Karima Delli
Députée européenne Europe Ecologie-Les Verts d’Ile-de-FranceL'obsession du tandem Hollande-Valls à baisser la dépense publique de 50 milliards d'euros en trois ans est absurde. Absurde parce qu'elle intervient en période de crise, quand l'économie et la société française ont besoin de protection et de relance. Or depuis Keynes et la crise de 1929, les économistes reconnaissent un principe simple: en période de crise économique, c'est la puissance publique qui doit suppléer la carence de l'initiative privée. En période de crise sociale, l'augmentation des dépenses publiques est mécanique, et heureusement, car elle produit un effet contracyclique en soutenant la demande et en rétablissant la confiance.Essayer coûte que coûte d'empêcher ces mécanismes, au nom de la baisse des déficits à tout prix, aura un effet contreproductif sur la baisse de ces mêmes déficits. Ce que l'on constate ces dernières années, où le retour à l'équilibre des comptes publics est retardé par l'austérité qui avait pourtant pour but... le retour à l'équilibre.Or ce qu'a annoncé Manuel Valls n'est ni plus ni moins qu'une saignée dans notre économie et dans notre protection sociale. Le tour de vis se répartit entre l'Etat (18 milliards d'euros d'économies), les collectivités locales (11 milliards) et la Sécurité sociale (21 milliards). Ces "économies" signifient en fait des coupes sombres dans la santé, dans l'éducation et dans la protection de l'environnement. Moins de protection sociale, moins de personnel hospitalier, moins d'enseignants et plus de pollution de l'air et des sols, voilà ce qu'impliquent ces réductions dogmatiques.Déjà en baisse depuis deux ans, les dotations aux collectivités chuteront de 11 milliards d'euros. Elles devront trancher dans les dépenses sociales en direction des personnes âgées, de la dépendance, de la petite enfance ou des transports en commun. Enfin, la baisse des subventions au monde associatif, fondamental à la cohésion sociale, risque d'entraîner un plan social massif qui n'aura sans doute pas les égards d'Arnaud Montebourg...La Sécurité sociale apportera une contribution majeure, à hauteur de 21 milliards, dont la moitié sur les dépenses de sécurité sociale. La Santé sera en première ligne, avec 10 milliards en moins. Autant dire que les franchises médicales ne sont pas près de disparaître, que les urgences ne désempliront jamais et que les inégalités de soin ont de beaux jours devant elles, puisque le gouvernement n'ose pas s'attaquer aux dépassements d'honoraires.Seront aussi frappés des milliers de retraités, des milliers de familles, qui vont subir le gel des allocations logement et familiales et des pensions dont ils bénéficient et voir leurs conditions de vie se précariser davantage. Des mesures "rabot" bêtes et méchantes, sans aucun souci de justice sociale, alors que le gouvernement avait juré qu'il en finirait avec ces économies uniformes au profit de réformes "en profondeur". Cerise sur le gâteau de l'injustice, la minuscule augmentation du RSA promise en début de mandat, qui devait atteindre un demi-Smic, est annulée! Ceux qui touchent ce chèque de 499,31 euros par mois seront ravis d'apprendre qu'ils ont eux aussi contribué au rétablissement des comptes publics... Tout comme les médecins d'antan préconisaient des saignées, les charlatans qui nous gouvernement pensent qu'il faut faire souffrir le patient pour qu'il mérite sa guérison, sans se rendre compte qu'en réalité il le tue à petit feu.LIRE AUSSI - Votre retraite ne sera pas gelée si...Qui peut être contre des économies? Personne! Mais pas de cette ampleur et pas à ce rythme. Faire des économies, c'est possible! Revenons sur les aides fiscales nuisibles à l'environnement. Faisons des économies du côté de Notre-Dame-des-Landes (environ un milliard), du côté du canal Seine-Europe (4,5 milliards), de l'EPR de Flamanville (5 milliards) ou du côté du tunnel Lyon-Turin (26 milliards), voire, sacrilège, en renonçant à la dissuasion nucléaire (3,4 milliards par an). Taxons aussi les bureaux vides, ce qui réduirait la vacance et donnerait la priorité aux logements, dont on manque, plutôt qu'aux bureaux, dont on ne sait que faire.A quel titre promet-on cette purge de 50 milliards ? Tout d'abord en invoquant la sacro-sainte compétitivité des entreprises, qui bénéficieront de 30 milliards d'euros de charges en moins, presque sans aucune contrepartie sociale, aucune contrepartie démocratique pour impliquer les salariés dans leur gestion, ni aucune condition écologique bien sûr. L'Etat compensera de sa poche les baisses de cotisation sans distinction, qu'il s'agisse de produire des panneaux solaires comme des machines à sous.Ensuite, c'est au nom de l'Europe, bien sûr, qu'est déroulé ce rouleau-compresseur social. En France, faire de « Bruxelles » le bouc-émissaire de la rigueur, est un sport national auquel les socialistes semblent autant exceller que l'UMP. Mais Bruxelles c'est qui ? C'est avant tout les chefs d'Etat réunis autour du Conseil, et notamment François Hollande qui, sitôt élu, a renié son engagement de renégocier la rigueur et le traité européen, de même que ce nouveau gouvernement, sitôt investi a lamentablement renié sa promesse de renégocier le rythme de réduction des déficits.Pourtant, l'Europe peut être, pour peu qu'on se batte pour cette idée, aux côtés des Italiens, des Espagnols et des Grecs, le meilleur des outils pour relancer l'activité et amorcer la transition écologique de notre continent.C'est le sens du Green New Deal que nous portons depuis 2008 : relancer l'activité - et non pas la croissance - par le soutien à des activités créatrices d'emplois et génératrices de bien-être, des activités qui annoncent les économies de demain. Avoir le sens de l'Etat, c'est investir pour anticiper les changements de notre monde, c'est transmettre une éducation de qualité et un environnement soutenable à nos enfants plutôt qu'un budget à l'équilibre, coûte-que-coûte.Taxer la pollution plutôt que le travail, voilà une solution ! Mais il faut un peu de courage pour taxer le transport routier, alors que Ségolène Royal remise l'écotaxe au garage, ou le diesel, alors que le gouvernement s'obstine à le subventionner. Il ne faudrait pas risquer d'être impopulaire, paraît-il. Comme si s'attaquer à la prolifération des camions, aux particules fines qui nous coûtent six mois d'espérance de vie en moins, au bruit, au dérèglement climatique, était forcément impopulaire. L'écologie est populaire, en tout cas bien plus que ce "socialisme" qui ne parle déjà plus qu'au Medef, aux agences de notation et à la Commission européenne.