La plupart d'entre eux adaptent leur propre livre, comme Beigbeder, ( l'amour dure 3 ans) David Foenkinos («la Délicatesse»), même Houellebecq («la Possibilité d'une île»), Marc Dugain («Une exécution ordinaire»), Virginie Despentes («Baise-moi»), Eric Emmanuel-Schmitt («Odette Toulemonde», «Oscar et la dame rose»), Bernard Werber («Nos amis les Terriens»). Alexandre Jardin («Fanfan», «Oui»), Yann Moix («Podium», «Cinéman»), Emmanuel Carrère, «la Moustache») et à quelques exceptions près, c'est rarement avec grande réussite.
Rares sont ceux qui arrivent à se démarquer et proposer un regard de metteur en scène différent de leur identité d'auteur reconnus, et parmi ceux ci se démarque assez nettement le lorrain Philippe Claudel.
D'une part car Claudel est un des seuls à ne jamais adapter un de ses romans au cinéma, mais à toujours proposer d'adapter un scénario original, et d'autre part car les genres qu'il aborde au cinéma sont vraiment éloignés des romans qu'il écrit.
D'ailleurs même en tant que romancier, Philippe Claudel est un formidable touche à tout, ne voulant surtout pas se cantonner à un récit précis capable ' d'aller du côté du conte philosophique "le rapport de Brodeck" à d'un roman historique "les âmes grises ( adapté au cinéma mais pas par lui, par Yves Angelo)". Et la semaine passée, j'ai enchainé avec un ouvrage- pas vraiment un roman d'ailleurs- "Parfums", et un film - "Avant l'hiver"- tous deux sortis récemment et qui prouvent une fois l'éclécitsme et la maitrise de Philippe Claudel.
Même si les deux oeuvres sont pleinement différentes sur pas mal de plans, elles témoignent quand même d'une même préoccupation de l'auteur, celle de disséquer l'humain et l'intime qui se cache dans chacune de ses histoires et d'une même sensibilité cdans le regard qu'il porte à la conduite de ces récits.
Car ceux qui aiment Claudel le romancier aime souvent aussi Claudel le cinéaste, car ces derniers aiment ses films de la même façon qu'on aime se plonger dans ses écrits, pour l'intensité, la sensibilité et le regard sur les gens et sur la vie que ces oeuvres contiennent. La preuve en ces deux brèves chroniques :
1. Le livre : "Parfums" (Le livre de poche)
Les réminissences du parfum d'autrefois (les odeurs d'une mobylette, d'une pièce humide, d'un vêtement oublié, d'un fromage particulièrement incommodant) reviennent à l'esprit de l'auteur comme des fragments de son existence, afin qu'il se rappelle des moments pas toujours agréables mais toujours précieux de sa vie passée. Et pour moi qui ai pratiquement perdu tout odorat au fil des années, cette démarche de Claudel m'a ému plus de raison, malgré (grâce à?) la modestie de son propos.
Ces souvenirs sont certes parfois minimalistes, mais parviennent souvent, grâce à cette simplicité, à toucher à l'universalité. Ainsi, ces odeurs de gymnase de l'école, lieu où l'auteur découvre ses premiers émois à l'égard des filles, ce lieu permettant aux corps de se dévoiler et aux coeurs de s'embraser.
Les odeurs personnelles de Claudel sont donc à leur façon également les nôtres, faisant également partie de nous, intégralement ou non.
Comme chez Philippe Delerm, Claudel possède cet immense talent de scruter ce qui pourrait paraitre anecdotique, de célébrer ces petits riens qui sont en fait un hymne à la vie qui passe, avec quand même un poil de mélancolie et de nostalgie sur ce temps qui passe et qu'on a tant de mal à retenir .
Mais justement pour les immortaliser ces courts instantanés du passé, quoi de plus émouvant et de plus efficace que de les coucher sur le papier? C'est à quoi s'échine Claudel, aidé par cette plume à la fois simple et poétique, en faisant montre de son merveilleux talent de conteur qui lui permet d'enchanter le quotidien et de faire un sort au temps qui emporte tout avec lui.
2. Le DVD Avant l'hiver ( UGC distribution)
Après « Il y a longtemps que je t’aime », son premier film, beau mélodrame de la renaissance d’une femme après une longue période d’emprisonnement, il avait livré le si réjouissant « Tous les soleils » et j'attendais donc fortement le troisième, même si il avait été accompagné de quelques réserves à sa sortie.
Après avoir vu "Avant l'hiver", je dois dire que par rapport à ses deux premiers, le film est certes légèrement en dessous, mais il n'empeche, Philippe Claudel prouve bien avec ce troisième long qu’il reste un cinéaste de l’humain.
En effet, alors qu'on aurait pu s'attendre en lisant le pitch de départ à une histoire oh combien classiquee d'un sexagénaire atteint du démon de midi, tombant amoureux d'une jeune étudiante ( sujet encore plus traité dans les romans français que dans les films français), le film va finalement dans une autre direction, et plus complexe et jouant sur un autre registre que celui de la relation charnelle.
On pense effectivement pas mal au cinéma de Claude Sautet - et notamment du magnifique "Un Coeur en hiver", au titre un peu similaire et avec un Daniel Auteuil 20 ans plus jeune qui explorait pareillement les interrogations existentielles .
Les reflexions abordées dans Avant l'hive sur le temps qui passe et sur ce qu'on a fait de savie sont passionnantes et bien amenées et Claudel excelle dans les non dits et les ambitions refoulées. Grâce à son habituel souci du détail et des personnages secondaires fouillés,(comme la soeur de Lucie, alias Laure Killing), Claudel réussit son étude de moeurs sur un couple de bourgeois en crise qui n'ose se l'avouer.
Même s'il est quelque peu dommage qu"avant l’hiver" ne soit pas simplement que cela et que le cinéaste se sente un peu obligé de venir y rajouter une intrigue de thriller qui ralentisse le film et le rende moins convaincant, le film confirme le talent de Claudel cinéaste à maitriser son sujet aussi bien derrière une caméra qu'une plume à la main.
Avant l'Hiver - Bande annonce HD