoise Bechtel
- Christian Hutin
- Jean-Luc Laurent
- Pouria Amirshahi
- Christian Assaf
- Serge Bardy
- Delphine Batho
- Laurent Baumel
- Philippe Baumel
- Jean-Pierre Blazy
- Kheira Bouziane-Laroussi
- Isabelle Bruneau
- Fanélie Carrey-Conte
- Nathalie Chabanne
- Dominique Chauvel
- Pascal Cherki
- Florence Delaunay
- Jean-Pierre Dufau
- Henri Emmanuelli
- Hervé Féron
- Richard Ferrand
- Jean-Marc Germain
- Jean-Patrick Gille
- Daniel Goldberg
- Linda Gourjade
- Jérôme Guedj
- Edith Gueugneau
- Mathieu Hanotin
- Chaynesse Khirouni
- Christophe Léonard
- Arnaud Leroy
- Kléber Mesquida
- Franck Montaugé
- Pierre-Alain Muet
- Philippe Noguès
- Christian Paul
- Michel Pouzol
- Denys Robiliard
- Barbara Romagnan
- Gérard Sebaoun
- Suzanne Tallard
- Stéphane Travert
- Catherine Troallic
- Paola Zanetti
Contre: 12
- Laurence Abeille
- Brigitte Allain
- Isabelle Attard
- Danielle Auroi
- Michèle Bonneton
- Christophe Cavard
- Sergio Coronado
- Noël Mamère
- Véronique Massonneau
- Barbara Pompili
- François de Rugy
- Eva Sas
- Denis Baupin
- Jean-Louis Roumégas
- Jean-Noël Carpentier
- Jacques Krabal
Institutionnellement, ce résultat ne change rien à la conduite des affaires. Le gouvernement reste en place. Manuel Valls est encore premier ministre. François Hollande ne change pas son programme.
L'UMP et son supplétif UDI ont très bien joué: l'un comme l'autre réclament des pactes austéritaires plus graves encore, pour des exonérations de charges plus graves encore - 80 milliards pour le second, 130 milliards pour le premier. Les deux sont parvenus à maintenir la surenchère à l'outrance libérale plus ample que jamais. Ce faisant, ils ont aidé à convaincre quelques socialistes troublés que 50 milliards dont les 2 tiers seront reversés non pas au redressement des comptes mais à la baisse des charges et des impôts, ce n'était pas si grave ni si droitier. Bravo, on applaudit à la démarche.
Copé fit donc voter son groupe UMP (presque) comme un seul homme contre le Pacte Valls. Il n'y eut que Frédéric Lefebvre, l'ancien sarkozyste défroqué, pour voter en faveur du dit plan. Le jour venu, au moment des élections, les électeurs s'y retrouveront: la gauche désemparée s'abstiendra, la droite retournera au bercail qu'elle n'a jamais quitté. Même le centre-droit a joué le jeu, provoquant Valls dans l'enchère.
Il fut particulièrement pénible d'entendre cette succession de compassions sociales dans la bouche d'éminent(e)s responsables UMPistes. Laurent Wauquiez, mardi matin à la radio, ou Rachida Dati, le soir sur iTélé, s'affligeaient des "souffrances" que le Pacte Vallsien provoqueraient sur les classes moyennes.
La crédibilité de ces gens est sans doute ridicule.