Comme s’il en pleuvait

Publié le 29 avril 2014 par Cbth @CBTHblog

Si vous me dites théâtre de boulevard, je m’attends au pire comme au meilleur. Mais quoi qu’il arrive, impossible de refuser de découvrir une salle que je ne connais pas, et encore moins de voir des comédiens sur scène. Niveau salle, le théâtre Edouard VII est magnifique. Niché au fond d’une impasse luxueuse et calme du 9ème à Paris, c’était la première bonne surprise de la soirée. Dans mon enthousiasme, j’ai oublié de faire une photo. Vu le temps pourri de mardi soir, c’est pas plus mal. Pour patienter, vous pouvez toujours vous arrêter au café Bertie juste à côté. Un peu cher comme tout le quartier, mais au final sympa (Ah ce Secret Garden était pétillant à souhait ;)).

Et puis avec une telle tête d’affiche, Pierre Arditi himself, comment voulez-vous que je refuse? Il était déjà celui qui me faisait rire à 10 ans tout en me charmant. Et ce charme, il l’a bien conservé, croyez-moi. Charisme, jeu impeccable, diction et ton, il connaît vraiment ses gammes de comédien sur scène. Le tour de force réside aussi dans le fait qu’il enchaîne tous les soirs deux pièces différentes dans ce théâtre, une à 19h (Moi, j’crois pas !), celle-ci à 21h. Bref, j’admire l’homme depuis petite, et je dois dire qu’avec Stéphanie, on était aux anges après l’avoir vu « en vrai » !

Laurence, directrice d’école, et Bruno, anesthésiste, couple sans histoire dans la bonne cinquantaine, découvrent un soir un billet de 100 euros sur leur table de salon. Pas d’explication… Le lendemain une somme beaucoup plus conséquente les attend au réveil, et de jours en jours les billets envahissent leur appartement, mais aussi leur esprit et leur couple…

Impossible de dire que c’est du boulevard pur, même si les codes en sont respectés : un appartement de nos jours, des portes qui claquent, des cris outranciers, des quiproquos… Mais cela va plus loin, on est parfois dans l’absurde total, puis dans la réflexion profonde sur la nature humaine, l’humour du premier au dixième degré… et une fin "grand n’importe quoi" réjouissante !

Pas un instant on ne décroche des pas et des pensées de ces deux personnages qui alternent tour à tour euphorie, colère ou désespoir. Cet argent fait ressortir de telles choses de l’humain ! La revanche, l’aigreur, la joie pure, la légèreté étourdissante. Et ces simples bouts de papier poussent chacun dans ses retranchements, creusant un fossé entre ces amoureux, tout en les rapprochant par moment, face aux décisions à prendre. Une monnaie bien plus efficace qu’une thérapie, au point d’approcher les frontières de la folie douce (ou pas ^^). Pièce drôle, sérieuse et déjantée, je n’ai pas réussi à classer ce texte de Sébastien Thiéry. Peu importe, j’en suis ressortie avec un grand sourire.

Et puis au-delà de ce couple, ça égratigne « les riches » et ceux qui crèvent d’envie de le devenir, les gens de gauche, les bobos, la soif de reconnaissance…. Rien d’étonnant puisque que l’auteur lui-même dit venir de cette classe bourgeoise modeste, dite « à la con ». Et quel régal d’avoir droit à des blagues racistes assumées parfaitement. Oui c’est ignoble d’en dire, nous sommes d’accord. Mais qu’il est bon d’admettre qu’elles ont leur place dans une pièce de théâtre, histoire d’arrêter l’hypocrisie et de montrer que de tel propos persistent au quotidien…

Quant à la troupe, rien à dire, ils sont parfaits. Vous l’avez déjà compris pour Pierre Arditi, mais sa femme Evelyne Buyle est tout autant dans le ton. On sent leur amour et leur expérience de la scène. Véronique Boulanger et Gilles Gaston Dreyfus complètent la liste à merveille.

Voilà, j’y suis allée et j’ai aimé. Et l’ambiance dans la salle n’a laissé aucune place au doute : ça fait mouche !

Roseline

Comme s’il en pleuvait, de Sébastien Thiéry, avec Pierre Arditi, Evelyne Buyle, Véronique Boulanger et Gilles Gaston Dreyfus. Théâtre Edouard VII (Paris 9ème) 21h du mardi au samedi, matinées le dimanche.